Les répercussions d’une offensive de l’armée d’occupation israélienne sur Rafah ne se limiteraient pas à ses habitants et aux déplacés qui y ont trouvé refuge. En tant que principal point de passage pour l’aide humanitaire vers Ghaza, la ville est essentielle pour le maintien de la vie dans l’enclave palestinienne. Une opération terrestre majeure pourrait couper complètement ce lien vital, exacerbant ainsi la crise humanitaire qui sévit déjà.
Les préparatifs pour une offensive d’envergure menée par Israël à Rafah suscitent les craintes quant au sort des Palestiniens de Ghaza déplacés dans le sud de l’enclave et pris dans le piège de la guerre. Israël, sous l’ordre de son sinistre Premier ministre, Benyamin Netanyahu, envisage une offensive majeure à Rafah visant, selon ses dires, à «éliminer le mouvement Hamas», mais qui pourrait surtout entraîner des conséquences désastreuses pour la population de Rafah.
Alors que les habitants se préparent au pire, la question cruciale se pose : où iront-ils ? La situation actuelle est déjà critique, avec près de 1,7 million de Ghazaouis ayant trouvé refuge à Rafah. Ces personnes vivent dans des conditions précaires, sous des toiles et sont confrontées à la famine et aux épidémies, alors que l’hiver s’installe. Pour beaucoup, fuir une fois de plus n’est pas une option viable, surtout en l’absence de lieux sûrs où se réfugier.
Les mises en garde concernant une offensive imminente se multiplient. Le mouvement Hamas prévient que toute attaque sur Rafah pourrait faire «des dizaines de milliers de morts et de blessés» dans cette ville du sud de la Bande de Ghaza. L’Unrwa, principale agence humanitaire à Ghaza, tire également la sonnette d’alarme, soulignant les conséquences dévastatrices d’une opération militaire d’envergure dans une zone densément peuplée.
L’ONU, les Etats-Unis, l’Allemagne et d’autres acteurs internationaux expriment leur profonde préoccupation quant au sort des civils de Rafah. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, met en garde contre les conséquences d’une telle opération menée «sans planification adéquate», tandis que le patron de l’ONU, Antonio Guterres, craint une aggravation exponentielle de la crise humanitaire déjà existante.
L’Arabie Saoudite avait appelé samedi à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU «pour empêcher Israël de provoquer une catastrophe humanitaire». Pour le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, une offensive à Rafah provoquerait «une catastrophe humanitaire indescriptible».
L’Organisation de la coopération islamique (OCI) condamne aussi fermement les menaces d’Israël et souligne «le droit inaliénable du peuple palestinien à rester sur ses terres». En Israël, les opposants au Premier ministre ont aussi exprimé leur indignation.
«Il est clair que Netanyahu fait traîner la guerre en longueur, il n’a aucune idée de ce qu’il faut faire le lendemain», a affirmé à l’AFP Gil Gordon samedi soir lors d’une manifestation à Tel-Aviv. «Il se contente de dire non (...) et n’a pas d’autre solution que la solution militaire.» Et à Téhéran, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a appelé hier à exclure Israël de l’ONU, estimant que l’offensive israélienne à Ghaza était «un crime contre l’humanité».
Le Premier ministre israélien reste néanmoins inflexible. «La victoire est à portée de main. Nous allons le faire», a-t-il déclaré dans un entretien à la chaîne ABC News diffusé hier, qualifiant Rafah de «dernier bastion» du mouvement islamiste. «Ceux qui disent qu’il ne faut absolument pas entrer dans Rafah sont en réalité en train de nous dire qu’il faut perdre la guerre, et laisser le Hamas sur place», a-t-il affirmé.
Rafah est le dernier grand centre urbain où l’armée d’occupation israélienne n’a pas encore pénétré. Cette ville, transformée en un gigantesque campement de fortune, est le principal point d’entrée pour l’aide humanitaire, toujours insuffisante. Les répercussions d’une offensive de l’armée d’occupation israélienne sur Rafah ne se limiteraient pas à ses habitants et aux déplacés qui y ont trouvé refuge.
