La Chine, vue d'Occident

20/04/2023 mis à jour: 07:46
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China will never make economically ! (La Chine ne sera jamais dotée économiquement), avait prédit Richard Nixon en 1972, alors qu'il revenait de son voyage historique à Pékin. Il est parfois utile de rappeler les soubresauts de l'histoire. Il avait quelque part raison, avaient titré les gazettes.

On sait que le «grand bond» en avant chinois avait provoqué, à la fin des années cinquante, une épouvantable famine qui avait fait près de 40 millions de victimes. Moins de dix ans après la visite de Nixon, c'est Deng Xiaoping qui trouve la recette miracle : restauration de la propriété privée, libération des énergies et préservation du Parti communiste garant du maintien de l'ordre.

Depuis, la Chine va connaître un boom économique impressionnant, en quadruplant son PIB en l'espace de vingt ans. Quarante ans plus tard, des centaines de millions de Chinois rejoignent la classe moyenne. L'essor économique de la Chine, devenue puissance incontestable, est perçu comme «une menace pour l'équilibre en Asie du Sud-Est et un défi à l'ordre mondial», affirme l'administration américaine, approuvée des deux mains par son allié japonais.

Que reprochait, en fait, l'Occident à la Chine ? D'essayer de nourrir son milliard et demi d'habitants, et surtout de consommer en participant à l'opulence, dont l'Occident s'était fait le dépositaire exclusif ? De venir jouer, en quelque sorte, dans un pré carré réservé ? La Chine peut se développer, mais pas au-delà d'un certain seuil, avertissent Américains et Japonais.

Depuis, l'économie chinoise est au quatrième rang mondial. Et première, en 2023, dans la construction de voitures électriques ! Position assez menaçante pour qu'on lui brandisse l'interdit de commercer avec Caterpillar et General Electric. Sa réponse est qu'elle pourrait, elle-même, fabriquer des biens d'équipement et de la technologie de pointe.

De ces anicroches, on déduit que le regard de ses adversaires n'a pas changé depuis la guerre des Boxers en Chine (1899/1901), où les milices nationalistes chinoises révoltées ont été durement réprimées et écrasées par le corps expéditionnaire occidental, composé d'Anglais, d'Américains, d'Allemands, d'Autrichiens, d'Italiens, de Français, de Russes et de Japonais.

Le tsar russe Nicolas ll profite de cette situation chaotique et troublée pour occuper la Mandchourie. J.-F. Deniau, ancien ministre français et académicien, raconte que, lors d'une visite officielle en Chine, le chef d'état-major de la Marine française lui fit cette demande : «Vous êtes un ami de Deng Xiaoping. Pourriez-vous régler un problème qui nous préoccupe depuis des années ?

La France a été parmi les premiers à reconnaître la Chine communiste. Notre croiseur, le Jeanne d'Arc, fait le tour du monde et effectue des escales dans tous les pays. Mais cela fait dix ans que nous essayons de faire une escale en Chine… Quand on demande Shanghai, on nous répond qu'à cette période, les eaux sont trop basses dans le fleuve bleu et que nous risquons l'échouage. Si nous proposons Canton, on nous répond qu'un vent malin souffle en ce mois précis, et que le mouillage ne tiendra pas.

De simples prétextes.» Quand le ministre en fait la demande à Deng Xiaoping, celui-ci lui répond : «On n'apprend plus l'histoire en France ? La guerre des Boxers, cela ne vous dit plus rien ? Et l'expédition punitive d'une armée regroupant tous les pays occidentaux ? Une canonnière française a bombardé.

Vous voulez le nom de cette canonnière ? Jeanne d'Arc… On n'oublie pas l'histoire.» Le ministre, resté coi, change de registre et lui demande pourquoi la Chine avait choisi un match de ping-pong pour rétablir les relations avec les Etats-Unis. «Parce que c'était le seul sport où nous étions sûrs de gagner.» C'est un peu ça, aussi, l'une des facettes du pragmatisme chinois…

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