La 2e édition des Journées théâtrales arabes se poursuit à Sétif : El Gharib ou Naqib, comment faire la guerre avec le ventre creux ?

18/02/2024 mis à jour: 00:54
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El Gharib ou Naqib

Vendredi 16 février, le public de la maison de la culture Houari Boumediène de Sétif a assisté à la pièce El gharib ou naqib (L’étranger et le capitaine) écrite et mise en scène par Oussama Bin Zayed. Oussama Bin Zayed, qui a interprété le rôle du capitaine, a partagé la scène avec Ziad Hadhrami, qui a campé le personnage de Badr, l’étranger.

 Sorti à la recherche de médicaments pour sa mère malade, Badr entre, sans le savoir, dans une caserne. On lui a dit qu’il pouvait trouver ce qu’il cherchait dans cet endroit. Il fait la rencontre d’un officier qui l’engage sur le champ contre son gré. «C’est le premier jour. C’est le jour où l’on assiste à la naissance d’une nouvelle patrie. 

Un héros sera un symbole national qui sera lu par ceux qui étudient et étudié par les historiens. Son nom sera éternel dans les registres des guerres mondiales», crie le capitaine devant un Badr étonné. 

Le capitaine fait alors l’éloge de la guerre pour défendre la patrie. «As-tu tenté l’expérience de la guerre auparavant ? La guerre qui défait des Etats et qui donne la victoire à d’autres ?», interroge le capitaine. 

«Oui, oui, nous entendions le bruit des explosions lorsque nous étions enfants», répond Badr qui dit être un homme libre. «Je ne suis pas prêt à mener une bataille, je préfère revenir à ma maison», insiste-t-il. 

Le capitaine lui rappelle qu’il a signé un contrat d’incorporation et qu’il risque la prison militaire s’il quitte la caserne. S’engage alors un dialogue intense durant lequel les deux personnages se dévoilent. Badr est natif d’une famille pauvre qui, durant une nuit pluvieuse d’hiver, fut obligée de cuire un chat errant pour son dîner. «Mon père agriculteur a été chassé d’une ferme, nous n’avions pas de quoi nous nourrir. Nous dormions en attachant bien notre ventre, et ma mère faisait bouillir chaque soir de l’eau», confie Badr.
 

La patrie reste chère en dépit de tout

Le capitaine essaie de savoir pourquoi Badr est venu à la caserne, et Badr découvre que le capitaine n’a jamais mené de guerre et qu’il a envoyé tous ses soldats au front. Un aller sans retour. L’officier souffre de solitude et est traversé de remords. La peur le paralyse alors que Badr prend son courage à deux mains et refuse de quitter le front de la bataille même s’il n’a aucun moyen de la mener. 

Le texte d’Oussama Bin Zayed, qui a été monté dans une pièce en Arabie Saoudite et en Jordanie, explore avec audace une thématique politique contemporaine sur le nationalisme poussé jusqu’au sacré et sur les valeurs patriotiques faussement défendues par personnes prêtes à quitter le champs de bataille à tout moment.

«Le peuple reste toujours même si les autres peuvent partir. On demande au peuple de défendre la patrie mais sans contrepartie. Aujourd’hui, le citoyen a besoin de travail, d’éducation, de santé. Quand le citoyen a tout cela, il se sacrifie pour son pays, répond à son appel. La patrie reste chère en dépit de tout», souligne le metteur en scène. Sur scène, le capitaine coupe les cheveux de Badr en live. 

Une manière d’évoquer la dureté de la situation et de tester une forme de théâtre expérimental. «Dans chaque cheveu qui tombe, il y a un sacrifice pour que la patrie reste», dit l’officier. La scénographie instable avec des pièces de décors suspendus suggère la variation des valeurs. Les valeurs sont-elles réellement immuables ?
 

Un projet culturel pour construire un grand théâtre

A Oman, selon Oussama Bin Zayed, le théâtre fait ses premiers pas. «Nous n’avons pas encore de théâtre national et il n’y a pas d’institut pour former aux arts dramatiques et aux beaux arts. Les Omanais partent au Koweït ou en Egypte pour étudier. Les études académiques sont nécessaires pour renforcer la vocation. Nous avons actuellement un projet culturel pour construire un grand théâtre. Il existe deux associations, l’une s’occupe du cinéma, l’autre du théâtre. 

Elles veillent à être présentes dans tous les festivals internationaux. Il y a aussi un plan pour créer des instituts», déclare-t-il. «Il y a un public pour le théâtre à Oman. Les créateurs ont une certaine liberté d’expression et de pensée. Nous pouvons aborder tous les thèmes sauf trois sujets : la politique intérieure, la religion et le sexe. Oman est un pays multiconfessionnel. Contrairement à ce qu’on peut penser, il existe beaucoup de comédiennes dans les pays du Golfe, y compris à Oman», ajoute Oussama Bin Zayed. 

Ce jeune metteur en scène est formé en ingéniorat mécanique et en études islamiques. «Et actuellement, j’étudie la langue et la littérature anglaises», confie-t-il. 

Il est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre et il a mis en scène des textes du répertoire classique comme L’œuf dur du dramaturge roumain Eugène Ionesco. 
 

 

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