En tant que principal point de passage pour l’aide humanitaire vers Ghaza, la ville est essentielle pour le maintien de la vie dans l’enclave palestinienne. Une opération terrestre majeure pourrait couper complètement ce lien vital, exacerbant ainsi la crise humanitaire qui sévit déjà.
Lien vital
Hier, au 128e jour consécutif de l’agression sioniste, au moins 25 Palestiniens sont tombés en martyrs et des dizaines d’autres ont été blessés suite à un bombardement contre une maison abritant des personnes déplacées à l’est de Rafah, un endroit initialement désigné comme «zone de sécurité» pour les civils palestiniens par l’armée sioniste, selon l’agence palestinienne Wafa qui cite des sources locales et médicales.
L’artillerie de l’occupant a également ciblé la ville de Khan Younès, faisant plusieurs martyrs parmi la population civile, relevant qu’il n’existe aucun bilan précis concernant le nombre de victimes palestiniennes en raison des perturbations continues des communications dans l’enclave.
Les avions militaires de l’occupation israélienne ont, par ailleurs, mené une série de frappes aériennes intenses contre plusieurs zones au Sud, tandis que des sources locales ont fait état d’une autre frappe aérienne ayant visé la maison d’une famille à Deir Al Balah pendant laquelle une femme est tombée en martyr et plusieurs autres Palestiniens ont été blessés, dont un enfant.
Des sources médicales palestiniennes ont rapporté hier que le bilan des agressions sionistes lancées le 7 octobre dernier contre la Bande de Ghaza, s’est élevé à 28 176 martyrs et 67 784 blessés.
A cela s’ajoute une situation humanitaire désastreuse. Des bombardements aériens ont d’ailleurs frappé jeudi les environs du siège de l’Unrwa à Rafah, nourrissant les tensions et la peur sur place. «Au moins 300 000 personnes vivant dans la région dépendent de notre aide pour leur survie. Empêcher l’accès empêche l’aide humanitaire vitale.
Avec la volonté politique nécessaire, cette situation peut être facilement inversée», a dit sur X Philippe Lazzarini, le chef de l’Unrwa. Celui-ci doit rencontrer demain les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à Bruxelles pour tenter de convaincre le bloc des Vingt-Sept de débloquer des fonds, selon Juliette Touma, directrice des communications de l’agence onusienne.
«Nous faisons tout notre possible pour que, espérons-le, nos donateurs qui ont suspendu leur financement, reconsidèrent leur décision, pour que d’autres donateurs augmentent leur financement et pour que de nouveaux donateurs arrivent», a déclaré Mme Touma.
L’Unrwa, qui connaît des difficultés financières depuis des années, a déclaré qu’elle pourrait devoir suspendre ses opérations à Ghaza et dans la région, si le financement ne reprenait pas. Les fonds suspendus équivalent à 440 millions de dollars, soit environ la moitié des coûts opérationnels de l’agence. L’Unrwa fournit des services essentiels, tels que l’éducation et les soins de santé, à des millions de Palestiniens.
Philippe Lazzarini, qui s’est rendu quatre fois à Ghaza depuis le début de l’agression sioniste, rencontrera les ministres de l’UE aux côtés de la coordinatrice de l’ONU pour Ghaza, Sigrid Kaag. Ils devraient également informer les ministres de la situation humanitaire dans l’enclave.
Certains donateurs de l’Unrwa, comme l’UE, n’ont pas annoncé une suspension des paiements, mais ont déclaré qu’ils gardaient un œil sur les résultats de l’enquête annoncée par l’ONU.
Un nombre de donateurs, dont la Norvège, l’Espagne, le Portugal et le Danemark, ont publiquement soutenu l’Unrwa et mis en garde contre une suspension de son financement. «Si l’Unrwa cesse de travailler dans un endroit comme Ghaza, a déclaré Mme Touma, davantage de personnes mourront, et elles mourront inutilement.»