La junte malienne en colère contre Madrid : Bamako convoque l’ambassadeur d’Espagne pour clarifier des propos sur l’OTAN

03/07/2022 mis à jour: 06:20
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Photo : D. R.

La nouvelle feuille de route de l’OTAN évoque, pour la première fois, l’«intérêt stratégique» que revêtent pour elle le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et le Sahel, ainsi que, notamment, les menaces que sont le terrorisme et l’immigration illégale.

L’ambassadeur d’Espagne a été convoqué vendredi par le gouvernement malien après des propos du ministre espagnol des Affaires étrangères disant «ne pas exclure» une mission de l’OTAN dans le pays, a déclaré le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, le même jour. «Nous avons convoqué aujourd’hui l’ambassadeur d’Espagne au niveau du ministère des Affaires étrangères pour élever une vive protestation par rapport à ces propos», a-t-il indiqué vendredi soir Abdoulaye Diop, lors d’un entretien à la télévision publique ORTM, relayée hier par l’AFP.

Le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, n’a pas exclu jeudi l’hypothèse d’une mission de l’OTAN dans le pays sahélien. «Non, nous ne pouvons pas l’exclure. La question n’a pas été abordée lors des discussions de Madrid, car il s’agit d’un sommet qui définit, pour ainsi dire, le cadre de l’action de l’OTAN. Si c’était nécessaire et s’il devait y avoir une menace pour notre sécurité, bien sûr que nous le ferions», a-t-il déclaré sur la radio publique RNE, en marge du sommet de l’Alliance qui se tenait dans la capitale espagnole.

«Ces propos sont inacceptables, inamicaux, graves» parce qu’«ils tendent à encourager une agression contre un pays indépendant et souverain», a estimé le ministre des Affaires étrangères malien. «Nous avons demandé des explications et une clarification de cette position au gouvernement espagnol», a ajouté A. Diop. «Le ministre doit se rappeler que la situation actuelle d’insécurité et d’expansion du terrorisme au Sahel est surtout liée à l'intervention de l'OTAN en Libye, dont nous payons encore les conséquences», a-t-il aussi souligné.

«L’Espagne n’a pas demandé pendant le sommet de l’OTAN ni à aucun autre moment une intervention, mission ou une action quelconque de l’Alliance au Mali», a réagi hier dans un communiqué l’ambassade d’Espagne au Mali.

L’Espagne «continuera à développer une relation amicale et pacifique avec le Mali», ajoute le communiqué. La nouvelle feuille de route de l’OTAN évoque, pour la première fois, l’«intérêt stratégique» que revêtent pour elle le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et le Sahel, ainsi que, notamment, les menaces que sont le terrorisme et l’immigration illégale. L’Espagne a fait de la prise en compte des menaces sur le flanc sud sa grande priorité pour ce sommet.

Madrid craint en particulier que l’instabilité au Sahel, où plusieurs groupes djihadistes sont très actifs, n’entraîne une augmentation de l’immigration clandestine. Située à quelques kilomètres des côtes africaines, l’Espagne est devenue l’une des principales portes d’entrée de l’immigration illégale en Europe.

Départ de la force Takuba

Par ailleurs, la France a annoncé vendredi la fin de la task force Takuba au Mali, une agrégation de forces spéciales européennes. «La réorganisation du dispositif militaire français au Sahel (...) a conduit à la fin des opérations de (...) Takuba au Mali à compter du 30 juin», a indiqué le porte-parole de l’état-major français, le général Pascal Ianni.

Initiée par l’ancienne ministre des Armées française Florence Parly, pour faire partager aux Européens le fardeau de la lutte contre les djihadistes au Sahel, Takuba a rassemblé une dizaine de pays européens (Belgique, République tchèque, Danemark, Estonie, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Portugal, Suède et Roumanie) et jusqu’à 800 à 900 soldats d’élite.

Ils étaient chargés d’aider les forces maliennes à gagner en autonomie et leur permettre de reprendre pied dans les territoires délaissés par l’Etat, face aux groupes djihadistes liés à Al Qaîda ou au groupe Etat islamique (EI).

La «pleine capacité opérationnelle» de Takuba, qui signifie «Sabre» en langue tamasheq, a été décrétée début avril 2021. Elle aura duré moins d’un an : les opérations conjointes ont en fait cessé dès février dernier. En rompant avec Paris, Bamako a aussi rompu avec ses alliés. En janvier, la junte militaire a demandé au Danemark de retirer ses troupes tout juste arrivées mais déployées «sans son consentement».

Copenhague a dénoncé «un jeu politique sale». La force suédoise a déjà décidé de ne pas prolonger ses forces spéciales au-delà de leur mandat initial en juin. Stockholm ne devrait pas non plus relocaliser de troupes hors du Mali, même si les échanges avec la France se poursuivent officiellement.

Le pays scandinave conserve 200 hommes au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), mais compte s’en retirer un an plus tôt que prévu, au premier semestre 2023. L’armée française aura quitté le Mali d’ici fin août après neuf ans d’engagement.

Le Mali est plongé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et djihadiste en 2012 dans le Nord. La propagation djihadiste a gagné le centre et les pays voisins, Burkina Faso et Niger. 

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