Journées du théâtre méditerranéen au TRO : La pièce tunisienne Hadith tarakoun clôt le cycle des représentations

15/07/2023 mis à jour: 08:08
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Les comédiens tunisiens font preuve de beaucoup d’audace

C’est en tout cas ce que démontre la pièce Hadith tarakoun  présentée mardi soir au TRO dans le cadre des Journées du théâtre méditerranéen prévu entre le 7 et le 12 juillet. La scène d’ouverture, avec des corps qui se touchent face à face, d’emblée la couleur mais sans toutefois verser dans l’excès.

 Dans le contexte de pays qui restent marqués par les préjugés, les comédiens font preuve de beaucoup d’audace, beaucoup plus que les timides représentations qui caractérisent en général le théâtre algérien et celui de bien d’autres pays du Maghreb ou du Moyen-Orient même si les thématiques liées à ce sujet sont prises en charge mais de manière extrêmement pudiques ou alors humoristiques, etc. Les Tunisiens (on est toujours dans le domaine du 4e art et de la pièce en question) sont beaucoup moins enclins à tourner autour du pot pour, en plus du langage corporel, dire les choses de manière naturelle, y compris dans le langage oral.

Dans une tirade, un des deux personnages féminin déclare : «Aide-moi, parle-moi  dans la langue que je comprends (…)». En effet, dans le texte, les dialogues, au passage très construits, ne se privent pas d’évoquer des «cruautés» et sans passer par le filtre de l’humour, ce qui n’a pas échappé à l’appréciation du public qui en a applaudi plus d’une tirade du genre. Sans rentrer dans le fond de la pièce et les symboliques sur lesquelles le texte de l’auteur s’appuie pour raconter son histoire, c’est là l’une des caractéristiques de du spectacle présenté à Oran.

En comparaison, dans le théâtre algérien on semble en général toujours se toiser ou se tourner autour et, dans les cas les plus osés, cela se passe à travers le filtre de la langue arabe classique qui fonctionne comme un voile empêchant de voir la «réalité». Le blanc immaculé, qui caractérise les costumes des protagonistes de la pièce tunisienne, fait contrepoids à la gravité et au tragique des situations décrivant la complexité des relations humaines, le désir de s’émanciper, de s’affranchir des conventions, etc.

L’expérience et la formation solide des comédiens se remarquent bien sur scène avec une maîtrise apparente du jeu combinant performance vocale et corporelle hors du commun. Le seul bémol concerne la position sur la scène, gênante pour le spectateur, du chevalet du personnage masculin (rôle campé par Jihad Yahiaoui), un artiste pris dans le tumulte de ses relations souvent houleuses avec ses partenaires. L’adhésion du public était totale pour ce spectacle dont le texte original est lui-même écrit et élaboré par Yousra Benali, une des comédiennes interprétant un des trois rôles de la pièce (la bonne).

Le metteur en scène Saber El Hami s’est excusé de n’avoir pas pu effectuer le déplacement  à Oran laissant à Hamadi Ouahaibi, le directeur du Centre national tunisien des arts dramatiques et de la scène de Kairouan qui a produit la pièce de défendre le projet. Il a intervenu au début de la représentation pour exprimer sa satisfaction de se produire en Algérie et à Oran en particulier. La ville tunisienne organise également un festival de théâtre méditerranéen qui en est à sa 5e édition. 

C’est dans ce cadre qu’une convention a été signée avec le TRO qui, pour Mourad Senouci, directeur, va permettre aux deux théâtres désormais jumelés de bénéficier mutuellement des expériences des uns et des autres.

«Des spectacles organisés à Oran seront programmés à Kairouan en octobre et vice-versa», indique ce dernier précisant que les partenariats concerneront également la formation et, au-delà, des coproductions sont déjà envisagées en partenariat entre les deux parties. 

Les deux directeurs partagent la même vision qui consiste à ne pas se précipiter  en allant étape par étape pour bien construire l’avenir de ces deux rendez-vous. «J’ai bénéficié d’une solide formation dans le domaine des arts dramatiques, ce qui m’a permis de passer très jeune au théâtre professionnel», déclare pour sa part Manal el Ahmar qui enseigne cette matière au Lycée.

Elle s’est exprimée en aparté  lors de l’habituelle collation préparée par une famille d’Oran et qui s’organise en l’honneur des troupes invitées à ces deuxièmes journées théâtrales méditerranéennes. Une habitude particulièrement apprécié par tous les membres des troupes participantes, y compris européennes de France et d’Italie. 

«Nous avons opté pour cette manière de faire qui consiste à impliquer les familles oranaises pour  donner une dimension sociale à l’événement», explique le directeur du TRO qui, comme annoncé l’an dernier, a pu installer définitivement le système de traduction promis et qui permettra (comme cela a été le cas pour la pièce italienne) de permettre au public d’apprécier à l’avenir des pièces interprétés dans d’autres langues pratiquées dans la rive nord de la méditerranée.

On compte sur la réussite de cette édition pour passer à une étape supérieure à partir de l’an prochain. «Nous avions l’accord du ministère de tutelle mais c’est sur nos fonds propres que nous avons financé cette manifestation culturelle avec l’aide de certains sponsors que nous avons convaincu de l’intérêt qu’il y a à nous épauler», explique-t-il. 

Un travail de management qui a permis d’organiser un événement  international  en ne dépensant pas plus  de trois  millions de DA.  Un exploit.

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