Les Palestiniens de Ghaza, mais aussi ceux de Cisjordanie, ont dû mourir par milliers en quelques semaines pour voir et entendre, enfin, le gotha diplomatique mondial s’intéresser à leur histoire et à l’injustice violente qui les frappe depuis plus de 70 ans.
Mourir en masse et dans quelles conditions : déchiquetés sous les bombardements, avec ce lot effroyable de gamins et de fillettes tués, jamais égalé en temps de guerre, crever de faim et boire de l’eau de mer, laisser se décomposer les dépouilles de proches durant des jours et des semaines dans les rues ou sous les amas de béton, faute de pouvoir les enterrer…
Les opinions publiques, choquées par les flots d’images que permettent désormais les puissants réseaux sociaux de diffusion, semblent avoir ébranlé le froid des cénacles politiques, remis en doute leurs plans et leurs partitions d’intérêts pour les amener à reconsidérer leurs grilles figées de positions.
En l’espace de quelques semaines, le concert funeste des «soutiens inconditionnels» d’Israël a dû changer de discours et de cap sous peine de creuser des fractures, politiques en interne et géopolitiques au plan international. Washington, tuteur historique assumé de Tel-Aviv, a vu les consensus au sein de l’establishment américain connaître de sérieuses lézardes suite à son alignement sans nuances derrière l’expédition meurtrière de son protégé.
Joe Biden a vu monter des alertes de son propre corps diplomatique quant aux conséquences d’une telle caution aux exactions criminelles de l’armée israélienne sur l’influence des States au Moyen-Orient, et plus largement dans le monde arabe. La représentante de la Maison- Blanche à l'ONU a d'ailleurs déclaré hier que «seule la solution politique à deux Etats pouvait garantir la sécurité dans la région».
L’Europe, s’étant précipitée au tout début de la guerre pour témoigner de son soutien actif à «la démocratie israélienne» et à son compulsif «droit de se défendre», a été également obligée de revoir sa copie depuis. La présidente de la Commission européenne, qui a fait jubiler un Netanyahu en difficulté par ses déclarations de franc appui à Tel-Aviv, vient de se fendre d’un tout autre propos à l’issue de la prolongation de la trêve à Ghaza.
Exprimant «sa profonde gratitude à tous ceux qui ont contribué à parvenir à cet accord par la voie diplomatique», Ursula von der Leyen trouve que «cet accord ouvre une plus grande fenêtre d'espoir, car davantage de civils à Ghaza auront accès à une aide vitale». Josep Borrell, le diplomate en chef de l’UE, va plus loin et parie sur des horizons politiques au conflit.
Estimant que la trêve était un pas important qu’il faut consolider, il soutient que cette suspension des hostilités doit être durable pour permettre d’œuvrer à une solution politique. «Une solution politique qui puisse nous permettre de briser le cycle de la violence, une bonne fois pour toutes», a-t-il développé, ajoutant qu'«il n'y aura pas de paix ni de sécurité pour Israël sans Etat palestinien».
En somme, la substance de la position, toutes ces dernières décennies, défendue par la société et les politiques palestiniens ainsi que par les diplomaties qui soutiennent leur cause. Les lignes bougent donc mais il faudra sans doute se garder de trop vite y voir un quelconque début de retour aux fondamentaux du droit international et une remise en question de la règle de «géométrie variable» qui préside aux jeux des dominations géopolitiques.
L’immense sacrifice consenti par les Palestiniens de Ghaza et leur courage jusqu’ici ont imposé aux puissants du monde de les regarder en face et de faire cesser la barbarie. Ou de s’assumer criminels pour la postérité.