Institut du monde arabe à Paris : L’orientalisme sans exotisme du peintre Etienne Dinet enfin exposé

01/02/2024 mis à jour: 00:48
AFP
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L’un des tableaux de l’exposition orientaliste de l’Auckland Art Gallery, «Esclave de l’amour et de la lumière des yeux» d’Etienne Dinet peint en 1900 - Photo : D. R.

Etienne Dinet - qui se fera appeler Nasreddine au moment de sa conversion à l’Islam en 1913 - découvre l’Algérie en 1884. C’est la première fois qu’un musée lui consacre une rétrospective depuis 1930.

Reconnu de son vivant, cet artiste français (1861-1929), dont les quelque 600 toiles sont aussi bien disséminées dans les collections muséales du monde entier que dans des collections privées, est tombé dans l’oubli.

Oublié ou mis de côté  ? «Il y a un peu des deux», avance Mario Choueiry, le commissaire de l’exposition «Etienne Dinet, Passions algériennes» qui s’est ouvert,  mardi dernier, à l’Institut du monde arabe à Paris, prenant le relais de celle imaginée dans sa succursale de Tourcoing.

C’est la première fois qu’un musée lui consacre une rétrospective depuis 1930. Si l’artiste semble avoir disparu des radars, ses toiles sont, elles, très recherchées sur le marché de l’art, et ce, depuis une vingtaine d’années, selon des experts contactés par l’AFP.

Associé au colonialisme

Né dans une famille de la haute bourgeoisie, Dinet - qui se fera appeler Nasreddine (victoire de la religion en arabe) au moment de sa conversion à l’Islam en 1913 - découvre l’Algérie en 1884. Il en tombe immédiatement amoureux et s’y installe définitivement en 1904.

Sa fascination ? Le désert, ses couleurs et ses habitants qu’il peint abondamment et de façon réaliste. Eclatantes, ses toiles, qui jouent avec le bleu, le rouge et l’ocre, ressemblent à des photographies.

«Il a voulu figer un monde qu’il craignait de voir disparaître», décrypte auprès de l’AFP l’éditrice Ysabel Saiah Baudis, qui a republié la biographie de Mahomet, prophète de l’Islam, écrite par Etienne Dinet lui-même. «Ses toiles sont fidèles à la réalité dans ses moindres détails», complète Mario Choueiry, évoquant notamment les tenues et parures des femmes qu’il dessine.

Ses toiles rencontrent un succès immédiat. A cette période, la France vit une fièvre orientaliste. Eugène Delacroix, Auguste Renoir, Jean-Auguste-Dominique Ingres se prêtent tous à l’exercice. Etienne Dinet en est l’un des principaux représentants.

Au fil des années, le genre est mis de côté, car jugé désuet. Ce sont les années 50 qui l’enterrent définitivement. Associé au colonialisme, «l’orientalisme va être combattu idéologiquement», analyse pour l’AFP l’historien Benjamin Stora. Les orientalistes sont accusés de déformer le regard, d’exotisme.

«Sincérité»

Dinet lui-même a peint un certain nombre de femmes nues, dont les tableaux sont exposés à l’IMA, n’échappant pas aux critiques des militants anticolonialistes.

«C’est quelqu’un qui s’est immergé avec sincérité dans la culture arabe, en a épousé les codes, a appris la langue», défend Ysabel Saiah Baudis. «Il a une place à part chez les orientalistes», poursuit-elle, citant l’exemple de Jean-Auguste-Dominique Ingres qui, malgré une abondante œuvre orientaliste, n’a jamais été en Orient.

Pour Benjamin Stora, Dinet est victime d’un double regard : «Celui anti-orientaliste, plutôt à gauche, et un autre anti-islam, plus à droite», assure-t-il. Etienne Dinet ne s’est pas contenté de peindre le quotidien des Algériens colonisés. Il a aussi porté leurs voix auprès des autorités françaises, rappelle Mario Choueiry.

«Il a critiqué l’attitude de la France pendant la colonisation, a dessiné les stèles des soldats musulmans morts pour la France et s’est battu pour que ces derniers ne soient pas enterrés sous des crucifix», détaille-t-il.

C’est dans ce contexte que le ministère des Armées lui commande une biographie - la première en français - du prophète Mahomet, comme témoignage de la reconnaissance de la nation aux soldats musulmans tombés pendant la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, plus que jamais, «il est une figure de la réconciliation des mémoires», conclut le commissaire. 

 


 

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