Hassen Khelifati, président de la commission communication du comité d'organisation de la 49e conférence de l'Organisation africaine des Assurances et PDG d’Alliance Assurances, revient dans cet entretien sur le déroulement de cet événement. Pour lui, après les débats, les réflexions et les échanges, le temps de l’action est venu. Car le défi actuel est de donner des réponses appropriées aux problématiques les plus urgentes. Il s’inscrit dans une démarche opérationnelle dont la vision porte sur le moyen et le long terme. Il plaide pour une complémentarité entre les secteurs public et privé dans les assurances, en évitant toute discrimination. Une concurrence loyale et saine va faire émerger les compétences et faire rejaillir tout le potentiel de ce marché inexploité à ce jour.
- La 49e conférence de l’Organisation des assurances africaines (OAA) a été organisée à Alger. Quel bilan peut-on tirer du déroulement des travaux ?
Nous en tirons un bilan très satisfaisant pour notre pays et sa capacité à organiser des événements à caractère économique d’envergure internationale avec un succès reconnu par les participants, d’autant plus que ce ne sont pas des institutions de l’Etat qui ont pris la responsabilité de son organisation. Ce rôle a été assuré par l’Union algérienne des Sociétés d’assurance et de réassurance (UAR) en collaboration avec l’Organisation africaine des assurances.
Nous tenons à remercier M. le Premier ministre de son parrainage et sa disponibilité pour nous accompagner et sa présence à la cérémonie d’ouverture qui a traduit tout l’intérêt qu’il accorde à notre secteur ainsi que les ministres des Finances et de l’Agriculture.
Ce défi a été relevé aussi par le concours décisif apporté par les différents départements ministériels et institutions publiques concernés, notamment les Affaires étrangères, l’Intérieur, les Finances, la DGSN, les différents services du Premier ministère ainsi que ceux chargés de la Sécurité. Toutes ces parties se sont mobilisées sans relâche pour nous faciliter les tâches et ont collaboré sans limite pour lever tout obstacle ou difficulté, notamment pour faciliter l’octroi des visas et même faire des exceptions pour les hôtes de l’Algérie.
Bien sûr sans oublier les cadres du secteur composant la commission locale d’organisation qui se sont mobilisés bénévolement pendant des mois de travail et ont fait des sacrifices sans compter pour que le nom de l’Algérie brille à l’international. Sans eux, rien n’aurait été possible.
Nous n’oublions pas également les femmes et les hommes de la presse nationale qui ont renforcé la dimension internationale de cet événement. D’ailleurs, le secrétaire général et le président sortant de l’OAA ont bien reconnu que la 49e conférence était l’une des meilleures sinon la meilleure édition organisée jusqu’à maintenant.
En effet, ce rendez-vous a enregistré un record de participation de 1800 inscrits, dont plus de 1100 venant de plus de 70 pays des 5 continents avec le soutien de 43 sponsors, dont la majorité sont internationaux. Sur le plan logistique et organisationnel, cela s’est déroulé d’une manière correcte et sans incidents avec un grand satisfecit de nos hôtes.
L’image et le prestige de l’Algérie ont ainsi été portés à bout de bras par ses enfants, et ce, à tous les niveaux pour réussir cet événement sur tous les plans. Sur le plan scientifique, les centaines de cadres algériens ont eu l’occasion d’assister à des conférences et des débats de haut niveau international, de côtoyer d’autres expériences et expertises et de voir le monde avec un nouveau regard. Il y a eu beaucoup d’échanges, des partenariats notamment dans la réassurance ont été établis, des expertises ont été partagées et des amitiés se sont nouées.
La sécurité alimentaire a été au cœur des débats, des expériences échangées et des expertises exposées. Cela nous a permis de sortir avec une nouvelle vision pour accompagner l’agriculture africaine et prendre le cap de la sécurité alimentaire et relever le défi de faire face aux différents aléas climatiques et politiques nationaux et internationaux.
Une première alerte avec la pandémie de Covid et son impact sur les routes d’approvisionnements, et cela est aggravé par les différentes tensions géopolitiques et surtout les aléas climatiques. L’agriculture africaine est majoritairement vivrière et a besoin d’un accompagnement pour permettre aux agriculteurs de relever le défi de production et par ce corollaire assurer la sécurité alimentaire.
Les nouvelles tendances assurantielles actuellement sont orientées vers la micro-assurance, l’assurance paramétrique ainsi que l’assurance des grandes plantations et l’agriculture massive sur les grandes surfaces et avec beaucoup de technologie.
Notre modèle d’organisation actuel du marché des assurances et les chiffres réalisés par les acteurs sont en deçà du potentiel réel et nécessite un changement radical d’approche et de méthodes ; de compétences et cette conférence est sortie avec des propositions très intéressantes que nous espérons proposer à nos pouvoirs publics pour en tirer le meilleur pour l’intérêt de notre économie.
