Un des pères spirituels de la confrérie des aïssaoua en Algérie et au Maghreb. «Il a appris à la source, pour gravir les échelons au fil des années, avant de devenir Qessad, avec la bénédiction et l’accord de cheikh Mohamed Bendjelloul et des chouyoukh qui l’accompagnaient».
On ne peut pas parler de patrimoine aïssaoui à Constantine, sans évoquer le nom de Zine-Eddine Benabdallah. L’homme avait œuvré pour la préservation de cet héritage dans sa pure tradition et sa transmission aux jeunes sur des bases solides puisées de la bonne source. Il avait plein de projets dans la tête, mais le destin en a voulu autrement. Zine-Eddine s’était éteint, le dimanche 14 juin 2020 à l’âge de 59 ans. Il était connu pour sa générosité, sa gentillesse, son humilité et son dévouement pour son travail.
Il était l’un des derniers ayant puisé de l’école du grand maître de la Tariqa Aïssaouia à Constantine, le regretté Si Mohamed Bendjelloul, dont il avait été le digne disciple. Il avait laissé derrière lui des œuvres, des albums et tout un héritage d’un vrai maître, qui a humblement servi ce pan du patrimoine culturel algérien. Né le 26 février 1961 à Constantine, Zine-Eddine Benabdallah avait grandi dans un milieu familial imprégné de malouf et de chant soufi.
Son père Maâmar était un artiste accompli et un musicien passionné de malouf, de mahdjouz et de zdjoul. Il avait accompagné de grands maîtres tels cheikh Hssouna Ali Khodja et Abdelkader Toumi Sief. Zine-Eddine a été influencé par la famille de sa mère, les Rahmouni, ayant des traditions dans la confrérie des Aïssaoua. Son oncle maternel, Ahmed Lakhdar Rahmouni était un illustre Moqaddem de la Tariqa Aïssaouia à Constantine.
Son grand-père maternel, Cheikh Abdelkader Rahmouni, avait laissé son empreinte dans les confréries Qadiria et Aïssaouia. Après avoir fréquenté le CEM Hassan Bourghoud (Ex-école Jeanmaire), puis le lycée Youghourta, Zine-Eddine suit une formation de technicien supérieur en ouvrages d’art, avant de rejoindre le bureau d’études Urbaco à Constantine. Il abandonne sa carrière professionnelle, pour se consacrer au patrimoine aïssaoui.
Il avait fait ses premiers pas dès son jeune âge avec son maître Cheikh Mohamed Bendjelloul (1900-1980), l’un des pères spirituels de la confrérie des aïssaoua en Algérie et au Maghreb. « Il a appris à la source, pour gravir les échelons au fil des années, avant de devenir Qessad, avec la bénédiction et l’accord de cheikh Mohamed Bendjelloul et des chouyoukh qui l’accompagnaient », a révélé Nadia, épouse de Zine-Eddine Benabdallah. « Zine-Eddine était un artiste éclectique. Il ne se limitait pas au genre aïssaoua. Il avait un goût et un don pour toutes les musiques. Il était un grand passionné de malouf et de chaâbi dont il jouait avec un mandole, son instrument préféré. Il aimait assister à tous les évènements culturels. Il ne ratait jamais les soirées du festival international du Jazz, les festivals du Malouf et de l’Inchad. Il assistait à toutes les rencontres culturelles; il avait été même chef scout, chose que beaucoup de gens ne savaient pas», a-t-elle témoigné.
Un parcours riche
Benabdallah avait créé en 1998 l’association El Akikia pour l’art et la culture, pour dispenser une formation assidue à ses élèves. Cette dénomination s’inspirait du célèbre poème El Akikia (La cornaline) de cheikh Saïd El Mendassi, dont Zine-Eddine était un fervent passionné. «En raison de diverses difficultés, il avait cessé ses activités à El Akikia en 2002 pour se consacrer pleinement à la recherche dans le patrimoine aïssaoui. Il passait son temps à décrypter et étudier les textes, la manière de les chanter et la musicalité des poèmes», a rappelé son épouse. Zine-Eddine sera désigné par décret du ministère de la Culture en tant que commissaire du Festival national culturel du patrimoine des aïssaoua. Il s’est attaché à organiser les deux premières éditions en 2006 et 2007 à Mila, ayant connu un grand succès.
Grâce à ses efforts dans ce festival, le chant aïssaoua a renoué avec ses origines par la participation importante de troupes et de chercheurs ayant œuvré par leurs contributions à la préservation de ce pan du patrimoine immatériel national. «Mon mari était toujours présent dans les célébrations du Mawlid Ennabaoui, la nuit d’El Isra ouel miaâradj, et les rendez-vous de la Chaâbania ; il avait lancé le 1er forum national et le 1er forum maghrébin des aïssaoua ; il avait beaucoup aidé les associations, militant en faveur d’un statut pour les artistes ; il avait proposé de rassembler et enregistrer ce patrimoine dans des CD en collaboration avec le CNRPAH, dirigé à l’époque par Mr Slimane Hachi, en vue de le classer comme patrimoine de l’Unesco», a ajouté son épouse.
En 2009, Benabdallah publie un livre intitulé Les différentes noubas de la Tariqa Aïssaouia dans la ville de Constantine, abordant le patrimoine du soufisme dans l’ancienne Cirta. Il avait animé l’émission Hatate Qcentina sur les ondes de la radio de Constantine, traitant avec ses invités les belles facettes de l’histoire, la culture, l’art et les traditions de la ville du Vieux Rocher. Le 21 mai 2011, Zine-Eddine Benabdallah avait reçu à Constantine un messager qui lui avait transmis la prestigieuse «Idjaza» (Reconnaissance) lui attribuant le titre de «Cheikh Machayekh El aâmel» et portant le sceau de Mohamed Benslimane El Djazouli, cheikh Tariqa de la zaouïa el aïssaouia de Meknès. Une belle consécration pour son parcours, en plus des hommages reçus de son vivant ou à titre posthume.
«La Tarika aïssaouia est tout à la fois ; une culture, un art et une doctrine qui reposent sur le principe de générosité, d’humilité, de dévotion, de ferveur, de communion et de la foi absolue en Dieu», ne cessait-il de clamer.