Le président Abdelmadjid Tebboune a rencontré, hier, les opérateurs économiques algériens, regroupés sous la casquette du Conseil du renouveau économique algérien (CREA). Le rendez-vous, deuxième du genre après celui organisé en 2023, a été une opportunité pour le chef de l’Etat de faire, à nouveau, l’état des lieux de l’économie du pays, mais aussi une projection pour le reste de son deuxième mandat à la tête de l’Etat. Arrivé au Centre international des conférences (CIC) vers midi, accompagné du Premier ministre, Nadir Larbaoui, et du président du CREA, Kamel Moula, Abdelmadjid Tebboune a pris la parole pendant près de deux heures.
Précisant d’emblée que ce rendez-vous est «une opportunité pour évaluer les résultats de la 1re rencontre et de faire des projections pour l’avenir», il annonce, ensuite, que cette «réunion sera désormais annuelle». Après cette introduction, le chef de l’Etat entame le vif de son sujet, en rappelant ses engagements économiques.
Des engagements, dit-il, qui visent à faire de l’Algérie «un pays émergent d’ici à 2027 avec un PIB de 400 milliards de dollars». Ce faisant, il mentionne «les réalisations», notamment en matière d’investissements. «Jusqu’à aujourd’hui, nous avons 13 712 projets d’investissement lancés pour une valeur de 6000 milliards de dinars qui ont créé 350 000 postes d’emploi», déclare-t-il.
«Nouvelle génération de capitaines industriels»
Selon lui, 50% de ces projets sont lancés dans l’industrie qui, dit-il, devra représenter, d’ici à la fin de son mandat, «13% du PIB». «L’industrie est tombée de 18% du PIB durant les années 1970 à 3% en 2019. Cela veut dire que l’Algérie est devant un désert industriel. Grâce aux efforts consentis, l’industrie représente aujourd’hui entre 6 et 7% du PIB. Nous allons atteindre notre objectif», assure-t-il.
Poursuivant, il se félicite du niveau des investissements étrangers en Algérie. «21% des projets sont des investissements étrangers. Cela signifie que l’Algérie est devenue attractive pour les investisseurs étrangers, qui bénéficient d’un même traitement auprès de l’Agence algérienne de promotion des investissements».
Sortant, tout au long de son intervention, du discours écrit, Abdelmadjid Tebboune laisse apparaître sa vision économique de «l’Algérie nouvelle». Une vision axée, particulièrement, sur le développement de l’industrie. «Durant ce mandat, nous allons créer un autre climat pour l’industrie. Nous allons construire une nouvelle génération de capitaines industriels», promet-il. Dans la foulée, il aborde les contraintes, dont notamment les réflexes bureaucratiques qui persistent, «même s’ils sont de moindre importance».
Afin d’encourager les investissements, Abdelmadjid Tebboune affirme que l’Agence de promotion des investissements (AAPI) «assume des charges au-dessus de ses capacités». C’est pourquoi, il annonce la création, «dans deux ou trois mois, d’un guichet unique» pour «accompagner, encadrer et orienter les projets d’investissement en vue de garantir une répartition équitable du développement à travers le pays». «Dans trois ans, nous serons 50 millions d’Algériens. Il faut répondre à leurs besoins en emplois, en logements et en nourriture», lance-t-il.

Fin de mission de l’ALGEX
Abordant le volet des exportations, le chef de l’Etat fait une autre annonce. Celle-ci concerne la fin de mission pour l’Agence nationale de promotion de commerce extérieur (Algex). «A partir d’aujourd’hui, l'Algex, c’est fini. Cette agence a été créée en 2001, alors que l’essentiel de nos exportations était les hydrocarbures et que nous importions pour 60 milliards de dollars de biens. Vous ne la retrouverez plus sur votre chemin», annonce-t-il à l’adresse des opérateurs économiques. Il donne, dans ce sens, instruction au gouvernement pour «créer, avant la fin du mois de mai prochain, deux agences : une pour les exportations et une autre pour les importations, avec des systèmes de veille à tous les niveaux pour éviter les pénuries». Il insiste d’ailleurs sur la mise en place du système de veille pour pouvoir, explique-t-il, réguler le marché. Il cite dans ce sens le prix de la pomme de terre qui oscille entre 150 et 160 DA. «Ce n’est pas normal !» lance-t-il.
