Industrie du textile et relance de la culture du coton : Comment l’Algérie peut rapidement remonter la pente

24/04/2023 mis à jour: 17:01
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Le coton, produit coté en Bourse, nous revient excessivement cher à l’importation. Nous exhortons les pouvoirs publics à penser à relancer la culture de cette matière. 

Nous avons des potentialités énormes et un savoir-faire, vieux de plusieurs décennies, susceptibles d’offrir à la filière d’énormes opportunités pour son expansion sur le marché local comme à l’international», insistaient, à l’unanimité, devant les caméras de télévision, des opérateurs économiques activant dans l’industrie textile, présents au Salon national des produits textiles, de l’habillement et de la chaussure qui s’est tenu au Palais des expositions du 10 au 19 avril courant. 

Plus précis, d’autres intervenants souligneront, en outre, les bonds vertigineux que connaissent ces derniers temps les cours mondiaux de ce qui est appelé l’or blanc ; les prix ayant été propulsés au plus haut niveau depuis une dizaine d’années. «La hausse générale des matières premières a touché la filière cotonnière. La fibre végétale a atteint des seuils jamais égalés. 

En plus du conflit russo-ukrainien, les conditions climatiques défavorables (sécheresse) y sont pour beaucoup dans nombre de puissances cotonnières, comme les Etats-Unis, troisième producteur et premier exportateur à l’échelle mondiale qui ont vu leurs capacités se contracter sensiblement. D’où le déséquilibre profond entre l’offre et la demande sur le marché international.»  

Seule la relance de la culture locale du coton, abandonnée pour des raisons, à ce jour, inexpliquées, serait, aux yeux de bon nombre d’industriels du textile, en mesure de défaire la filière de la dépendance, économiquement fort pesante et contraignante,  du marché extérieur. 

Cet appel, plus d’une fois exprimé, pourrait, peut-être, trouver cette fois-ci une oreille attentive auprès des plus hautes autorités du pays, elles qui semblent plus que jamais, déterminées à mettre le cap sur «ce secteur prometteur dont tous les indicateurs suggèrent un marché gagnant localement et à l’extérieur car s’ouvrant sur plusieurs blocs commerciaux libres (arabes, africains et européens), en plus de la main-d’œuvre qualifiée et non coûteuse et du positionnement géographique stratégique du pays», se réjouissait, en effet, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, dans une intervention faite lors du Salon. 

Surtout que son collègue du département de l’Industrie, Ahmed Zeghdar, avait assuré, fin décembre dernier, que «la relance de la culture du coton à large échelle était l’un des axes principaux sur lesquels s’appuyait la stratégie nationale pour le développement de l’industrie du textile en Algérie», qui serait en cours d’élaboration. 

Or, la question que d’aucuns se posent est la suivante : les directives présidentielles et les projections gouvernementales sur lesquelles est basée cette stratégie nationale dont la finalité consiste à améliorer la cote du produit textile «made in Algeria» auprès du consommateur local ainsi que sur le marché international, ne risquent-elles pas de se heurter aux résistances des seigneurs de l’import/import ? Ceux-là mêmes qui avaient réussi, à grand renfort de moyens et d’appuis dont ils jouissaient au sein de la plus haute sphère décisionnelle de l’époque, à mettre en échec la tentative de relance, il y a presque vingt ans, de la culture du coton.

Les projets de tous les espoirs

Tous les espoirs étaient permis lorsque le coup de starter avait été donné depuis Annaba, région à vocation cotonnière par excellence. Sous l’ère coloniale, «Bône» fut, en effet, en mesure de pourvoir le marché de plus du quart des quelque 70 000 tonnes/an représentant la production cotonnière du pays, le reste réparti entre les zones d’El Harrouch, Chlef, Sig et Relizane. 

Performances, relevant depuis, de la vieille histoire. Particulièrement après la tentative précocement avortée de relancer cette spéculation agricole en 2004. En effet, la production issue des 200 hectares alors exploités pour les besoins d’essais, dans le cadre d’une opération pilote dans les wilayas d’Annaba, El Tarf, Skikda et Guelma, était vouée à la destruction. Il était beaucoup plus question de blocage délibéré et d’insurmontables contraintes bureaucratiques préméditées que de mauvaise volonté des principaux acteurs sur le terrain. 

Tout avait, pourtant, été mis en place avec la création, en juillet 2003, de Somecoton, coentreprise algéro-française, fruit d’un partenariat entre les Français de la Holding Développement des Agro-industries du Sud (Dagris) et les Algériens du Groupe industriel Textile Manufacturent Company (Texmaco). Certaines sociétés avaient été sollicitées pour participer au capital social telles que Alcovel (Béjaïa), Cotosud (Laghouat), Denitex (Tlemcen), Filba (Batna) et Tindal (M’sila). 

