L’ancien ministre de l’industrie sous l’ère Bouteflika, Abdessalem Bouchouareb, ne sera pas extradé vers l’Algérie. La justice française a tranché hier la question de son extradition, en opposant un avis défavorable aux demandes de l’Algérie.
Ce «non définitif» prononcé après l’épuisement de toutes les voies de recours intervient dans un contexte de crise et de fortes tensions entre l’Algérie et la France. Ce niet risque, toutefois, d’aggraver la brouille diplomatique entre les deux pays.
Depuis octobre 2023, l’Algérie a introduit six demandes d’extradition auprès de la justice française. Mais la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu son verdict hier, mettant définitivement fin à cette procédure en opposant un avis défavorable.
Une décision motivée, rapporte l’AFP, par «les conséquences d’une gravité exceptionnelle» que pourrait avoir l’extradition de l’ex-ministre en raison de son âge, 72 ans, et de son état de santé.
Dans son arrêt, la cour a évoqué l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui stipule que «nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants» et l’article 5 de la Convention d’extradition franco-algérienne de 2019, qui prévoit notamment que l’extradition peut être refusée si elle risque d’entraîner pour la personne extradée «des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé».
Le rejet définitif des demandes d’extradition de Bouchouareb était prévisible puisque lors de la dernière audience, tenue le 5 mars, le représentant du parquet avait requis la non-extradition. «L’éloignement de M. Bouchouareb, gravement malade, ferait courir à celui-ci, si ce n’est un risque de vie, un risque de déclin rapide et irréversible de son état de santé», a estimé le procureur Raphaël Sanesi de Gentile.
Pour sa part l’ancien ministre, présent à l’audience, s’est défendu en soutenant : «Je ne suis pas un voleur mais un grand industriel anti-islamiste.» Son avocat, Me Bohbot, avait avancé une prétendue surpopulation carcérale en Algérie et pense qu'«une extradition aurait signé l’arrêt de mort de cet homme».
M. Bohbot avait toujours présenté son client comme une victime des «purges» de l’après-Bouteflika. De son côté, l’avocate de l’Algérie dans ce dossier, Me Anne-Sophie Partaix, a rappelé que les autorités judiciaires avaient, le 13 février, «donné les garanties nécessaires» à la justice française.
«M. Bouchouareb a volé de l’argent aux Algériens»
Dans son plaidoyer, elle a insisté sur le fait que «M. Bouchouareb a volé de l’argent aux Algériens, il a été condamné et doit répondre de ses actes». Par ailleurs, l’avocat de l’ex-ministre a tenté de décontextualisé l’affaire, affirmant que la décision de la cour n’est nullement liée à la conjoncture actuelle.
«C’est une décision implacable en droit et uniquement en droit, que le contexte actuel n’a pas influencée», a-t-il relevé, évoquant les fortes tensions actuelles entre Paris et Alger, autour notamment du refus d’Alger d’accepter ses ressortissants expulsables.
Ministre de l’Industrie entre 2014 et 2017, Abdessalem Bouchouareb a été condamné neuf fois à des peines maximales de 20 ans de prison, assorties chacune d’un mandat d’arrêt international dans des affaires liées, entre autres, à l’«octroi et perception d’indus avantages», «trafic d’influence», «blanchiment d’argent», «abus de fonction», «transfert illicite de fonds de et vers l’Algérie».
Il est accusé d’avoir obtenu non seulement des pots-de-vin, auprès des concessionnaires automobiles, mais aussi d’investisseurs auxquels il facilitait l’octroi d’assiettes foncières en contrepartie de subsides.
La neuvième et récente condamnation à 20 ans a été prononcée le 3 octobre 2023, dans le cadre du procès de l’ancien ministre Abdelhamid Temmar, également en fuite, devant le tribunal de Sidi M’hamed, avec de nombreux autres ex-membres du gouvernement, et ce, pour des faits de corruption distincts.
Aussi, la justice a émis un mandat pour la saisie des biens du septuagénaire, dont une grande partie a été vendue avant sa fuite vers l’étranger. Nabila Amir