Poursuivant, Abdelmadjid Tebboune revient sur les exportations pour annoncer l’objectif d’atteindre, cette année, «le chiffre de 10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures». Mais pas à n’importe quel prix. Il se montre outré par l’exportation de la «datte algérienne, qui est une référence en matière de qualité, pour 40 DA/kg, alors qu’elle est vendue sur le marché national entre 700 et 800 DA/kg». «A ce prix, je ne l’exporte pas», insiste-t-il, appelant les opérateurs de cette filière à s’organiser en coopérative. Dans le domaine de l’agriculture, le président Tebboune se dit globalement satisfait des résultats. Il fait savoir que la stratégie visant à promouvoir la production du blé dur «a porté ses fruits, puisque la facture d’importation de ce produit a baissé de 1,2 milliard de dollars». «Nous comptons la faire baisse encore de 2,5 milliards de dollars», ajoute-t-il.
«Créez des banques privées !»
Concernant le financement des projets d’investissement, Abdelmadjid Tebboune encourage les opérateurs «à créer des banques privées» pour sortir de la dépendance des finances publics. «Nous avons ouvert les capitaux de deux banques à hauteur de 30%. Nous pouvons encore aller jusqu’à 49%. Mais, l’idéal est que ce soient les banques privées qui financent des projets privés», indique-t-il, rappelant que «l’expérience malheureuse du passé (allusion faite à la banque Khalifa) ne se reproduira pas». Madjid Makedhi
Révision de l’accord d’association avec l’UE : «les européens ont accepté l’idée»
Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, affirme que les pays de l’Union européenne (UE) ont accepté l’idée de réviser l’accord d’association, entré en vigueur en 2005. «Nous avons de très bonnes relations avec tous les pays européens et avec l’UE. Aujourd’hui, l’Union européenne a accepté l’idée de la révision de l’accord d’association», a-t-il déclaré lors de son intervention, hier, devant les opérateurs économiques algériens. Poursuivant, il explique les raisons pour lesquelles il faut revoir cet accord. «En 2005, notre économie dépendait entièrement des exportations des hydrocarbures. Nous n’avions presque rien d’autre. La situation a changé aujourd’hui. Nous ne demanderons pas l’impossible aux Européens, mais seulement l’ouverture de leurs marchés aux produits algériens», affirme-t-il. M. M.
Confiance renouvelée au CREA
Le Conseil du renouveau économique algérien (CREA) jouit toujours de la confiance du président Abdelmadjid Tebboune. «Vous avez toute ma confiance. On a voulu vous dénigrer. Mais vous avez prouvé que vous êtes de vrais partenaires économiques», a-t-il souligné à l’adresse du président de cette organisation, Kamel Moula, à l’ouverture, hier à Alger, de la rencontre avec les opérateurs économiques. Le chef de l’Etat fait référence aux violentes charges subies par le CREA, entre 2023 et 2024, de la part, notamment, d’organisations patronales «rivales». M. M.
Le cas Bouchouareb
Le président Abdelmadjid Tebboune est revenu, hier, à l’occasion de sa rencontre avec les opérateurs économiques, sur la question du transfert illicite de devises à l’étranger avant 2019. «L’argent pillé et transféré à l’étranger profite aujourd’hui aux corrompus qui ont fui à l’étranger et qui bénéficient de la protection de leurs pays d’accueil», a-t-il déclaré. Sans le citer, le chef de l’Etat fait référence au cas de l’ancien ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb. Réclamé par la justice qui l’a condamné dans plusieurs dossiers de corruption, il n’a pas été extradé par la justice française, qui a opposé, en mars dernier, son rejet définitif des demandes d’extradition émises par des tribunaux algériens. M. M.