La démographie est-elle contrôlable ?

30/04/2023 mis à jour: 00:36
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Un regain démographique est en train de s’opérer en Algérie, comparable à celui des années post-indépendance, lorsque la société retrouva le goût à la vie et l’espoir en l’avenir et qu'il fallait aussi procéder au repeuplement du pays dont la population avait souffert de la politique coloniale génocidaire. 

La politique d’industrialisation massive créatrice d’emplois encouragea la surnatalité. Mais déjà à ce moment-là, des voix s’élevèrent en faveur d'un contrôle des naissances pour que soit évité un déséquilibre entre les ressources et les besoins de vie des Algériens. 

L’introduction du planning familial fut une première réponse aux résultats assez modestes car excluant toute coercition, mais elle eut le mérite d’exister dans une société algérienne fortement conservatrice. Au fil des décennies, le recours à la contraception se développa, notamment, au sein des couches de la population les plus ouvertes à la modernité, mais ne stoppa pas le boom démographique. 

C’est à partir de la décennie 1980 que s’installa un déséquilibre structurel entre les besoins et les ressources disponibles. 

La population passa de 9 millions d’habitants à l’indépendance à 46 millions en 2022, des jeunes pour les trois quarts. La seule parenthèse au niveau de l’explosion démographique fut la décennie 1990 de l’insécurité globale produite par le terrorisme. Elle dissuada les Algériens à procréer ou avoir beaucoup d’enfants du fait de leur perte de confiance en l’avenir. 

Cela prouve l’importance de la sécurité en matière de natalité. La pauvreté, par contre, n’a jamais été un élément de dissuasion, en Algérie comme partout ailleurs dans le monde. Les personnes démunies investissent beaucoup dans leur progéniture, certes par conservatisme, mais davantage pour multiplier les forces de travail et les revenus. Ajouté à cela le poids des valeurs culturelles et religieuses, très natalistes. 

Dès le début des années 2000, avec la décrue du terrorisme, la natalité reprit, donc, boostée également par la politique sociale publique marquée par un fort soutien des prix et une offre assez importante du logement. Aujourd’hui, l’Algérie pourra-t-elle faire face à ce phénomène alors que les ressources du pays ont déjà montré leurs limites ? 

Sa population actuelle de 46 millions de personnes dépassera les 50 millions en 2030 et des spécialistes tirent le sonnette d’alarme, recommandant de rouvrir le dossier de la planification familiale, estimant que seules 53,10% des Algériennes âgées entre 15 et 49 ans utilisent les moyens de contraception, un taux qui a baissé de 3% par rapport à 2013. Les pouvoirs publics actuels ne semblent pas s’y intéresser, estimant peut-être que l’Algérie est capable de faire face à ce défi par ses seuls moyens. A leur yeux, probablement, ce sera au développement économique et social de régler cette question. 

Les experts veulent bien y croire, mais ils précisent que les ressources économiques, à l’avenir, aussi importantes soient-elles, ne pourront jamais freiner une croissance démographique aussi importante que celle qui se déroule en Algérie. Ils estiment que le pays ne peut faire l’économie d’une large et ambitieuse politique d’espacement des naissances. 

Elle devrait combiner judicieusement la coercition et la pédagogie pour que les familles algériennes comprennent surtout que leur avenir et celui de leurs enfants dépendent essentiellement de l’équilibre entre le nombre d’habitants et les ressources nationales. L’urgence est là, un débat national s’impose sur la question. 

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