L’Algérie a été désignée automatiquement présidente de l’Organisation africaine des assurances (OAA) selon les procédures internes. Elle sera remplacée systématiquement l’année prochaine par la Namibie, pays hôte de la 50e conférence en 2024.
Cette présidence de l’OAA coïncide aussi avec la présidence de l’Association arabe des assurances GAIF jusqu’en 2024 et donnera l’occasion à notre pays et aux représentants chargés d’assurer cette responsabilité de représenter le pays avec honneur et compétence et de faire avancer les résolutions arrêtées tout en défendant le prestige de notre pays.
- Les compagnies algériennes du secteur sont-elles préparées à se placer sur le marché africain ?
Dans son allocution d’ouverture, le Premier ministre a annoncé des réformes du texte régissant notre secteur avant la fin de l’année en cours. La réforme profonde ainsi que la numérisation et la modernisation du secteur apporteront les capacités et libéreront les potentiels de nos managers pour aller vers l’international.
Pour un déploiement à l’international de nos compagnies, à mon humble et modeste avis, la priorité est de se stabiliser à l’intérieur de notre marché, de consolider l’organisation interne, le management et les compétences de nos managers ; de s’affronter dans une concurrence saine, loyale et impartiale afin d’affronter avec force le marché international qui est féroce et qui ne laisse aucune place aux faibles ou à ceux qui ne s’adaptent pas aux règles de jeu à l’international.
J’aurais aimé affirmer qu’à l’état actuel cela est jouable, mais la vérité est que nous devons, si nous avons l’ambition de jouer un rôle international, prioriser et libérer l’initiative de nos managers pour aller conquérir le marché international.
- Les potentiels de croissance de l’assurance dans le secteur agricole méritent d’être consolidés en Afrique surtout qu'on parle de plus en plus de sécurité alimentaire. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
Par les chiffres, l’assurance en Afrique représente 1% de la production mondiale et le taux de pénétration par rapport au PIB est de 2,5% VS taux mondial est autour de 7%. L’assurance agricole en Afrique représente environ 5% de la production des assurances en Afrique.
L’Algérie est la 4e puissance économique africaine et 6e en assurances, le taux de pénétration est à 0,7%, un taux très faible au regard du potentiel du pays. La production agricole représente 35 milliards de dollars, soit environ 19% du PIB, le chiffre d’affaires des assurances agricoles a été estimé en 2022 à 1,7% de la production du secteur des assurances en Algérie.
Le potentiel d’exploitation, de progression, que ce soit en Afrique ou en Algérie, est énorme et il faut se concentrer sur les voies et moyens techniques, réglementaires et juridiques pour y parvenir.
Lors des débats de la conférence, il a été proposé de changer d’approche et d’étudier des expériences internationales qui ont réussi dans le domaine de l’organisation du marché et sortir de la dualité actuelle entre l’agriculteur et les compagnies d’assurances et en cas de catastrophe, on compte sur l’Etat pour la prise en charge.
Il a été proposé d’étudier d’autres expériences qui ont donné des résultats probants, notamment en élargissant le cercle à un trio : le gouvernement qui viendra subventionner fortement la prime d’assurance, le fellah qui aura l’obligation de s’assurer et de payer une part de cette prime et les compagnies d’assurances.
Cette approche plus économique soulagera les finances de l’Etat des charges imprévues dues à des catastrophes non couvertes, le fellah intégrera l’assurance comme variable importante et les assureurs feront leur métier et en cas de sinistres, ce seront les mécanismes de l’assurance qui interviendront.
Néanmoins, nous devons appeler à la vigilance, si nous devions adopter ce schéma. Il ne sera pas objectif que de réserver ce nouveau dispositif à un nouveau monopole public comme il est souhaité par certaines parties prenantes. Les règles du marché doivent jouer et la concurrence loyale et saine doit être de mise afin de faire émerger les compétences et faire rejaillir tout le potentiel de ce marché inexploité à ce jour. Le secteur privé doit prendre pleinement sa place dans tout nouveau schéma et ne doit pas être exclu.
- Quels sont, selon vous, les horizons de l'industrie de l'assurance et de la réassurance sur le continent, à la lumière des défis et des transformations économiques et géopolitiques que connaît le monde ?
Aujourd’hui, l’industrie de l’assurance en Afrique ne représente que 1% de la production mondiale et la part du PIB est de 2,5 %. Si nous prenons en considération la part du PIB mondial qui est de 7%, l’industrie de l’assurance et de réassurance pourra facilement se multiplier par au moins 3 fois.
Le potentiel en Afrique et en Algérie est encore plus grand. Selon certains experts, le potentiel de production du marché des assurances en Algérie est de 6 à 8 milliards de dollars, alors qu’actuellement nous ne produisons que 1,1 milliard de dollars.