Cimetière VIP des éléphants du football, terre de jouvence pour les stars mondiales, tapageuse opération de marketing géopolitique par le sport… La boulimie de l’Arabie Saoudite pour les têtes d’affiche du sport roi continue d’étonner et de susciter des commentaires. Et pour sûr, elle a bousculé, en quelques semaines d’accélération, les fondamentaux du marché des transferts.
Les volumes financiers mis dans le circuit jusqu’à présent, pour renforcer les clubs de la Saudi Pro league, placent les transactions du championnat du Royaume en cinquième position dans le monde : près de 440 millions d’euros ont été dépensés jusqu’ici pour faire signer des joueurs qui faisaient jusque-là l’attraction des stades européens et portaient sa florissante économie. Bien loin de la prestigieuse Liga espagnole, du championnat portugais ou belge, et rivalisant presque avec la Bundesliga allemande (450 millions d’euros), et la ligue 1 française (474 millions d’euros). La premier league anglaise reste, quant à elle, hors de comparaison avec un marché des transferts de l’ordre de 1, 40 milliard d’euros pour cette année.
On le voit, les dirigeants du Royaume, sous l’impulsion du prince héritier Mohammed Ben Selmane (MBS), ont décidé de dépenser sans compter dans la perspective de doter le pays d’une visibilité sportive aux dividendes certains sur le plan de l’image à l’international et de la soft influence géopolitique. Tout pour conforter l’idée que la très austère Mamelaka est en train de changer en profondeur et que l’aspiration à la modernisation est une lame de fond qui ne lésinera pas sur les moyens et l’agressivité en termes d’initiatives.
A la manœuvre, le fonds public d’investissement saoudien (PIF) a injecté de l’argent, beaucoup, dans le circuit sportif, plus particulièrement le football, avec en perspective une recapitalisation et une privatisation des entités animant le championnat national. Il vient de prendre des parts (à hauteur de 75%) dans les clubs locomotives des nouvelles ambitions et missions du football saoudien, ceux-là mêmes où atterrissent à rythme régulier depuis la fin des compétitions européennes, et sur les traces d’un pionnier de marque nommé Ronaldo, les Benzema, Mané, Kanté, Mahrez, Firmino, en attendant d’autres «surprises», puisque les recruteurs ne comptent pas se satisfaire de l’actuel casting. Selon des informations, la première liste des stars à débaucher comptait 15 noms retentissants de footballeurs. Elle aurait été portée récemment à près d’une centaine à pister pour des recrutements à moyen terme.
Le royaume de MBS est non seulement arrivé à concurrencer, voire présentement à éclipser, le déploiement, pourtant ancien, du Qatar et des Emirats arabes unis dans le domaine, mais ébranle une configuration de l’économie du football au niveau des clubs – soit le segment le plus dédié au business – que l’on pensait immuable jusqu’à présent. Les responsables du football européen ainsi que les animateurs des circuits de transfert, déjà un peu habitués aux ambitions de propriété des monarchies du Golfe sur les clubs du continent (13 clubs ont été rachetés par des émirs et hommes d’affaire qataris, émiratis et saoudiens), font mine de ne pas mal prendre la surenchère actuelle de la Saudi Pro League, et de son hyper-riche sponsor, le PIF.
Même tonalité aux Etats-Unis, autre client assidu des championnats européens. Don Garber, patron du Major League Soccer (MLS), le championnat américain, tout fier d’avoir pu convaincre Lionel Messi de ne pas prendre le chemin du Golfe, dit ne pas se laisser impressionner par le concurrent émergent, pas plus qu’il n’a été impressionné par l’éphémère fringale chinoise il y a quelques années.
Les Saoudiens, pour qui l’organisation d’une Coupe du monde en 2030 ou 2034 sur leur terre paraît être une véritable obsession, pas seulement de prestige, mais aussi comme levier central dans le softpower gourmand et pressé de MBS, promet d’investir plus, au moins dans les 15 prochaines années. Le match ne fait que commencer.