Il laisse de nombreux ouvrages sur l’espace algérien : Marc Cote, l’auteur du Guide d’Algérie est mort

30/03/2022 mis à jour: 06:31
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Marc Cote à gauche avec sa femme Anne / Photo : D. R.

Marc Cote, le géographe, le professeur émérite, fin connaisseur de l’Algérie et du Maghreb, est décédé dimanche en France, à l’âge de 88 ans. La nouvelle a jeté un voile de tristesse en Algérie, particulièrement dans les milieux universitaires constantinois.

Marc avait vécu et enseigné près de 30 ans en Algérie, à Constantine précisément où il avait, avec son épouse Anne, tissé des liens puissants avec la terre et avec les Algériens. Il en a gardé de grands amis et des centaines d’étudiants qui lui vouent encore beaucoup d’estime. L’auteur du Guide d’Algérie (Ed. Média-plus), laisse derrière lui un legs inégalable composé d’ouvrages, d’articles et d’études dédiés à l’Algérie.

Personne n’a comme lui parcouru les territoires algériens et cartographié les espaces tout en analysant les sociétés dans leurs contrées. L’Algérie ou l’espace retourné (Flammarion, 1988), Mutations rurales en Algérie (Cnrs, 1999), La ville et le désert Le Bas-Sahara algérien (Karthala, 2005), sont des titres qui serviront pour la postérité. Dans Si le Souf m’était conté (Media plus, 2006), il nous explique comment les populations établies dans un angle mort de l’erg oriental ont pu trouver les meilleures solutions aux problèmes de survie qui leur étaient posés, et réussi à façonner un système sociétal et spatial inédit et surtout pratique.

Marc Cote est le premier aussi à avoir tempéré le regard négatif à l’égard de la Ville nouvelle Ali Mendjeli, y compris au niveau institutionnel, grâce à son ouvrage intitulé Constantine, Cité antique et ville nouvelle (Medias Plus, 2006). Le temps lui a donné raison d’ailleurs.

Dans un post Facebook, Ali Bensaad, qui dit avoir partagé avec Cote le même bureau et une vraie relation d’amitié à l’université d’Aix à Marseille, dévoile une facette de cette personnalité : «C’est avec lui, au Niger, que j’ai eu mon premier voyage initiatique au Sahara et que j’ai décidé d’en faire mon terrain privilégié pendant longtemps. Je continuerai seul, Marc s’intéressant aux problèmes d’aménagement alors que j’étais tenté par les questions géopolitiques.

Mais sa rare capacité d’analyse spatiale, son entrée dans les problématiques par l’espace ont contribué à façonner ma perception et ont pesé dans mon option pour la géopolitique qui n’est autre qu’une analyse des rivalités de pouvoir sur l’espace et l’éclairage de ces rivalités de pouvoir par l’analyse de l’espace. Je lui dois le Sahara et la sensibilité à la dimension spatiale.»

Un humaniste marquant

Marc Cote avait terminé sa carrière comme professeur émérite à l’université d’Aix-en-Provence, et comme chercheur à l’IREMAM, Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman. Mais peut-on vraiment mettre fin à une carrière universitaire de cette trempe ? Les universitaires, les étudiants surtout, n’ont jamais cessé de profiter de sa science, de sa générosité.

«Lors de nos visites pour le consulter sur nos travaux de thèses, sa porte était toujours ouverte. Nous jouions à la “chaise musicale” en faisant la chaîne pour arriver face à lui dans son bureau tapissé de livres....

Alors, avec un sourire timide et radieux, une voix douce avec un léger et agréable défaut vous accueille et vous met à l’aise. Il m’avait appris beaucoup particulièrement à demeurer humain et généreux», raconte l’urbaniste et enseignant à l’université Constantine 3, Waheb Bouchareb. Ces qualités humaines sont relevées aussi par Wissam Meziane, du même département universitaire qui, lui, a connu Cote à travers ses parents.

«Si pour beaucoup de mes amis M. Cote était un professeur géographe émérite, pour moi il était un ami de la famille, un coopérant français qui aimait beaucoup l’Algérie et aussi les Algériens. M. Cote m’avait offert un livre pour mes 18 ans. Un livre que je considère le plus important que j’aie eu à lire : Patience dans l’azur, de l’astrophysicien Hubert Reeves.

A cette époque, je ne savais pas que le destin allait me mener à l’architecture et tant de rencontres avec M. Cote, et qu’il allait m’apprendre la chose la plus importante dans ma vie : donner aux autres le meilleur de sa personne, sans retenue, sans calcul et sans rien attendre en retour», écrit-il en hommage.

D’être là comme il était suffisait à rajouter au sens du monde, ajoute Ali Bensaad, pour qui Cote était un saint. Ce pourquoi et malgré les déceptions qu’il a subies en Algérie, Marc Cote n’a jamais montré le moindre ressentiment, notamment quand Chadli Bendjedid lui a refusé à lui et à sa famille la naturalisation.

Quand en 1994 le wali de Constantine leur ordonne de quitter l’Algérie pour raison sécuritaire liée à la menace terroriste, les Cote s’en vont la mort dans l’âme, mais Marc et Anne reviennent à la première occasion et s’offrent même de fêter leurs noces d’or au milieu de leurs amis algériens.

Son amour pour son pays d’accueil où il a enterré l’un de ses fils, et la reconnaissance de plusieurs générations d’universitaires témoignent en faveur de l’algérianité profonde de Marc, un personnage que l’Algérie ne devra pas oublier. 

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