Il y a 70 ans, presque jour pour jour, des hommes valeureux, nationalistes et désintéressés avaient décidé de passer à l’action en déclenchant une insurrection qui va changer le cours de l’histoire en Algérie et libérer le peuple après 132 ans de colonialisme.
Des hommes qui avaient pris le maquis, laissant tout derrière eux, femmes, enfants, biens, fermes, maisons, commerces, même si la majorité d’entre eux vivaient dans la misère totale. Ils étaient tous jeunes, mais ne craignaient plus rien encore. Ils avaient la ferme détermination de recouvrer leur dignité dans un pays libre et indépendant pour lequel ils vont combattre, sans savoir s’ils seront encore en vie pour connaître les moments de gloire tant attendus.
En ces jours ayant précédé le 1er novembre 1954, ils étaient déjà des centaines de rebelles (1200 selon les chiffres non officiels) à rejoindre le maquis dans les cinq zones qui deviendront des Wilayas après le Congrès de la Soummam, en apprenant sur le tas comment manier les armes et les explosifs face à l’armée de la 5e puissance militaire de l’époque. L’histoire retiendra quand même qu’en dépit des slogans que certaines parties avaient véhiculés à dessein au lendemain de l’indépendance, le mérite reviendra aux chefs des zones et des régions, sans les citer, car les grades n’avaient pas trop d’importance en ces temps de guerre, surtout que la chose qui avait fait la force de cette insurrection était qu’au maquis, tous les hommes étaient égaux.
Ces responsables avaient déployé d’énormes efforts pour préparer minutieusement le terrain à cette Révolution. On ne peut guère ignorer leur rôle pour convaincre et mobiliser les gens autour de la décision de mener une révolte avec très peu de moyens. Ils avaient tout fait pour inculquer l’art de la guérilla et le sens de la discipline et de l’organisation à des combattants issus de la paysannerie et des couches défavorisées, majoritairement illettrés et surtout inexpérimentés.
Il faut reconnaître tout de même que dans une pareille action armée menée simultanément et à grande échelle, il ne fut guère aisé de mener au maquis et dans des conditions aussi dures des hommes issus de milieux différents, aux habitudes et aux mentalités parfois difficiles à gérer, sans avoir la sagesse et le sens de la diplomatie. Il fallait surtout leur apprendre comment attaquer leurs cibles, sachant que l’un des objectifs tracés était de récupérer des armes, tout en évitant une confrontation directe avec un ennemi beaucoup plus puissant militairement.
Dans une guerre, il faut savoir se replier après une attaque, éviter d’être capturé, choisir des refuges et des points de ralliement, gérer ses munitions et bien utiliser les mots de passe. L’essentiel était de se maintenir en vie par tous les moyens.
Le principal défi était que la Révolution parvienne à tenir le plus longtemps possible. Cette capacité de résister sera la clé de sa réussite, en dépit de tous les plans et manœuvres des responsables militaires français, dont le prix payé par la population algérienne a été très fort. Le chef historique de la zone I (Les Aurès), Mostefa Ben Boulaïd, ne cessait de répéter à ses troupes : «Si la Révolution parvient à tenir neuf mois, elle réussira.»
Une anecdote rapportée par certains témoignages raconte que quelques jours après les attaques du 1er Novembre 1954, Ben Boulaïd avait ri lorsqu’on lui avait annoncé que la France avait déclaré la présence de 3000 rebelles armés dans l’Aurès, alors qu’ils étaient à peine 300 personnes et avec des armes rudimentaires. Ce n’est plus un secret que cette Révolution, qualifiée de la plus radicale et de la plus populaire du XXe, finisse par atteindre ses objectifs, grâce à ces braves hommes qui l’ont menée jusqu’au bout.