A 6h du matin, il était déjà avec d’autres pour attendre le camion de lait. A 8h30, devant «la poste» à faire la queue pour retirer sa maigre retraite et à 10h, il attendait un signe du ciel en lançant dans l’attente le débat du mois avec ses collègues d’infortune tous debout. Occident-Orient, Nord-Sud et Est-Ouest, Ukraine-Russie, Spiderman contre le reste du monde.
Les Occidentaux détestent les Russes et les Arabes, sauf ceux qui ont de l’argent, détestent les Chinois, les Iraniens et Nord-Coréens qui ne méritent qu’une démocratie aéroportée avec bombardements intensifs.
Oui, ils détestent aussi les Noirs africains, dont il faut piller les ressources en leur expliquant quel président il faut choisir. En gros, ils n’aiment que les Blancs et pas n’importe lesquels, pas les Cubains ou Vénézuéliens, mais ceux soumis à l’Oncle Sam, la grande tante de la fin de l’histoire qui un jour a tué les Amérindiens pour leur expliquer qu’ils devaient croire en Jésus le Sauveur pour être sauvés.
Oui, Hadji Bendji a soutenu l’Irak à l’époque, même si c’est Saddam, armé par l’Occident contre l’Iran, qui a envahi le Koweït qu’il considère à lui, les Anglais le lui ayant retiré lors d’un partage du monde après un dîner arrosé.
Il regrette un peu, mais ancien moudjahid qui n’a jamais demandé de carte sur l’idée qu’on ne fait pas la guerre pour gagner de l’argent, il sait que le passé n’a qu’une seule fonction, il passe. Hadji Bendji est rentré usé chez lui vers 19h. Le temps de réaliser que son surpresseur avait lâché et qu’il n’y avait pas d’eau, il s’est endormi sur le canapé du salon.
C’est le générique du JT de l’ENTV qui l’a réveillé, stressant et angoissant comme si c’était tous les jours la fin du monde à 20h. Devant lui, un chômeur recevant son indemnité, encadré par les autorités civiles et militaires, obligé de sourire pour cette ultime humiliation. A minuit, Hadji Bendji est parti en Ukraine pour combattre. De là-bas, il pourra aller ailleurs. Pour arrêter de se battre.