Guerre contre Ghaza : Le Nouvel An dans un bain de sang

02/01/2024 mis à jour: 01:12
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Photo : D. R.

Selon Ola Awad, directrice du Bureau central palestinien des statistiques, l’année 2023 a été la plus horrible pour le peuple palestinien depuis 1948. Sur l’ensemble de l’année, il y a eu 22 404 morts sous le feu de l’occupation sioniste, dont 22 141 Palestiniens tués depuis le 7 octobre.

L’année 2023 s’est terminée de façon absolument horrible pour la population martyrisée de Ghaza. Et le cortège d’atrocités qu’elle subit au quotidien n’est pas près de s’arrêter. Alors que le reste du monde fêtait dans la joie et l’allégresse le Nouvel An, l’armée sioniste a continué à semer la mort dans les foyers palestiniens avec une violence inouïe.

De dimanche à lundi, les attaques israéliennes ont fait 156 morts et 246 blessés, selon le ministère de la Santé de Ghaza. Ce qui porte à 21 822 le nombre de personnes tuées et à 56 451 celui des blessés sur ce territoire minuscule depuis le début de l’agression sioniste.

Ola Awad, directrice du Bureau central palestinien des statistiques, a organisé ce dimanche une conférence de presse où elle a dressé un inventaire détaillé, chiffres à l’appui, des violences infligées au peuple palestinien au cours de l’année 2023.

22 404 Palestiniens ont été tués sur l’ensemble de l’année 2023, dont 22 141 depuis le 7 octobre. Et de souligner qu’en termes de pertes humaines imputables à l’occupant israélien, «c’est le nombre de martyrs le plus élevé depuis la Nakba de 1948». Parmi les victimes recensées depuis le début de la guerre punitive contre Ghaza, il y a eu «9000 enfants et 6450 femmes», affirme Ola Awad.

En Cisjordanie, il a été enregistré 319 morts depuis le 7 octobre, dont 111 enfants et 4 femmes. A quoi s’ajoutent 7000 disparus signalés dans la Bande de Ghaza, dont 67% de femmes et d’enfants. Plus de 100 journalistes ont été tués.

On dénombre, en outre, 1,9 million de personnes déplacées. Et ce torrent de statistiques morbides n’est pas près de s’arrêter.

«2024 sera l’année de la mort si les plans de l’entité sioniste contre les Palestiniens ne sont pas stoppés», s’est alarmé le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, dans un post sur le réseau X. Ce qu’est en train de subir la population de Ghaza dépasse l’entendement, en effet.

Le Nouvel an dans un bain de sang

N’en pouvant plus de l’inertie de la communauté internationale, le Conseil national palestinien (CNP) a fustigé dimanche, dans un communiqué, «le silence international face au génocide et les massacres commis dans la Bande de Ghaza».

«Alors que le monde célèbre l’arrivée d’une nouvelle année, les rues de la Bande de Ghaza sont bondées de corps, de destruction, de morts et de privations…», dénonce le CNP.

Le passage à la nouvelle année n’a donc, de toute évidence, rien changé au quotidien apocalyptique des habitants de Ghaza, qui continuent à subir un insoutenable déluge de feu.

Hier, premier jour de l’année 2024, au moins 21 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées suite à des bombardements qui ont ciblé différents secteurs de la Bande de Ghaza, rapporte l’agence Wafa.

Dans le seul camp d’Al Maghazi, au centre de l’enclave assiégée, des raids intensifs contre plusieurs habitations ont fait 15 morts. Au nord de la Bande de Ghaza, d’autres attaques ont fait six morts à Beir Naâja, à l’ouest de Jabaliya.

L’aviation israélienne, soutenue par l’artillerie, a pilonné, par ailleurs, en ce 87e jour d’agression, plusieurs quartiers de la ville et du camp de Khan Younès.

Ces attaques ont fait un mort et plusieurs blessés dans le bombardement de la maison de la famille Abou Hatab, à l’ouest de Khan Younès, précise Wafa. Un autre civil a été tué dans la même ville, exactement à Haï Kizane Rachouan.

La veille de la nouvelle année, la ville de Ghaza a été le théâtre d’un véritable carnage. Selon l’agence Wafa, au moins 68 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées dimanche après-midi, dans un bombardement qui a ciblé la ville de Ghaza.

Des sources médicales citées par l’agence de presse palestinienne ont affirmé que 48 personnes ont été tuées suite à des frappes qui ont visé Haï Al Zaytoun, à l’est de la ville de Ghaza.

Une autre série d’attaques aériennes s’est acharnée aussi sur divers quartiers de la ville de Ghaza, dont Hai Ettoufah, Al Darj et Tall El Hawa. L’aviation sioniste a bombardé également le périmètre de l’université d’Al Aqsa dans la ville de Ghaza, faisant plus de 20 martyrs, ajoute Wafa. Des raids meurtriers ont en outre été menés contre le camp de réfugiés d’Al Maghazi, au centre de l’enclave palestinienne.

