Kaylia Nemour était engagée jeudi dernier dans le concours général individuel où l’on s’était mis à espérer qu’il y aurait peut être une possibilité que, par chance, notre représentante puisse accrocher une troisième place synonyme de médaille.
Malheureusement le concours a atteint des sommets et a été très animé par les plus grandes gymnastes du monde. Un peu réservée, concentrée, parfois crispée mais heureuse d’être là en ce moment olympique, l’Algérienne a débuté le concours par le saut à l’instar de ses concurrentes engagées dans la première rotation. Un élan résolu, une double vrille et une belle sortie arrachent des applaudissements nourris des spectateurs de l’Arena Bercy plein à craquer acquis à notre représentante. Les juges lui ont accordé la note de 14.033 points qui est la quatrième au classement général. C’était déjà encourageant pour elle avant l’épreuve des barres asymétriques. Nous avions eu pour elle quelques appréhensions car quelques minutes auparavant sa rivale de toujours dans cette spécialité, la Chinoise Qiu Yuan, championne du monde, dans un groupe précédent, avait vu ses mains lâcher prise de la barre supérieure et faire une chute.
Peu avant de s’élancer, Kaylia avait fait le vide dans sa tête et paru déterminée à honorer sa réputation de meilleure gymnaste au monde dans les barres parallèles. Gestes précis, rapide et très aérienne, et surtout sans accroc ni hésitation, Kaylia Nemour gratifie le public de la même exhibition que lors des épreuves de qualification pour la finale qu’elle disputera dimanche au concours individuel dans cette même arène de Bercy. La note attribuée par les juges, 15.533 points était d’ailleurs sensiblement de la même valeur que celle de dimanche dernier (15.600). Après deux agrès, Kaylia Nemour était bien lancée puisqu’elle a occupé la deuxième place au classement général après la Brésilienne Andrade Rebecca mais précédant la monumentale Américaine Simone Biles (3e).
A ce moment-là, il restait deux épreuves (poutre et sol) et l’on s’était poussé à espérer qu’avec un peu de chance, le rêve était permis pour que l’Algérienne puisse accrocher le wagon des médaillés potentiels. Mais on allait déchanter au concours de la poutre, puisque Kaylia Nemour n’allait pas faire montre d’une absolue maitrise de son équilibre. Elle a failli d’ailleurs tomber vers la fin de son exercice avant de se ressaisir in extrèmis, mais terminer superbement par une double vrille arrière (salto arrière).
Les juges lui accordent la note moyenne de 13033 points qui sera portée à 13233 après réclamation de l’encadrement de Kaylia. Mais cette note était loin de celle obtenue par l’Américaine Simone Biles (15.159) qui l’a mise en pole position au classement général avant la dernière épreuve de la danse artistique. Arrivée à cette ultime examen, Kaylia savait qu’elle n’était pas sa discipline de prédilection surtout qu’elle y avait au finish des gymnastes artistiques émérites comme une Simone Biles éblouissante et bondissante qui pouvait vous faire des figures acrobatiques aériennes démultipliées en se jouant de l’attraction terrestre. Ou encore la Brésilienne Rebecca Andrade virevoltante et qui a beaucoup de classe et de présence sur le tapis. Mais celle qui a barré le chemin du podium à l’Algérienne c’est l’Américaine Lee Sunisa qui a été portée par les milliers de fans américains présents ce jeudi à l’Arena de Bercy.
Finalement, le classement général consacrera comme attendu la virtuosité et la classe éclatante de Simone Biles qui s’adjuge sa deuxième médaille d’or olympique à Paris (et ce n’est pas fini) prenant ainsi une revanche sur son infortune mal digérée des Jeux de Tokyo où elle a dû abandonner et laisser échapper le titre par équipe aux Etats-Unis au profit de la Russie.
Kaylia Nemour a, quant à elle, ce jeudi soir, pénétré le cercle fermé du top cinq (55.899 points). Après être presque passée à côté de sa carrière du fait d’une blessure sérieuse aux deux genoux à l’âge de quatorze ans, elle a subi l’interdiction de la fédération française de pratiquer la gymnastique, puis rebondir superbement depuis deux ans sous les couleurs algériennes, Kaylia Nemour ne nourrissait jeudi soir aucune déception profonde. Tout au plus la frustration d’avoir raté la perfection à la poutre (13.233) en permettant à ses poursuivantes de réduire l’écart et de la devancer dans le dernier exercice.
Etre cinquième au classement général est tout de même à inscrire à la fois comme une prouesse et une promesse. Il se voyait dans les yeux de notre gymnaste émérite, au moment où quittant l’Arena de Bercy elle prenait le chemin du village olympique sous les encouragements des badauds à l’extérieur de la salle, que Kaylia avait déjà pris rendez-vous avec son destin. Demain, elle refera le chemin inverse pour démontrer une troisième fois qu’elle est la meilleure aux barres asymétriques et qu’elle allait se couvrir d’or…
Paris,
envoyé spécial Omar Kharoum
«Ma note à la poutre m’a reléguée…»
«Je ne suis pas trop déçu de mon classement qui me met en cinquième position au général même si je sens que j’aurais pu mieux faire. Je n’ai aucun regret sauf peut-être de ma légère absence de maitrise à la poutre. C’est une expérience pour moi pour m’aider à mieux me perfectionner à l’avenir à la poutre et au sol qui m’ont empêchée ce soir de monter sur le podium. Aux deux premières épreuves j’étais classée deuxième et j’avais l’espoir, même si c’était très disputé avec des gymnastes de grand niveau, que je pouvais commettre une petite intrusion à la troisième place. Mais ça n’a pas été possible même si peu d’écart me séparait de la médaillée de bronze, l’Américaine Lee Sunisa, qui a fait la différence au sol. Une expérience pour moi pour les compétitions à venir. Je suis heureuse de l’ambiance, de l’accueil qu’on me témoigne partout et du soutien que le public m’apporte même si je représente l’Algérie à Paris. Ça me donne confiance et me permettra dimanche d’être dans de bonnes dispositions physiques et psychologiques pour aller chercher et offrir cette médaille d’or aux barres asymétriques pour l’Algérie et les Algériens.»