Guerre commerciale sino-américaine : Une course pour le leadership mondial

12/04/2025 mis à jour: 11:08
981
Le président chinois Xi Jinping, et le président américain Donald Trump

Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald ne jure que par faire plier le géant asiatique. Selon la logique du magna de l’immobilier, il ne doit subsister que la suprématie de l’Amérique sur le monde et pour se faire le rival chinois doit céder. 

L’objectif n’est toutefois pas facile à atteindre car le géant asiatique a encore les moyens de résister. Mais dans ce duel interminable,- et dont le premier acte a été joué au temps du premier mandat de Donald Trump en tant que président des Etats-Unis (2016-2020) et au cours duquel les entreprises chinoises ont été malmenées par l’administration américaine-, on assiste aujourd’hui à un face-à-face particulièrement agressif entre les deux puissances économiques. 

L’annonce dans un premier temps de droits de douane élevés aux partenaires commerciaux des USA, qui a provoqué un véritable choc économique mondial, puis la volte-face de Trump en annonçant la suspension pour 90 jours des nouveaux tarifs douaniers, le jour même de leur application, sauf pour la Chine, a mis sans-dessus-dessous l’économie mondiale en trahissant le caractère fourbe ou joueur du nouveau locataire de la Maison Blanche. Une semaine durant, Donald Trump s’est joué des places boursières, et des partenaires commerciaux des USA comme dans une partie de pokers en prenant le risque de perdre les alliés traditionnels des USA dans sa guerre contre la Chine. « Restez cool » lançait le président américain sur le réseau X alors que les marchés boursiers étaient dans le rouge.

 Contrairement à ce que pourrait faire transparaître l’attitude « sournoise » de Trump, le milliardaire dirigeant de l’Amérique agit en homme d’affaire averti qui sait exactement où il veut aller. Mais dans une partie de poker comme dans les transactions commerciales, il y a toujours une part de risque et de hasard heureux ou malheureux. Alors que les marchés criaient mercredi soir leur désarroi, voila que l’annonce de la suspension pendant 90 jours des tarifs douaniers a fait complètement changer de cap aux places boursière qui ont retrouvé leur vigueur d’avant le « cauchemar des droits de douane ». 

La Chine toutefois écope d’une tarification à hauteur de 125% puis de 145% face aux signes de ripostes qu’elle a affichée en annonçant elle aussi l’application de droits de douane à hauteur de 85% puis 125% aux produits américains franchissant son territoire. Trump s’est donc joué du reste du monde comme dans une partie d’échec pour atteindre l’autre roi chinois ? Selon son ministre des finances Scott Bessent, la stratégie du président américain consistait à « pousser la Chine à la faute ». Est-ce la seule véritable explication de la volte-face du locataire de la Maison Blanche, ou bien a-t-il cédé en constatant la grande panique qui s’est emparée des marchés financiers. La dette américaine a particulièrement été malmenée cette dernière semaine provoquant une méfiance accrue chez les investisseurs. 

Un de ses messages de mercredi dernier a trahi d’ailleurs une volonté de Trump de calmer les esprits face au tollé de critiques que l’offensive protectionniste pouvait encore provoquer sur les marchés, sur l’état d’esprit des investisseurs et sur les craintes d’inflation pour les consommateurs américains. « Il faut être flexible » rassurait le président américain et de suite la bourse de New York a fini par afficher des signes de reprise avec un Dow Jones en hausse de 7,87% (plus forte hausse depuis 2008) et un indice Nasdaq bondit de 12,16% (du jamais vu depuis 2001). 

Les analystes se sont posés la question de savoir si le coup de théâtre de la Maison Blanche, n’était pas une manipulation des marchés et une influence des épargnants puisqu’il a lancé sur son compte Truth en annonçant sa volte-face : « c’est le moment d’acheter ! ». Les entreprises et investisseurs ayant suivi son conseil ont engrangé bien des gains. Après avoir fait de l’espace dans le tumulte provoqué par sa politique douanière, Donald Trump montre sa cible première et principale en visant droit vers Pékin. Xi Jinping, réplique de son côté en organisant à son tour une riposte à la hauteur de l’attaque américaine. 

