Tout porte à croire que l’opinion publique occidentale est en train de basculer en faveur des Palestiniens, après sept mois d’une campagne militaire dévastatrice. Et cet élan est porté par la jeunesse, comme en témoigne l’embrasement spectaculaire des campus américains en soutien à Ghaza, suivis par les universités européennes, notamment en France, où les comités pro-palestiniens de Sciences Po Paris et de la Sorbonne ont emboîté le pas aux insurgés de les universités Columbia et UCLA.
La mobilisation exceptionnelle en soutien au peuple palestinien que connaissent les campus américains depuis plus de dix jours et qui a provoqué un effet de contagion en Europe, notamment en France, confirme l’élan d’empathie de plus en plus important des opinions publiques occidentales vis-à-vis de la population civile de Ghaza et de la question palestinienne de manière générale.
De fait, au bout de près de sept mois d’une guerre féroce contre la bande de Ghaza, qui a viré à la campagne d’extermination, faisant près de 35 000 morts et 78 000 blessés, force est de constater que les sociétés civiles occidentales ont devancé leurs gouvernements dans la dénonciation des pratiques génocidaires des forces d’occupation sionistes et dans la reconnaissance du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
En vérité, dès les premières semaines de l’offensive dévastatrice israélienne, on a vu se multiplier les gestes et les actions de solidarité envers les Ghazaouis. Quasiment tous les week-ends, des marches et des manifestations sont organisées dans les principales capitales occidentales : Londres, Paris, Madrid, Berlin, New York…
Concerts, meetings, dons, expos, livres, conférences… s’enchaînent. On a vu également les festivals de cinéma se transformer en tribunes pour réclamer un cessez-le-feu à Ghaza et fustiger la machine de mort de l’Etat hébreu.
Sans parler des nombreuses associations et ONG investies sur le terrain, au milieu des bombes, à Ghaza, à l’image de l’ONG américaine World Central Kitchen qui distribue des milliers de repas aux Palestiniens chaque jour dans l’enclave assiégée, et dont sept membres ont été décimés par un raid criminel le 2 avril. Malgré l’ampleur de la tragédie qui l’a frappée, l’ONG du chef José Andrés a annoncé ce lundi qu’elle reprenait son action caritative à Ghaza.
«Intifada» des campus
Nous le disions : depuis quelques jours, la solidarité avec la Palestine a pris un tour autrement plus spectaculaire aux Etats-Unis avec cette «intifada» des campus. C’est le cas de la prestigieuse université Columbia à New York, ou encore UCLA à Los Angeles. Comme le montrent les images impressionnantes qui nous viennent des USA, les actions de protestation déclenchées dans les campus américains ont été sévèrement réprimées par les forces de l’ordre au point de susciter l’indignation de l’ONU.
Cela rappelle les manifs contre la guerre du Vietnam dans les années 1970. «Le 18 avril, des étudiants pro-palestiniens de l’université Columbia ont lancé une occupation des pelouses du campus pour demander à la direction de l’établissement de couper ses relations avec des entreprises qui ont des liens avec Israël. La police a procédé à l’interpellation d’au moins 108 étudiants de la prestigieuse université new-yorkaise lors de manifestations de solidarité avec Ghaza», rapporte l’agence Anadolu.
Et d’ajouter : «Plus tard, les manifestations estudiantines pro-palestiniennes se sont étendues à d’autres grandes universités des Etats-Unis, dont l’université de New York, l’université de Yale, le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l’université de Caroline du Nord.» «La vague de protestation sans précédent aux Etats-Unis, poursuit la même source, a touché par la suite les universités européennes, notamment en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, au Canada ou encore en Inde, qui ont été le théâtre de manifestations de soutien à leurs homologues des universités américaines et exigeant la fin de la guerre à Ghaza et le boycott des entreprises qui livrent des armes à Israël.»
Fer de lance des protestations étudiantes aux USA, l’université Columbia a connu une soirée très agitée mardi soir. Vers 21h30, la police a donné l’assaut contre les étudiants pro-palestiniens, à la demande de la direction, afin de libérer un bâtiment qu'ils occupaient.
«La police de New York a arrêté mardi soir des dizaines de manifestants pro-palestiniens retranchés dans un bâtiment universitaire sur le campus de l’université Columbia et a évacué un campement de protestation que l’établissement, membre de l’Ivy League (groupe de huit universités privées du nord-est des Etats-Unis, ndlr), cherchait à démanteler depuis près de deux semaines», rapporte l’agence Reuters.
Et de préciser : «Peu de temps après l’arrivée de la police, la présidente de l’université Columbia, Minouche Shafik, a publié une lettre dans laquelle elle demandait à la police de rester sur le campus au moins jusqu’au 17 mai pour maintenir l’ordre et garantir que les campements ne soient pas rétablis.»
Le bâtiment ciblé par l’assaut de la police s’appelle le «Hamilton Hall» et les étudiants insurgés l’ont rebaptisé «Hind’s Hall» en hommage à une fillette palestinienne de six ans tuée à Ghaza. «En trois heures, le campus a été vidé de tous les manifestants», note Reuters. «La police a été vue en train de charger des dizaines de détenus dans un bus, chacun avec les mains liées derrière le dos par des attaches, la scène entière étant éclairée par les feux clignotants rouges et bleus des véhicules de police.»
