Les Etats-Unis ne veulent pas d’une réoccupation par Israël de la Bande de Ghaza prise, depuis 33 jours, sous un déluge de bombes et totalement assiégée par l’armée d’occupation. C’est ce qu’a affirmé, hier, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du G7 à Tokyo.
Israël ne devrait pas «réoccuper» Ghaza, a-t-il dit après les déclarations du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui se projette déjà dans l’après-génocide. Natanyahu a déclaré, lundi dernier, que son pays prendrait la «responsabilité générale de la sécurité» à Ghaza «pour une durée indéterminée». Les Etats-Unis, principal soutien des israéliens dans la région, avaient déjà exprimé, mardi, leur opposition à une éventuelle réoccupation du territoire palestinien. Pour aboutir à «une paix et une sécurité durables» dans la région, les Etats-Unis pensent qu’il faut bannir «les déplacements forcés de Palestiniens de Ghaza».
Il faudra aussi veiller à éviter à l’avenir «toute tentative de blocus ou de siège de Ghaza» et toute «réduction» de son territoire, a ajouté Blinken. Les Etats-Unis, par la voix de son secrétaire d’Etat, ont estimé qu’il faudra également «placer les voix et les aspirations du peuple palestinien au cœur de la gouvernance à Ghaza» après la guerre, et voir ce territoire «unifié» avec la Cisjordanie sous le contrôle de l’Autorité palestinienne.
Paradoxalement, les Etats-Unis parlent de l’après-guerre alors qu’ils bloquent toujours toute initiative visant à instaurer un cessez-le-feu dans un territoire où leurs alliés ont déjà largué, depuis le 7 octobre dernier, au moins 30 000 tonnes de bombes sur des habitations, des hôpitaux, mosquées, églises et écoles. En réalité, Américains et Israéliens ne divergent nullement s’agissant de la mise à l’écart du mouvement de résistance Hamas et l’extermination de sa branche armée, les brigades d’El Qassam. Quitte à massacrer des milliers de civils et vider Ghaza de ses habitants et de ses réfugiés.
La réponse, hier, du mouvement Hamas à ce qui ressemble être une volonté clairement affichée d’en finir définitivement avec les mouvements de résistances armés en Palestine a été claire et nette. Le porte-parole du mouvement, le Dr Abdul Latif Al Qanou, cité par l’agence Anadolu, a déclaré dans un post sur la plateforme Telegram que «la gouvernance de Ghaza ou une partie du territoire palestinien est une affaire palestinienne pour le peuple palestinien», soulignant qu’ «aucune force sur le terrain ne réussira à changer cette réalité ni à imposer sa volonté».
Avant Blinken, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, John Kirby, s’était déjà immiscé dans le débat sur l’avenir de la Bande de Ghaza. Il a déclaré, mardi soir, que le Hamas «ne peut pas faire partie de l’avenir de la Bande de Ghaza et que des consultations étaient en cours concernant la forme de gouvernement là-bas».«Les propos de Kirby sur la situation post-Hamas à Ghaza sont un fantasme. Notre peuple s’unit à la résistance et ce sont eux qui décident eux-mêmes de leur sort», a rétorqué le Dr Abdul Latif Al Qanou. «Le Hamas est un mouvement de libération nationale et réside dans chaque foyer palestinien. Il fait partie intégrante de notre peuple et a le droit de résister à l'occupation, conformément à toutes les lois et coutumes», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Le peuple a contrecarré le plan visant à le déplacer et à liquider sa juste cause, et ne permettra à personne de faire adopter ses plans tant qu'il restera ferme sur ses terres.»
Depuis 33 jours, l’armée israélienne mène une guerre dévastatrice contre Ghaza, au cours de laquelle 10678 Palestiniens ont été tués et environ 28500 blessés, dont 4324 enfants et 2823 personnes âgées. Selon l’agence Wafa, environ 2550 personnes sont portées disparues, la plupart ensevelies sous les décombres.
L’UNRWA accusée par le Hamas de «collusion» avec Israël
Aussi, des milliers de civils ont continué à fuir, hier, du Nord de la Bande de Ghaza vers le Sud, alors qu’Israël a annoncé resserrer son «emprise» sur la ville de Ghaza. Environ 15 000 personnes ont fui les combats dans le nord de l’enclave mardi, contre 5 000 lundi et 2 000 dimanche, a indiqué le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Dans la Bande de Ghaza, 1,5 million de personnes ont quitté leur foyer depuis le début de l’agression israélienne selon les Nations unies. Pendant ce temps, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) a déclaré, hier, que plus de deux Ghazaouis sur trois ont été déplacés en un mois. Le Rapporteur spécial des Nations unies sur le logement, Blakrishnan Rajagopal, a indiqué, par ailleurs, hier, que «le bombardement systématique par les forces d'occupation sionistes des logements et des infracteurs de base à Ghaza (...) constituent un crime de guerre et un crime contre l'humanité».
Il est a signalé que l’Agence onusienne a été épinglée, hier, par le mouvement Hamas qui l’a accusée de «collusion» avec Israël dans le «déplacement forcé» de civils. «L’UNRWA et ses responsables portent la responsabilité de cette catastrophe humanitaire» car ils se sont «pliés dès le premier instant aux diktats de l’occupation (Israël, NDLR), quittant leurs positions et renonçant à leur responsabilité envers des centaines de milliers d’habitants» du nord de Ghaza, a affirmé dans un communiqué le chef du service de presse du Hamas, Salameh Maarouf, repris par l’AFP. Il a accusé l’UNRWA d’avoir laissé la population palestinienne «sans abri, sans eau, sans nourriture ni traitement» et d’avoir «fait la sourde oreille face aux cris de douleur et de souffrance». «Nous affirmons que la dérobade de l’UNRWA et de ses responsables au rôle qui doit être le leur constitue une collusion claire avec l’occupation et ses plans de déplacement forcé».
Cette charge du Hamas contre l’agence onusienne survient alors que le nombre de Palestiniens quittant quotidiennement le Nord de la Bande de Ghaza vers le Sud semble avoir considérablement augmenté hier.