Plus d’un demi-million de Ghazaouis «sont à un pas de la famine», ont averti les organisations humanitaires onusiennes, lors d’une session ordinaire du Conseil de sécurité de l’Onu, consacrée à cette redoutable arme de guerre, qu’est la famine, utilisée par Israël à Ghaza.
Qualifiée de «désastreuse», la situation humanitaire à Ghaza, où, selon des responsables de l’Onu, «la quasi-totalité» de la population est «obligée» de compter sur «une aide alimentaire humanitaire terriblement insuffisante pour survivre» et risque «d’empirer» dans les jours à venir «si rien n’est fait d’ici là ».
C’est ce qu’a déclaré, mardi dernier, devant le Conseil de sécurité à l’Onu, Ramesh Rajasingham, chef adjoint de l’Ocha (Bureau de la coordination des affaires humanitaires), en affirmant que plus d’un demi-million de Ghazaouis sont «à un pas de la famine».
Diffusées en boucles, les images de nourrissons et de bébés prématurés au corps anormalement amaigri, ou encore celles d’enfants affamés se nourrissant d’herbes et d’aliments de bétail, mais aussi d’adultes qui lancent des cris de douleur pour n’avoir pas trouvé quoi donner à manger à leurs progénitures depuis des jours.
Durant cette semaine, au moins quatre personnes sont mortes de famine, alors que le ministère de la Santé palestinien a annoncé, mardi dernier, le décès de deux nourrissons à l’hôpital Kamel Adwan, au nord de Ghaza, «à cause de la malnutrition et la soif», qui, selon le communiqué du même département, «menace la vie de milliers d’enfants et de femmes enceintes».
Le ministère a exhorté les institutions onusiennes, «qui ont la responsabilité morale et professionnelle d’assurer la protection des enfants et des femmes, de mettre en place des dispositifs de lutte contre la famine», avant d’appeler à «l’arrêt du génocide commis par les forces israéliennes à travers la famine et les pandémies».
Devant les membres du Conseil de sécurité de l’Onu, le responsable de l’Ocha, a clairement averti que «les opérations militaires, l’insécurité et les restrictions étendues sur l’entrée et la livraison des biens essentiels ont décimé la production alimentaires et l’agriculture».
«46,2% des terres cultivées endommagées»
Il va plus loin en déclarant que «les risques sécuritaires restent un obstacle important, comme en témoigne le bombardement, le 20 février, de la maison d’hôtes de Médecins Sans Frontières à Al Mawasi», avant de rappeler les «161 travailleurs humanitaires tués» lors des bombardements par Israël.
Intervenant par visioconférence à partir de Genève, Carl Skau, directeur exécutif adjoint et chef des opérations du PAM (Programme alimentaire mondial), a rappelé la mise en garde du Comité d’examen de la famine, «contre une réelle perspective de famine d’ici le mois de mai prochain, avec un demi-million de personnes en danger, si la menace se matérialise».
Pour le responsable, le PAM a «besoin d’un environnement opérationnel sûr et fonctionnel pour le personnel humanitaire, de l’ouverture du port d’Ashdod et du passage de Karni, d’un système de notification humanitaire fonctionnel et d’un réseau de communication stable», mais, a-t-il souligné, «si rien ne change, une famine est imminente dans le nord de Ghaza (…)».
Abondant dans le même sens, le directeur adjoint de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), Maurizio Martina, a décrit une situation chaotique à Ghaza, où, a-t-il déclaré, «au moins 378 000 de ses habitants connaissent la plus grave phase d’insécurité alimentaire aiguë, marquée par la famine, des seuils critiques de malnutrition aiguë et des niveaux élevés de surmortalité».
Le haut fonctionnaire a ainsi déclaré que l’ensemble de la population de Ghaza, soit environ 2,2 millions d’habitants, est en crise. «C’est le pourcentage le plus élevé de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aussi aiguë jamais classifiée», a-t-il averti.
Selon le Maurizio Martina, au 15 février dernier, «46,2% de toutes les terres cultivées étaient estimées endommagées, les infrastructures agricoles totalement dévastées, des niveaux de destruction les plus élevés incluant les fermes ovines et laitières». Le responsable a expliqué que «plus d’un quart des puits ont été détruits, notamment dans le nord de Ghaza et dans la ville de Ghaza, et 339 hectares de serres ont été détruits, les plus gravement dans la ville de Ghaza, le nord de Ghaza et à Khan Younès».
Les membres du Conseil de sécurité étaient unanimes à qualifier la situation humanitaire de désastre, la majorité a réclamé la nécessité d’un cessez-le-feu, «la seule condition» qui garantit, ont-ils soutenu, l’accès de l’aide humanitaire à la population.
Tout en évoquant «une situation alarmante» et «un traitement inhumain» infligé par l’autorité occupante, l’Algérie a regretté que «les efforts de la communauté humanitaire et du Conseil de sécurité n’aient pas amélioré la situation à Ghaza, où les habitants font face à un dilemme épouvantable : choisir entre la menace immédiate de mourir sous les bombardements ou faire face à une mort atroce due à la famine».
Dans son discours, l’ambassadeur algérien a accusé «Israël d’utiliser, de manière délibérée, la famine comme arme de guerre, visant à pousser la population de Ghaza à la violence et à une rupture de l’ordre public».
Le diplomate a exhorté le Conseil de sécurité «à demander en urgence un cessez-le-feu», et a averti que son «inaction équivaut à une complicité dans ce crime».
Pour la Russie, la «note blanche» émise par les travailleurs humanitaires de l’Onu, est «effrayante», si, a-t-il expliqué, l’on prend en compte «la situation de deux millions de civils souffrant d’insécurité alimentaire et de 200 000 autres qui sont à un pas de la mort à cause de la famine grave qui s’est répandue à Ghaza atteignant le niveau le plus élevé au monde».
Il a rappelé l’interdiction d’utilisation de la famine comme méthode de guerre et appelé à un cessez-le-feu pour éviter la famine à Ghaza et soulager les souffrances de sa population, avant de clamer : «Il est temps d’imposer des sanctions à Israël.» Le débat n’a pour l’instant pas abouti à une résolution, mais la famine quant à elle continue à s’étendre à Ghaza, menaçant de mort plus d’un demi-million de civils.