Le décor pour un duel de Titans est placé 

Le décor pour accueillir un duel de Titans est placé. Après avoir dépêché ses ministres en Arabie Saoudite, en Afrique du Sud, et en Inde, la semaine prochaine, le président chinois se rendra en Malaisie, au Vietnam et au Cambodge pour discuter d’une plus grande coopération commerciale dans la région. Avec l’Union Européenne, la tendance est au dégel des relations avec la perspective de suppression des droits de douanes européens sur les voitures chinoises. 

La guerre commerciale entre l’Amérique et le Monde, devenue duel commercial entre l’Amérique et la Chine ne sera pas sans conséquences sur les deux superpuissances, qui y perdront des plumes si ce n’est plus, et le monde en paiera le prix. « Nous sommes désormais engagés dans une guerre commerciale majeure avec la Chine, et les droits de douane qui lui ont été imposés sont, je dirais, prohibitifs » a déclaré sur CNN, Janet Yallen ancienne secrétaire au Trésor américain. La responsable financière a estimé que cette décision « aura des conséquences considérables sur les Etats-Unis et l’économie mondiale. Personne ne sait où ces politiques nous mèneront ». Les tentatives de Trump de pousser la Chine à la négociation en lui forçant la main semblent ne pas fonctionner cette fois-ci contrairement lors de la pandémie de Covid-19. 

La Chine a de quoi tenir la dragée haute à son adversaire occidental, surtout que les barrières douanières n’auront pas de conséquences directes sur la consommation des ménages chinois, contrairement aux consommateurs américains devant faire face à une inflation quasi inévitable prédisent les analystes économiques. En voulant isoler la Chine, la Maison Blanche a pris le risque de séparer deux économies pourtant très liées. 

La Chine exporte des vêtements, des chaussures, des appareils électroniques dont des IPhones ainsi que d’autres biens de consommations dont bénéficient les consommateurs américains à des prix bon marché. Le commerce avec les Etats-Unis et d’autres pays a contribué à son tour à développer le secteur manufacturier chinois avec des bénéfices très utiles pour les industries de haute technologie et l’armement. C’est d’ailleurs l’argument évoqué par Trump et les faucons anti-chinois, dans leur guerre commerciale accusant le pays asiatique d’avoir profité de l’addiction des consommateurs américains aux produits bon marché.

La Chine impose des restrictions à l’exportation de terres rares, menaçant l’approvisionnement des entreprises IT 

« Si les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine s’essoufflaient, les conséquences seraient douloureuses. Les prix des biens essentiels à la vie américaine pourraient flamber. Cela pourrait alimenter l’inflation, dégrader la qualité de vie de millions de personnes et miner la confiance des consommateurs, ce qui pourrait à son tour faire basculer les Etats-Unis dans la récession » alertent des économistes sur les colonnes de CNN. 

Du côté chinois, une guerre commerciale prolongée nuirait aux petites entreprises, cheville ouvrière de l’économie du pays. Dans l’argumentaire américain « anti-chinois », l’espionnage industriel, les plaintes récurrentes de non-respect à la propriété intellectuelle, sont évoqués pour justifier un durcissement de la politique commerciale. Cette guerre commerciale cache aussi à peine une guerre de fond qui se joue autour du leadership sur les nouvelles technologies artificielles. Une course contre la montre est engagée entre les deux superpuissances pour garantir une première place mondiale dans la fabrication des outils technologies de dernières générations. 

Il n‘est d’ailleurs pas fruit que la Chine ait annoncé dans la foulée des remous sur les droits de douanes, sa décision de contrôle immédiat sur les exportations de terres rares menaçant les chaînes d’approvisionnement des entreprises en matériel IT. Les restrictions chinoises risquent d’augmenter les coûts du matériel et de causer un retard au déploiement des infrastructures de nouvelle génération. 

Les géants de la technologie à l’instar de Dell Technologies, IBM, HP, Apple et d’autres subiront directement les contrecoups de cette décision car la Chine contrôle à elle seule plus de 60% des réserves mondiales en terres rares. Pékin imposera désormais des licences d’exportation pour le samarium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, le lutécium, le scandium et l’yttrium, des composants essentiels dans les systèmes de stockage des centres de données, des équipements de réseaux et des semi-conducteurs.  N.Bouaricha

Copyright 2025 . All Rights Reserved.