On pensait naïvemement que depuis le milieu du siècle dernier, la colonisation était inexorablement vouée à l’extinction et que des pouvoirs politiques n’allaient plus être tentés d’accaparer les terres d’autrui et asservir des peuples.
Mieux encore, on était dans la certitude que la culture coloniale n’allait plus irriguer la pensée universelle et que, si elle était débattue, c’était pour en souligner son caractère abject. Il s’avère que non, des Etats sont encore tentés par ce type d’aventure, bien qu’ils ne soient plus qu’une poignée, et d’autres, déjà colonisateurs, n’arrivent pas ou ne veulent pas s’en extirper. Ce qui est remarquable, c’est que le phénomène colonial trouve un écho positif auprès de diverses nations développées, alors même qu’elles en ont souffert à un moment ou un autre et à des degrés divers. Et du fait que la colonisation s’oppose dans son essence même aux principes essentiels d’humanité dont ces nations n’arrêtent pas de se revendiquer.
Plus près de nous, c’est la caution que vient d’apporter l’Etat espagnol à l’occupation du Sahara occidental par le royaume marocain, pourtant actée depuis des décennies comme sombre colonisation par nombre de pays dans le monde. Nation du génial Cervantès, marquée par tant de souffrances dues au fascisme, il était attendu de l’Espagne une élévation d’esprit à hauteur de sa culture et des idéaux de droit de l’homme dont elle se réclame.
Mais elle a sombré dans des calculs de basse politique, dans la même veine que ceux qui ont prévalu aux Etats-Unis lorsqu’un de ses Présidents a carrément utilisé le peuple sahraoui comme monnaie d’échange entre la monarchie de Rabat et Israël. Washington a, lui aussi balayé allégrement les valeurs émancipatrices dont il se réclame à tout bout de champ, comme il le fait, au demeurant, un peu partout dans le monde, spécialement en cautionnant la politique coloniale et raciste d’Israël, son meilleur allié au Proche-Orient. Galvanisé, conforté et soutenu à bout de bras, l’Etat sioniste s’est rapproché au plus près du Maghreb, misant sur son ventre mou, le Maroc.
C’est aussi l’Algérie, de par son aversion du colonialisme, qui est ciblée par cette nouvelle coalition qui prend de jour en jour des allures guerrières. Ce n’est donc pas un hasard si ce sont deux alliés coloniaux qui se coalisent, le Maroc et Israël, avec l’appui d’un Occident qui ne prend plus de formes tant il a jugé depuis longtemps que ses intérêts économiques et géostratégiques passent avant tout principe démocratique. Cet Occident prompt à voler au secours des Ukrainiens envahis par les Russes mais oubliant les Palestiniens, les Sahraouis et d’autres peuples confrontés à la colonisation, l’invasion ou le génocide.
Heureusement qu’il existe en son sein de puissantes sociétés civiles diamétralement opposées aux dirigeants politiques et aux lobbies militaro-industriels qui les poussent vers des aventures guerrières afin d’écouler le plus d’armes possible et de faire des profits démesurés. S’agissant du Sahara occidental, la société civile espagnole, parce qu’elle est bien organisée et déterminée, ne manquera pas de faire échec à la trahison du gouvernement en poste à Madrid. Son argument de poids est que l’intérêt du peuple espagnol reste la neutralité, voire la dénonciation de la première trahison, celle des accords de Madrid de 1975.