Il faut au moins 2 mois à un an pour se remettre d’un Covid long, estime l’OMS qui plaide pour un effort unifié à l’échelle planétaire. L’Algérie, qui enregistre 0 décès et moins de dix cas depuis plus de deux mois, a élaboré un guide pour une meilleure prise en charge.
Il lance un défi pour l’avenir des systèmes de santé, selon les professionnels. Le Covid long est présenté comme une combinaison de problèmes de santé qui inquiète, tant son diagnostic n’est pas établi.
Asthénie, insomnie, troubles de la mémoire, douleurs musculaires et pulmonaires, troubles auditifs… autant de symptômes qui persistent chez des malades, plusieurs semaines après leur rétablissement.
La communauté scientifique interpelle sur l’attention urgente qu’il faut accorder aux cas Covid long ou Covid chronique. Une étude des autorités sanitaires américaines, publiée le 25 mai dernier, atteste des conséquences d’une infection au Sars-CoV-2. «Les personnes ayant eu le Covid-19 sont deux fois plus susceptibles que les autres de développer par la suite une embolie pulmonaire ou des problèmes respiratoires», conclut cette étude menée sur 350 000 malades ayant contracté le virus, comparés à des sujets sains, sur la période allant de mars 2020 à novembre 2021.
Ces proportions viennent confirmer les résultats de plusieurs études épidémiologiques, estimant entre 10 et 30% le taux de malades ayant développé un Covid-19, et susceptibles de présenter des signes de Covid long.
En Algérie, aucune statistique officielle n’est disponible. Mais en tenant compte du pourcentage susmentionné, ils seraient au moins 27 000 personnes à souffrir de ces maux post-coronavirus. «Le Covid long peut entraîner des pathologies comme le diabète, des complications pulmonaires et des maladies mentales et neurologiques. Ses séquelles représentent une menace réelle pour la santé publique», a averti le Pr Abdelhak Lakhal, épidémiologiste et spécialiste de la médecine de prévention.
Les troubles de sommeil pourraient être inclus dans cette multitude de désagréments. L’équipe du Pr Mohamed Bougrida (CHU et faculté de médecine de Constantine) planche sur la question, après avoir élaboré une étude du même acabit sur les patients Covid hospitalisés. En conclusion, la pandémie a eu un impact néfaste sur la qualité du sommeil, marqué par l’insomnie, la somnolence diurne et les cauchemars.
Des séquelles persistantes
Il faut au moins 2 mois à un an pour se remettre d’un Covid long, estime l’OMS qui plaide pour un effort unifié à l’échelle planétaire. L’Algérie, qui enregistre 0 décès et moins de dix cas depuis plus de deux mois, a élaboré un guide pour une meilleure prise en charge.
Dans ce document, sont considérées comme atteintes du syndrome post-Covid-19 «toutes les personnes ayant été testées positives, et qui présentent un des symptômes décrits jusqu’à 12 semaines après le début de l’infection». Il a été constaté que plusieurs semaines après la guérison, les séquelles peuvent persister ou apparaître, aussi bien dans la forme légère de la maladie que dans celle grave.
Pour bon nombre de spécialistes, il faut faire le distinguo entre séquelles du coronavirus qui peuvent se traduire par une maladie cardiaque ou neurologique, une anémie ou un diabète et le Covid long. Car, les symptômes persistants peuvent être liés à l’état immunitaire du malade avant sa contamination par le virus, ou avoir une concomitance avec un stress intensif, comme nous l’explique le Dr Mouna Bentellis, médecin généraliste. «Comment classer le malade en Covid long ? Le diagnostic reste difficile à établir, car chaque cas est spécifique.
Lors de la 4e vague de la pandémie, le variant Delta a été virulent et très agressif. Les gens se sont infligé des traitements en ambulatoire dont ils n’avaient pas besoin, parfois lourds et inappropriés. Dans bon nombre de cas, les malades demandent tout simplement une ordonnance Covid au pharmacien. Cette automédication, surtout celle relative à la prise de corticoïdes, n’était pas sans avoir des effets secondaires... C’est pour cela qu’il faut attendre 4 à 6 semaines pour s’assurer qu’il s’agit d’un cas Covid long, par la suite la prise en charge peut commencer.»
Prise en charge multidisciplinaire
Le Dr Bentellis recommande la consultation du médecin de famille, qui orientera par la suite le malade vers le spécialiste adéquat. Et le processus est pluridisciplinaire : questionnaire ciblé et une batterie de tests et d’examens cliniques.
C’est ainsi que Rachid, 64 ans, a pu mettre un nom sur ses souffrances. «J’ai contracté le virus en avril 2021… Une année plus tard, je me plains toujours d’un état de fatigue intense, de difficultés de mobilité et de gêne respiratoire», témoigne-t-il. Pour certains, les séquelles ne sont pas invalidantes en apparence, mais altèrent largement leur qualité de vie.
«Cela fait sept mois que j’ai été infectée, et je n’ai pas encore récupéré mon odorat, et la nourriture à un goût nauséabond», affirme Samira, enseignante dans le secondaire. «Parmi les patients dont les symptômes se manifestent jusqu’à 6 mois et qui exerçaient une activité professionnelle, un tiers n’est pas retourné travailler», à en croire différentes études internationales.
Selon l’une d’elles, réalisée par l’université de Leichester (Royaume-Uni), «sans traitement efficace, le Covid long pourrait devenir une nouvelle condition hautement prédominante à long terme». Parmi les 800 personnes examinées, infectées entre mars 2020 et avril 2021, environ 29% s’étaient complètement rétablies un an après l’infection. Ceux qui étaient sous respiration artificielle avaient 58% moins de chances de s’en remettre complètement, est-il relevé. Comment explique-t-on ce genre de «soucis de santé» difficile à cerner et dont les symptômes sont pourtant perceptibles ?
Une équipe de recherche de l’université Stellenbosch en Afrique du Sud relie le problème à des caillots de sang : «Ces micro-caillots ne se dissolvent pas, comme ils devraient le faire dans un processus appelé fibrinolyse. Ils semblent plutôt bloquer l’accès à l’oxygène de certaines cellules du corps, ce qui conduit à l’hypoxie. Cette dernière peut être à l’origine des nombreux symptômes débilitants signalés par le Covid long.»
De lourdes conséquences psychologiques
Cette pandémie, considérée comme une grave crise de santé publique, amplifie les niveaux de stress et d’anxiété. La santé mentale s’en trouve, ainsi, affaiblie. Les mesures de protection n’ont pas été sans incident. «Ces mesures ont engendré une insécurité permanente et de multiples craintes», explique Sara Rabhi, psychologue.
La coordinatrice d’une cellule d’écoute en milieu universitaire égrène à cet effet un chapelet de répercussions psychologiques, dont la fatigue émotionnelle, la tendance à l’hypocondrie, l’altération de jugement… «Les séquelles sont profondes et seront de longue durée comme le stress, l’anxiété, l’isolement social, l’apparition de phobies et Toc, particulièrement ceux liés à l’hygiène… et même des pensées suicidaires», alerte-t-elle. En matière de thérapie, elle préconise de pratiquer des activités physiques, éviter les sujets de discussion anxiogènes, et naturellement ne point hésiter à demander de l’aide auprès d’un professionnel.