La chronique littéraire / Le SILA se termine

16/11/2024 mis à jour: 00:09
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Le Salon international du livre se termine, nous allons devoir ranger nos livres et remiser cette heure de gloire, relative, accordée annuellement à l’activité livresque. Le Salon, manifestation institutionnelle, faut-il le rappeler, fut un grand succès populaire, témoignant d’un engouement certain pour la lecture, sous toutes ses formes, y compris les plus décriées par les puristes, mais aussi des transformations sociales que connaît notre pays.  


Ces transformations se doivent d’être prises en charge, selon le bord idéologique et culturel de chacun et constituent des défis, que chaque famille de pensée devrait relever avec les outils d’analyse, de savoir et de débat, dont elle dispose, afin de convaincre les uns ou les autres du bien-fondé de ses idées et ce faisant, justement, des livres auxquels ils seraient conduits à librement s’intéresser. 

Si des critiques n’ont pas manqué, selon les convictions des uns et des autres, aidés en cela par une conjoncture qui dépasse, de loin, la littérature, il n’en demeure pas moins qu’il nous reste toute l’année, pour réaliser un tel projet, qui passe aussi par les livres et la littérature, car les livres délivrent des pesanteurs et autonomisent l’individu, lui permettant une approche critique, un jugement éclairé et une compréhension plus étendue des enjeux, y compris de ceux de la littérature même, en ces temps de mutations. Des mutations qui appellent, aussi, à des lectures nouvelles sinon novatrices, face aux schémas hérités, tout en restant fidèles à nos idéaux et à nos positions. 

C’est pourquoi, d’abord, le Salon du livre ne doit pas demeurer l’arbre qui cache la forêt, ce même salon pourrait évoluer vers de nouvelles formes, qui épousent les évolutions technologiques et les données sociopolitiques, en termes de lectorat et de débats, d’idées y compris controversées. Le prochain Salon pourrait être un «smartfair», celui des formats et des plates-formes numériques, de l’I.A., de la réalité augmentée, des visioconférences, des stands et des accès high-tech et, au premier chef, celui des idées, car les enjeux de notre époque mondialisée font grandement craindre qu’on jette le bébé des idéaux avec l’eau du bain des manipulations, qui les accompagnent de plus en plus, sachant qu’il faut toujours raison gardées et les libertés préservés.

Aussi, tous les jours de l’année devraient réserver la part belle aux livres, à travers une politique du livre et de la lecture publique, ambitieuse et judicieuse, en termes de textes et efficace et mesurable en termes d’atteinte des objectifs assignés et des résultats attendus, par le biais, notamment, de facilitations et d’accompagnement de la chaîne de production livresque au cœur de laquelle se trouve, bien évidemment, l’éditeur mais aussi les libraires et les distributeurs.

 L’encouragement de lecture devrait aussi passer par une refonte du système scolaire, qui privilégierait l’émergence de têtes bien faites au lieu, seulement, des têtes bien pleines. L’Etat, les institutions et leurs démembrements, devraient aussi être les premiers acquéreurs et promoteurs des livres, y compris littéraires, pour valoriser ce produit particulier et lui assurer sa pérennité tant économique que sociale. Les infrastructures culturelles, juvéniles, scolaires et universitaires, devraient, elles, être le fer de lance de cette politique du livre, non seulement à travers leurs bibliothèques mais aussi à travers l’articulation de leurs programmes et activités à portée pédagogique.

 L’objectif premier étant d’enraciner le livre et la lecture dans le paysage social algérien. 
Un paysage social qui gagnerait à être appréhendé au travers de la littérature, comme l’a fait Charles Bonn, qui vient de nous quitter, en étudiant au plus près la littérature algérienne s’exprimant en langue française, à la faveur de ses années de professorat au niveau de l’université de Constantine, où il laissa une empreinte durable, grâce à ses compétences et à ses qualités humaines d’ouverture et de respect de l’autre.

 Des qualités qui lui permettront, par la suite, de servir avec maîtrise, abnégation et fraternité la cause littéraire algérienne, au travers de son enseignement, de ses ouvrages, de ses publications, de ses travaux sur Dib et Kateb, de sa constitution d’une base de données bibliographique numérique sur la littérature maghrébine et d’un réseau académique étoffé et sérieux autour de celle-ci. Cet aspect « académique » de Charles Bonn ou, encore, de notre Professeur Paul Siblot, qui souvent fait défaut, dans son esprit, en les jugements et les approches de la littérature qui, de plus en plus, s’installent dans une sorte d’agit-prop et de coups bas, qui rappellent, pas si étrangement que ça, les postures hargneuses, qu’en langage diplomatique et «ex-diplomatique», on désigne par l’adjectif «inamicales». 

Nos félicitations, alors, à Kamel Daoud comme écrivain, qui vient d’obtenir le prix Goncourt, quant au reste, il relève de problématiques qui sont, malheureusement, loin d’être littéraires outre-Méditerranée. 
La littérature, encore une fois, est et devrait demeurer le champ de la noblesse d’esprit et des idéaux de rapprochement, de sincérité et de bonne foi, au sein desquelles toutes les idées, conservatrices ou contestataires peuvent s’exprimer. Le cas échéant, la littérature ne manquera pas d’être dénaturée, y compris dans son caractère humaniste ou, plus simplement, humain, sans discriminations ni calculs. Tel est le message de la littérature, tel est la marque d’un monde véritablement juste, où s’élever est la mission de l’homme et par cela même, celle de l’écrivain et de l’écrivaine. 

A cet égard, parmi les écrivaines du Salon international du livre, trois auteurs à découvrir ont retenu notre attention, il s’agit de Radia Gouga, qui écrit en dialectal algérien et qui signe une adaptation universaliste du Vieil homme et la mer d’Ernest Hemingway, d’Adila Katia, qui, elle, s’intéresse au terroir au travers de l’histoire de Lalla Melawa de Bouira et d’Ania Mezaguer, qui signe un récit d’émancipation féminine dans le monde du travail, avec son premier roman sous le titre de Rassa Morra.

Un universalisme ancré dans le terroir, moderne, émancipateur, libre et critique, tels semblent les faisceaux sémantiques, dans lesquels s’inscrivent ces trois œuvres littéraires, à qui nous souhaitons plein le succès, à l’instar de toute la littérature algérienne d’hier, d’aujourd’hui et de demain et que chaque jour soit un SILA.


 Par Ahmed Benzelikha , linguiste spécialiste en communication, économiste et journaliste algérien

 

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