Devaient suivre d’autres sociétés publiques dont Elatex (Souk Ahras) qui destinait l’essentiel de sa production de tissu à la grande maison de haute couture Pierre Cardin, et Enaditex (Sedrata et Tebessa), toutes proches des grandes plaines cotonnières. Somecoton devait mettre sur les rails deux projets en toute priorité : réaliser des tests dans les zones traditionnellement vouées à la culture du coton et réhabiliter l’usine d’égrenage de la coopérative régionale des services agricoles et industriels Lalaymia Lakhdar Annaba. Pas seulement : sur la base des résultats des deux opérations était envisagée la mise sur pied de nouvelles autres usines d’égrenage.

Ce qui était censé permettre à Somecoton de totaliser, à l’horizon 2015, l’exploitation de pas moins de 10 000 hectares avec une production estimée à  30 000 tonnes/an de grains de coton. Ces projets avaient été bien accueillis par les agriculteurs de la région qui n’avaient pas tardé à exprimer leur volonté de participer activement à la réhabilitation de la culture de coton en Algérie où la dernière cueillette remonte à 1972 et c’était à Annaba. En cela, la disponibilité en Algérie de moyens de production de filature et de tissage d’une capacité de 42 000 tonnes/an les avait fortement stimulés. 

Ainsi effectués dans les quatre wilayas de l’Est en 2004/2005, les essais avaient permis d’atteindre des résultats plus qu’encourageants, dépassant  de loin toutes les prévisions. Outre l’excellente qualité de la fibre de coton obtenue, les agriculteurs avaient réalisé des rendements inespérés : 30 à 40 quintaux à l’hectare dès la première campagne 2004/2005 sur une superficie de 30 ha. Sur certaines d’entre elles, des pics de 48 quintaux/ha avaient même pu être enregistrés. Malheureusement, faisant cruellement défaut, la logistique n’avait pas suivi. 

La grande désillusion

Les engagements de Somecoton envers les agriculteurs n’ayant pas été respectés, tous ces projets avaient été subitement abandonnés à la faveur du tout-import. Et la désillusion sera encore des plus profondes pour les filatures de Constantine, Barika et Batna, les besoins en coton de leurs unités de production respectives étant de l’ordre d’au moins 15 000 tonnes/an. 

De même que les achats à l’international de la matière première (fibre) qu’elles ne pouvaient plus assumer, car à elle seule, cette dernière pesait 50% du prix de revient du produit textile. C’est dire que matérialisée, la décision politique de reprendre la culture du coton en Algérie qui, selon les spécialistes de la filière, outre de gros investissements, en aval, sous forme de PME/PMI dédiées à la mise sur pied d’unités d’égrenage, de recyclage de grains de coton destinés aux huileries, nécessite, par ailleurs, l’édification d’un réseau de collecte et de transport solide ainsi que la création de laboratoires de recherches exclusivement dédiés à cette spéculation, pourrait ressusciter les vestiges enfouis de la ruée vers l’or blanc. Mais, toujours d’après les mêmes spécialistes, il faudra, au préalable, penser à mettre à jour les processus et procédés de culture, désormais mondialement requis. 

Car la tendance actuelle n’est plus au coton conventionnel mais au coton durable, dit autrement une «culture respectueuse de l’environnement et socialement responsable». L’industrie textile mondiale est, aujourd’hui, de plus en plus scrupuleuse en termes de qualité. Les nouveaux critères étant axés sur la certification aux normes volontaires de durabilité (Voluntary Sustainability Standards/VSS). Le coton durable représente désormais plus de 25% de la production totale de la filière à l’échelle planétaire. 92% de l’offre mondiale de coton conforme aux VSS est à l’actif de l’Asie (les principaux acteurs de cette filière étant l’Inde, la Chine et la Turquie) contre à peine 4 % en Afrique où les plus grandes exploitations certifiées durables se trouvent essentiellement en Tanzanie, en Ouganda et au Bénin. 

D’après un rapport publié en janvier 2022 par l’Institut international pour le développement durable (IISD), basé au Canada, plus de 2,5 millions d’agriculteurs ont produit, à l’échelle planétaire, entre 6,24 et 6,46 millions de tonnes de coton durable en 2019 pour une valeur à la ferme oscillant entre 3 et 5 milliards de dollars. Au cours de la même période, la production mondiale de coton conventionnel a enregistré une baisse annuelle moyenne de -0,98%.

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