Gravure sur métal : Reconnue par l’Unesco mais «peu valorisée» au Maghreb

27/12/2023 mis à jour: 01:33
AFP
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Un artisan tunisien grave un dessin sur une plaque de cuivre dans sa boutique de la médina de Tunis le 7 décembre 2023 photo : dr

La gravure manuelle - sur cuivre, argent ou or - de motifs géométriques, végétaux, astrologiques… a obtenu le prestigieux label onusien début décembre. La candidature de cet artisanat ornant bijoux, ustensiles de cuisine ou objets décoratifs, était portée par dix pays arabes dont Tunisie, Algérie et Maroc. «Cette inscription nous engage à préserver ce savoir-faire exceptionnel», se félicite auprès de l’AFP le Tunisien Imed Soula, l’un des trois experts ayant présenté le dossier. 

Expert en ciselure, Mohamed Amine Htiouich, 37 ans, a appris dès ses 15 ans l’ABC de la gravure sur cuivre avant de passer à l’argent puis l’or, dans l’atelier familial de la médina (vieille ville) de Tunis.

 Dans tout le Maghreb, la gravure sur métal se transmet de père en fils, selon les méthodes traditionnelles. Mais pour s’adapter aux nouvelles demandes, l’artisan a appris la gravure par machine. «Je ne veux pas voir cette tradition disparaître. J’ai peur qu’un jour, il n’y ait plus de relève», s’inquiète M. Htiouich, disposé à former gratuitement des jeunes.

 Dans son atelier du Village de l’artisanat à Denden, dans l'ouest de Tunis, Chiheb Eddine Ben Jabballah, 68 ans, enseigne souvent son art à des femmes désireuses de créer des bijoux ou fabriquer des couffins, avec des ornements en cuivre ciselé. Président de la Chambre nationale des artisans, celui qui a formé des centaines de graveurs en 50 ans de carrière trouve que les stages parfois réduits désormais à trois mois sont trop courts. Il «faut au moins deux ans pour s’initier à toutes les techniques de la gravure», dit-il, regrettant que son métier très riche soit peu valorisé. En Tunisie, la gravure sur métal remonte aux Carthaginois. 

La diversité des techniques actuelles résulte de croisements entre la civilisation islamique, les traditions méditerranéennes, celles de l’héritage berbère et des influences venues d’Orient. Le pays compte encore 439 artisans spécialisés dans la gravure sur métal, selon l’Office national de l’artisanat. Au Maroc, pays très touristique à l’artisanat réputé la majorité des ciseleurs opèrent désormais dans des ateliers modernes. Abdelilah Mounir, vendeur d’objets en cuivre à Fès, l’antique ville impériale, est convaincu que «la reconnaissance octroyée par l’Unesco va aider sur le plan touristique et commercial. 

Au niveau international, c’est une bonne publicité». Selon Mohamed Moumni, bijoutier installé à Salé, près de Rabat, «il y a une forte demande (pour l’artisanat du cuivre) mais le problème c’est la rareté des personnes qui savent travailler. On ne trouve plus d’artisans». Les jeunes peuvent pourtant apprendre les techniques dans des centres de formation auprès d’anciens professionnels.
 

«Pas d'encouragement»

En Libye, pays plongé dans le chaos depuis la chute et la mort de Kadhafi en 2011, les artisans se plaignent, eux, d’un manque d’encouragement. «Le développement de cet artisanat est très limité, c’est la demande seulement qui encourage les artisans, pas les autorités», déplore à l'AFP Youssef Chouchine, un sexagénaire, soulignant que la majorité des anciens artisans ont quitté ce métier peu lucratif. «Pourquoi enseigner cet artisanat à mes enfants ? Pour qu’ils restent à la maison sans rien faire ? La situation n’est pas bonne», ajoute cet artisan, qui a pourtant tenté de transmettre son art à deux ou trois apprentis. En Algérie, malgré une absence d’initiatives publiques, les objets en métal gravé restent très demandés.

Les bijoux en or ou argent ciselé entrent systématiquement dans le trousseau des jeunes mariées, et chaque région a sa spécialité : Tlemcen les parures en or, la Kabylie et les Aurès les bagues, colliers et bracelets d’argent parfois rehaussés de corail. Après avoir eu un coup de cœur pour la gravure dans une minuscule bijouterie, Walid Sellami, créateur de bijoux modernes de 37 ans, n’a pas trouvé de formation et a appris «tout seul pendant deux ans sur internet». 

«C’est un métier magnifique. On n’a pas besoin de parler aux gens pour vendre. Ils peuvent voir par eux-mêmes le bijou», dit le jeune homme au look stylé, estimant que dans son quotidien, le label Unesco «ne change pas grand chose». Par contre, il serait «fier» que la gravure, qui englobe plein d’autres métiers, soit  davantage reconnue au sein de la région.

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