La PCH peine à renouveler ses stocks : Les hôpitaux face au risque de rupture de médicaments

10/04/2022 mis à jour: 02:02
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Certains médicaments destinés à soigner des cancers sont actuellement introuvables

Quatre cent quarante-sept médicaments sur 552 produits enregistrés, toutes aires thérapeutiques confondues, et soumis à l’appel d’offres national et international n° 07/2021 du 1er septembre 2021, clôturé en octobre et attribué le 7 avril, sont déclarés infructueux par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), soit plus de 80% d’infructuosité. 

Seulement 105 produits ont trouvé attributaires. Il est à souligner que sur les 447 médicaments, il y a de nouvelles molécules bénéficiant d’un enregistrement récent alors que certains d’entre elles, indiquées dans le traitement des cancers et certaines maladies inflammatoires chroniques, sont actuellement en épuisement de stock au niveau de la PCH et dans les hôpitaux. Ce qui compliquera davantage la prise en charge des patients et amplifiera les ruptures déjà existantes au niveau des établissements hospitaliers. 

A noter que parmi ces produits, 27 biosimilaires, nouvellement enregistrés par l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP) pour pallier la situation monopolistique et baisser les prix de ces produits avec des économies substantielles sur la facture de l’importation, n’ont pas été retenus. Pourtant cet appel d’offres a été reporté à deux reprises depuis 2020 pour justement introduire ces biosimilaires, dont l’étude des dossiers était en cours d’examen au niveau de l’ANPP au courant de l’année 2021. Les décisions d’enregistrement (DE) ont été alors délivrées aux fournisseurs pour soumissionner. La soumission a été également retardée pour inclure une trentaine de molécules innovantes enregistrées en 2018, dont des anti-cancéreux inscrits sur la liste commerciale de la PCH, signée par le ministre de la Santé, alors que ces produits n’ont pas d’équivalents comparateurs. 

L’infructuosité d’un nombre aussi important de médicaments est du jamais-vu dans les annales de la PCH, qui a pour mission, rappelons-le, l’approvisionnement et la distribution des médicaments aux établissements de santé. Comme elle est tenue de garantir la disponibilité des produits pharmaceutiques dans les meilleures conditions de livraison, de stockage et de coût. 

A ce propos justement, de nombreuses anomalies caractérisent cet appel d’offres national et international et s’inscrivent en porte-à-faux avec la politique engagée par le gouvernement, notamment la réduction de la facture à l’importation et favoriser la production locale. C’est tout le contraire qui s’est passé à travers cet appel d’offres tant attendu où de nouveaux fournisseurs étrangers avec de nouveaux produits et des médicaments fabriqués localement ont été carrément exclus. Les exemples sont nombreux. 

Sur 14 produits disponibles localement pour la classe oncologie, dont six produits du groupe Saidal, deux seulement ont été attribués aux producteurs locaux, soit Saidal et Hikma. Les 12 restant sont octroyés à l’importation et d’autres sont infructueux. Ces molécules font partie de la liste des 38 molécules qui étaient importées puis transférées vers la fabrication locale. A travers ce transfert, l’on estime une économie prévisionnelle de 50 millions de dollars, soit 50% de la facture à l’importation. Un autre médicament utilisé en hématologie et fabriqué localement par le groupe Saidal est, par contre, revenu à l’importation et partagé entre deux multinationales. 

Interrogations

L’exemple le plus édifiant et qui suscite des interrogations est l’infructuosité des 27 biosimilaires des différentes classes thérapeutique dont la plus importante est l’oncologie. Une catégorie de produits importante pour la PCH, que ce soit au plan financier ou thérapeutique, mais qu’elle a carrément évincée et ne garder aucun fournisseur, même le plus ancien. Pourtant, sur ces produits précis, quatre à cinq fournisseurs ont soumissionné pour chaque DCI dans cet appel d’offres alors que par le passé, la PCH attribuait le marché même avec un seul ou deux fournisseurs. 

Pour des produits tels que les dérivés plasmatiques indiqués dans le traitement de l’hémophilie A et B, qui connaissent une tension mondiale en approvisionnement, la PCH a décidé d’attribuer le marché qu’à un seul fournisseur. Pis encore, le Natalizumab, indiqué dans le traitement de la sclérose en plaque (SEP), disponible en quantité suffisante chez l’unique fournisseur en Algérie et actuellement en rupture dans les hôpitaux, a été déclaré infructueux. C’est également le cas pour le lait spécial nouveau-nés atteints de la maladie rare la phenylcétonurie, qui est d’ailleurs sous tension. 

Au vu des résultats de cet appel d’offres, il est clairement indiqué que la PCH va encore s’engouffrer dans ses difficultés financières connus de tous. Ainsi, cette liste des 447 produits déclarés infructueux publiée sur le site de la PCH, représentés par une cinquantaine de fournisseurs nationaux et internationaux, pourrait réduire, selon de nombreux spécialistes du pharma, de manière drastique la facture à l’importation pour la PCH. 

Avec les 27 biosimilaires à eux seuls, «une économie prévisionnelle de 100 millions de dollars devait être générée pour l’année 2022 à l’issue de l’appel d’offres de la PCH», a déclaré le Dr Reda Kessal, directeur de la veille stratégique au ministère de l’Industrie pharmaceutique et président du comité économique intersectoriel des médicaments au même ministère lors des journées sur la pharmaco-économie, organisée en mars dernier. Et d’affirmer que les économies réalisées sur ces produits, toutes formes confondues, «seront injectées pour l’acquisition des produits innovants, notamment pour les maladies rares et l’oncologie», notamment l’immunothérapie et les thérapies ciblées. 

Pour la PCH, la commission d’évaluation des offres n’a fait qu’appliquer les critères fixés dans le cahier des charges et conformément aux dispositions réglementaires de l’arrêté du ministère de l’Industrie pharmaceutique portant les conditions techniques à l’importation des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine. La PCH informe dans l’avis d’attribution qu’un délai de recours de dix jours est accordé aux soumissionnaires qui contestent la présente attribution. 

A cela s’ajoute 15 jours prévus pour le traitement des recours et leur remise aux soumissionnaires. La question qui se pose est de savoir comment la PCH pourra-t-elle assurer la couverture des besoins importants exprimés avant de lancer de nouvelles procédures (gré à gré, renouvellement de contrat, ...) pour l’acquisition de ces produits. En attendant, les malades algériens ne peuvent que prendre leur mal en patience. 

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