Parmi les victimes figure un ancien ministre des Affaires religieuses de l’Autorité palestinienne, Youssef Salama, selon le ministère de la Santé à Ghaza. Il a été tué dimanche matin dans une frappe qui a visé sa maison, située dans le camp d’Al Maghazi.

Devant la persistance de la stratégie exterminatrice israélienne, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a estimé ce dimanche que le peuple de Ghaza était confronté à un «génocide total».

Il s’exprimait à l’occasion du 59e anniversaire du début de la Révolution palestinienne. Celle-ci a été déclenchée le 1er janvier 1965 par le mouvement Fatah et sa branche armée El Assifa (tempête).

«Aujourd’hui, notre fidèle peuple palestinien est soumis à une guerre de génocide total dans la Bande de Ghaza, en Cisjordanie et à El Qods, dans le but de liquider notre cause nationale», a martelé le président palestinien.

«Une lutte pour la survie»

M. Abbas a insisté sur «la nécessité de mettre fin immédiatement à l’agression qui vise à anéantir le peuple palestinien», avant d’appeler «à accélérer l’entrée de l’aide humanitaire à notre peuple dans la Bande de Ghaza».

L’ampleur des destructions au sein de la Bande de Ghaza est telle que 70% des maisons de l’enclave assiégée ont été pulvérisées par les bombardements incessants du tissu urbain de cette région surpeuplée.

Selon le Wall Street Journal, cité par l’APS, 300 000 habitations sur 439 000 ont été détruites suite aux attaques israéliennes.

A retenir également ce rapport de l’Observatoire euro-méditerranéen pour les droits de l’homme (Euro-Med Monitor), mentionné par l’APS, qui révèle que plus de 200 sites patrimoniaux et archéologiques ont été irrémédiablement saccagés par les bombardements sionistes.

L’organisation décrit ce conflit comme «le plus destructeur de l’histoire moderne». A l’ampleur des morts et des blessés, des disparus, au nombre effarant de déplacés, s’ajoute une autre catastrophe humanitaire d’envergure : la famine aiguë qui touche une grande partie de la population ghazaouie.

«Alors que le compte à rebours pour la nouvelle année est lancé, une course contre la montre est en cours pour éviter un effondrement complet des services de base les plus élémentaires et échapper à la famine qui menace des millions de personnes dans la Bande de Ghaza», a alerté le PAM, le Programme alimentaire mondial, sur le réseau social X. 

De son côté, l’Unrwa a de nouveau mis en garde contre les conséquences désastreuses, sur le plan humanitaire, de l’enlisement du conflit.

Le directeur des affaires de l’Unrwa à Ghaza, Thomas White, a indiqué sur X que «40% de la population de Ghaza sont menacés de famine». «Chaque jour à Ghaza est une lutte pour la survie, pour la recherche de nourriture et d’eau», s’émeut le responsable onusien.

Un ministre israélien pour une «émigration» palestinienne

Le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a appelé hier à un retour de colons juifs à Ghaza, après la guerre en cours, et à «encourager» la population palestinienne à émigrer, au lendemain d’un appel similaire d’un autre ministre d’extrême droite.

«La promotion d’une solution encourageant l’émigration des habitants de Ghaza est nécessaire. C’est une solution correcte, juste, morale, et humaine», a déclaré M. Ben Gvir lors d’une réunion de son parti, selon les propos qu’il a lui-même partagés sur les réseaux sociaux.

«J’en appelle au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères, c’est l’occasion de mettre au point un projet visant à encourager l’émigration des habitants de Ghaza vers d’autres pays du monde», a ajouté le ministre de la Sécurité nationale, cité par l’AFP.

Il a affirmé que le départ de Palestiniens de la Bande de Ghaza, qu’il appelle de ses vœux, ouvrirait aussi la voie au rétablissement de colonies juives dans le territoire palestinien.

Israël a évacué en 2005 son armée et ses quelque 8000 colons de ce territoire palestinien occupé depuis 1967, dans le cadre du plan de retrait unilatéral du Premier ministre d’alors, Ariel Sharon.

«Encourager l’émigration des habitants de Ghaza nous permettra de ramener chez eux les habitants de la zone frontalière et du Goush Katif», l’ancien bloc de colonies à Ghaza, a ajouté M. Ben Gvir.

M. Ben Gvir, chef du parti d’extrême droite Force juive, a été inculpé plus de 50 fois dans sa jeunesse pour «incitation à la violence» ou pour «des discours de haine», et condamné en 2007 pour «soutien à un groupe terroriste» et «incitation au racisme».

Fervent partisan de la colonisation juive en Cisjordanie, il a plaidé à plusieurs reprises pour l’annexion de ce territoire palestinien occupé.

Un autre représentant de l’extrême droite au sein du gouvernement de Benyamin Netanyahu, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, avait lui aussi préconisé dimanche un retour de colons juifs à Ghaza et une émigration de sa population palestinienne.

Réagissant à ces propos, le Hamas a estimé qu’il s’agissait «d’un appel à déplacer deux millions de Palestiniens» hors de la Bande de Ghaza. «C’est un crime de guerre», a affirmé ce mouvement.

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