Installation d’un conseil supérieur provisoire de la magistrature en Tunisie : Le président Saïed pour «un Etat de droit, non des juges»

15/02/2022 mis à jour: 07:20
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Manifestation des magistrats tunisiens devant le Tribunal de première instance à Tunis, pour protester contre la décision du président Kaïs Saïed de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

Grand débat en Tunisie concernant la composition du Conseil supérieur provisoire de la magistrature (CSM), annoncée samedi 12 février par la Présidence tunisienne, avec une composition indiquant que 12 membres sur les 21 du CSM sont d’anciens membres du CSM, puisque nommés pour leurs qualités. 

Les neuf autres membres sont des juges retraités nommés pour leurs «compétence, honnêteté et indépendance», durant leurs carrières. Les différends sont tranchés par le tribunal administratif. «Pas de mainmise du président Saïed sur la justice», selon le professeur de droit constitutionnel, Amine Mahfoudh.

Tous les intervenants dans la magistrature en Tunisie sont d’accord pour dire que le secteur est très pourri, à commencer par ceux qui s’opposent aujourd’hui aux décisions du président Saïed, soit l’Association des magistrats tunisiens (AMT). Son président, Anis Lahmadi, a reconnu, le 7 octobre 2021 sur Radio mosaïque FM, que «plusieurs dossiers sont gardés par l’inspecteur général de la justice, bien que réclamés par le ministre de la Justice». 

Lequel inspecteur général est nommé par le CSM. «Donc, on ne saurait dire que le CSM n’est pas partie prenante dans la crise, puisqu’il refuse de traduire devant le conseil de discipline des juges ayant des dossiers à l’inspection», remarque le notaire politologue président de l’Association 23-10, Sami Ben Slama. 

Le président de l’AMT, Anis Lahmadi, a également reconnu l’existence de «couloirs dans les palais de justice, par lesquels passent certaines affaires». Ces dossiers sont «pris en charge en 1re instance, en appel et, même, en cassation», a-t-il admis. Lahmadi a alors dit «être d’accord avec le président Saïed sur le besoin de mettre à niveau la justice». Il s’oppose sur «la forme de cette refonte de la justice». 

Le notaire Sami Ben Slama, ancien membre de l’ISIE en 2011, lui rappelle que «le président Saïed n’a pas mis entre ses mains le sort des juges et ne peut pas les limoger, selon la nouvelle législation». Ben Slama considère que «le CSM provisoire nommé par Saïed est plus léger avec 21 membres, au lieu de 45 dans l’ancien, et il n’y aura pas de partition politique concernant les membres». C’est plutôt la compétence et le dossier professionnel qui vont prévaloir. 

Réactions

Les décisions du président Saïed concernant la magistrature ont été accueillies de manière mitigée durant le week-end dernier. La manifestation organisée par le parti politique islamiste Ennahdha et Citoyens contre le putsh était prévue depuis la semaine précédente et reportée du 6 au 13 février. Les pancartes en rapport avec la magistrature n’étaient pas vraiment dominantes. Il y avait certes quelques slogans concernant l’Etat policier, scandés par les manifestants, mais «le millier de manifestants présents traduit l’essoufflement du mouvement opposé au président Saïed», selon l’activiste Sami Ben Ali, qui croit plutôt que «les difficultés inquiétantes sont plus socioéconomiques que politiques». 

Par ailleurs, Sami Ben Slama revient sur la réaction de la corporation des juges, au-delà des décisions présidentielles, interdisant la grève des juges. «D’habitude, la magistrature est au service du pouvoir en place, que ce soit avant ou après le 14 janvier 2011, ou en rapport avec le 25 juillet», a-t-il expliqué dans un post Facebook. Il a ajouté que «s’ils ont fait grève pendant six semaines durant la fin de l’année 2020, c’était plutôt pour améliorer leurs situations matérielles et ils étaient sûrs qu’il n’y aurait pas de retenues sur leurs salaires». 

Maintenant, «ce n’est plus le cas, leurs carrières sont entre les mains de collègues, pas celles du Président», a-t-il conclu. Le président Saïed semble avoir fait le meilleur choix possible concernant la réforme de la justice. On attend de voir les conséquences. Mais, les premières réactions semblent intéresser les magistrats professionnels, avec un Président privilégiant l’Etat de droit à celui des juges politisés.

Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami

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