Sciences Po Paris et La Sorbonne
La foule massée à l’extérieur scandait : «Free, free, free Palestine !» «Columbia sera fière de ces étudiants dans cinq ans», déclare à Reuters Sueda Polat, l’une des figures de Columbia University Apartheid Divest, la coalition estudiantine qui a organisé cette action. «Les manifestants avaient trois revendications : le désinvestissement des entreprises soutenant le gouvernement israélien, une plus grande transparence dans les finances des universités et une amnistie pour les étudiants et les professeurs arrêtés lors des manifestations», explique Reuters.
En Californie, des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à hier lors d’un rassemblement pro-palestinien sur le campus de l’université UCLA (acronyme de University of California, Los Angeles). «A la demande d’UCLA, en raison de nombreux actes de violence commis dans le campement à l’intérieur du campus, le LAPD intervient pour assister la police de l’université et restaurer l’ordre et la sécurité», a annoncé la police Los Angeles sur le réseau X. Selon l’AFP, «des étudiants pro-palestiniens ont érigé un campement en plein cœur du campus de l'UCLA, sur une pelouse entourée de barricades».
A l’université Brown, à Providence (Rhode Island), un accord a été conclu avec des étudiants pro-palestiniens. «La présidente de Brown University, Christina Paxson, s’est réjouie dans un communiqué du démantèlement d’un ''campement'' d’étudiants et de militants pro-palestiniens en échange de la promesse que le conseil d’administration de l’université se prononcera sur d’éventuels ''désinvestissements de sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Ghaza''», indique l’APS.
En France, des manifestations similaires ont embrasé plusieurs campus. Cela a commencé le 24 avril avec Sciences Po Paris avant de gagner la Sorbonne et d’autres campus en France. «Les mobilisations des étudiants pour un cessez-le-feu à Ghaza se multiplient en France», titrait un article du monde.fr ce mardi.
«La majorité des instituts d’études politiques ont été touchés par des rassemblements et des blocages mardi 30 avril, tandis que Sciences Po Paris prépare un grand débat, jeudi 2 mai (aujourd'hui, ndlr), sur la question israélo-palestinienne», précise l’article.
«Depuis l’installation du premier campement dans la cour intérieure de Sciences Po Paris, mercredi 24 avril − évacué dans la nuit par les CRS −, et en écho au mouvement en cours à l’université Columbia, dans l’Etat de New York, le mouvement de soutien au peuple ghazaoui a pris de l’ampleur, bien que circonscrit essentiellement aux IEP et à quelques universités», nous apprend le site du Monde.
«L’un des campus délocalisés de Sciences Po Paris, situé à Menton (Alpes-Maritimes), a été occupé jusqu’au petit matin, mardi, par une trentaine d’étudiants qui avaient orné la façade d’un drapeau palestinien», ajoute le média français.
«Stop Arming Israel»
Et de citer un communiqué des étudiants réunis en assemblée générale à Menton, où on peut lire : «Nous souhaitons que Sciences Po utilise la rhétorique de la Cour internationale de justice (qui a demandé à Israël, à la fin de janvier, d’empêcher d’éventuels actes de génocide) et de l’ONU, mette fin à la double approche dont nous sommes témoins concernant (d’une part) la guerre Ukraine-Russie (et, d’autre part, la guerre menée par Israël contre Ghaza) et prenne une position ferme sur toutes les discriminations et pressions auxquelles sont confrontés les étudiants.»
La Sorbonne a connu elle aussi la même mobilisation. «A l’appel de la coordination des comités de soutien à la Palestine de Sorbonne Université et de Paris-I Panthéon-Sorbonne, soutenue par les syndicats l’Union étudiante et Alternative Paris 1, une centaine d’étudiants – selon les organisateurs – avaient déployé une quarantaine de tentes dans la cour de la Sorbonne, propriété du rectorat de Paris», indique Le Monde. Mais «à peine monté, (ce campement) a été délogé par les forces de l’ordre, lundi 29 avril, en début d’après-midi, à la demande du Premier ministre, Gabriel Attal».
La cause palestinienne s’est par ailleurs invitée hier dans les défilés du 1er Mai, à l’occasion de la Fête du travail. En France, le drapeau palestinien était fièrement brandi dans plusieurs marches.
A Besançon, le «cortège est marqué par la forte présence de France Palestine Solidarité», note France Bleu, citée par l’agence Anadolu. L’une des banderoles déployées disait : «Ghaza Halte au massacre». «Nous sommes tous des Palestiniens», ont scandé des manifestants à Nice.
A Londres, des centaines de travailleurs ont encerclé hier le siège du ministère du Commerce international anglais pour protester contre le fait que ce département du gouvernement britannique continue à accorder des autorisations de vente d’armes à Israël malgré ses crimes de masse à Ghaza, selon Al Jazeera. Sur une banderole brandie au cours de cette action, il était écrit : «Stop arming Israel».
Aux Etats-Unis, «plus de 90 avocats ont appelé l’administration du président Joe Biden à arrêter les exportations d’armes vers Israël», affirme l’agence Anadolu. «Les avocats ont mis en avant des sondages d’opinion montrant qu’une majorité des partisans de Biden soutiennent une interdiction des exportations d’armes vers Israël», souligne l’agence turque.