Le Pr Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologie et chef de service du laboratoire de biologie à l’hôpital de Rouiba, revient dans cet entretien sur les nouvelles données concernant le nouveau variant Omicron dépisté avec les tests antigéniques au-delà du 5e jour des premiers symptômes, sur le pic de la charge virale, autrement dit la période où la personne porteuse du virus est la plus contagieuse, et l’importance de revoir la stratégie de dépistage et des mesures d’isolement.
- Les contaminations à Omicron augmentent de jour en jour au vu de sa vitesse de circulation et de contagiosité. Quelle est la situation aujourd’hui par rapport au Delta ?
Le nombre de contaminations quotidiennes dépasse de loin celui constaté durant la vague Delta. Heureusement que le variant Omicron est beaucoup moins dangereux et moins «meurtrier» que le Delta, sinon on aurait assisté à un véritable carnage planétaire pouvant dépasser le nombre de morts enregistrés durant la grippe espagnole.
Actuellement, nous sommes en pleine phase exponentielle des contaminations et j’espère que cette vague atteindra le pic dans quelques jours, parce qu’une fois que le nombre de nouveaux cas commence à baisser, le nombre de décès, quant à lui, augmente.
Ce décalage de deux à trois semaines entre le pic et le nombre de décès a été constaté depuis le début de cette pandémie. Je souhaite qu’on ait moins de victimes lors de cette vague.
- La détection du variant Omicron par le test antigénique peut aller au-delà des cinq jours après l’apparition des premiers symptômes, contrairement aux autres variants. Comment expliquer cela ?
La question est effectivement pertinente et mérite d’être discutée. Ce qui me donne l’occasion de révéler quelques exclusivités de notre quotidien au niveau de l’hôpital de Rouiba non encore dévoilées à ce jour. La première concerne donc le retard mis par les tests antigéniques à se positiver. Nous constatons que les tests antigéniques mettent quelques jours, voire 7 jours pour se positiver, alors que pour les autres variants, ils sont positifs du 1er jour au 5e jour du début de l’apparition des signes cliniques.
Le deuxième point observé, qui a suscité notre étonnement, est le fait que quelques patients gardent les tests antigéniques positifs jusqu’au 10e jour après le début de la symptomatologie. Cela me permet de lancer un appel à mes confrères de ne pas limiter la prescription des tests antigéniques aux 5 premiers jours seulement des symptômes.
- Comment expliquer ce phénomène ?
Le virus connu par sa grande affinité avec les cellules de l’appareil respiratoire supérieur, 70 fois plus que le Delta, infecte le maximum de cellules au niveau de cette région le rendant presque absent les premiers jours. Juste après, il se multiplie à une vitesse très élevée et se transforme en véritables «bombe explosive à Omicron» permettant de contaminer le maximum de personnes pendant un temps très court d’exposition. Ce phénomène est responsable des vagues exponentielles de ce variant constatées à travers le monde.
- Vous pensez que les personnes infectées restent contagieuses plus longtemps ?
La médecine n’est pas et ne sera jamais une science exacte. La contagiosité est généralement synonyme de la charge virale qui est dépendante ou tributaire de plusieurs facteurs dont les plus importants sont la quantité virale responsable de la contamination et surtout le statut immunitaire très variable d’une personne à une autre.
Donc, on peut avoir des personnes qui éliminent le virus en trois à quatre jours et cessent de le transmettre vers le 4e ou le 5e jour, alors que d’autres personnes mettent beaucoup plus de temps à éradiquer le SARS-CoV-2 et par conséquent elles le propagent jusqu’à 10 jours. Il faut savoir aussi que la charge virale diminue rapidement chez les personnes vaccinées correctement, contrairement aux non-vaccinés qui peuvent aller jusqu’à dix jours.
- Est-ce que la période d’isolement pour infection à Omicron doit donc être plus longue, d’après vous ?
Comme je l’ai déjà mentionné, c’est une période qui, certainement, varie d’une personne à une autre et selon le profil vaccinal. Néanmoins, la négativité d’un test antigénique à deux jours de suite après la disparition des signes cliniques pourrait constituer une bonne alternative.
D’ailleurs, en l’absence de données scientifiques, il est primordial de réaliser des travaux de recherche dans ce sens, pour voir si les personnes gardant des tests antigéniques positifs pendant des périodes très longues ont aussi le virus Omicron viable et sont donc toujours contagieuses. La période d’isolement doit être définie selon le profil vaccinal des personnes, qui peut aller de 7 à 10 jours, et il faut continuer à porter le masque.
- Les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont affirmé qu’Omicron semblait être le plus contagieux environ deux jours avant l’apparition de symptômes et trois jours après. Quel est votre commentaire ?
Je dois préciser que la durée de latence de l’Omicron est très courte et elle intervient généralement 48 heures après la contamination. Actuellement, la plupart des sujets infectés sont déjà symptomatiques, c’est ce qu’on est en train de constater sur le terrain.
Que l’Omicron soit plus contagieux deux jours avant l’apparition des symptômes, je n’en suis pas très convaincu pour la simple raison que trois jours après, c’est presque certain qu’on est contaminant, néanmoins si cette période est vraiment de 3 jours seulement, pourquoi conditionner la fin de l’isolement par le port de masque ? Je pense que cette décision du CDC est beaucoup plus économique que scientifique.
Elle est argumentée par le fait que les experts du CDC savent, comme tout le monde d’ailleurs, que le variant Omicron n’est pas aussi dangereux que le Delta (il descend vers le poumon profond à une vitesse de dix fois moindre que celle du Delta) et pour ne pas impacter le monde du travail, il est donc permis d’aller travailler avec un masque pour ne pas diffuser le virus autour d’eux et gagner de ce fait 5 jours de travail.