Géologie (université Oran 2) : Un cratère météoritique de 12 km de diamètre découvert dans le centre du Sahara algérien

18/08/2022 mis à jour: 19:28
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Une importante découverte géologique vient d’être annoncée par l’équipe de chercheurs que dirige le professeur Mohamed Mahboubi de l’université Oran 2 (Laboratoire de paléontologie). Il s’agit d’un grand cratère d’une douzaine de km de diamètre issu d’un impact météoritique qui s’est produit, il y a quelques dizaines de millions d’années au centre du Sahara algérien actuel.

Des cratères de cette importance, on en avait identifié quatre sur le territoire national, mais celui-ci est de loin le plus grand car son diamètre représente tout simplement le double de celui de Tin Bider (6 km). Toujours à titre de comparaison, le diamètre du cratère de Ouarkziz n’est que de 3,5 km. Les deux autres «astroblèmes» (terme également utilisé dans le jargon scientifique des géologues), considérés comme étant de type simple sont encore plus petits avec 1,75 km pour Talemzane et seulement 0,5 km pour Amguid.

Au sujet de la découverte, le Pr Mahboubi rappelle que c’est un travail de longue haleine car «pour prouver qu’il s’agit d’un impact météoritique, il faut apporter des preuves en tenant compte de plusieurs paramètres, d’où également tout le travail effectué en aval dans le laboratoire de géologie de l’université Oran 2 pour analyser les échantillons de roches prélevés sur le site».

Dans le cadre de ses fonctions en tant qu’universitaire et chercheur, Mohamed Mahboubi a l’habitude de sillonner les grands espaces du sud du pays mais c’est en septembre 2017 que son équipe et lui ont repéré, indique-t-il, une morphostructure circulaire assez particulière pour attirer l’attention et c’était sur la base d’une image satellitaire.

«J’ai l’habitude, explique-t-il, d’utiliser ‘‘Google Earth’’ pour m’aider à tracer des itinéraires géologiques et cette fois c’était pour traverser la partie orientale du plateau de Tademait entre la partie moyenne de l’oued Mya et l’amont de l’oued Tabaloulet.» Dans un premier temps, des travaux d’investigation ont été menés sur site pour analyser la structure d’ensemble du cratère caractérisé, note-t-on, par «l’existence d’une zone centrale (piton central) ceinturée par une dépression et, à l’extérieur, d’une série d’anneaux».

La forme en elle-même est typique d’un cratère météoritique de type complexe. «Les analyses du laboratoire vont confirmer les hypothèses émises en montrant la présence d’une ‘bréchification’ intense ainsi qu’un métamorphisme de choc décelé dans le quartz», ajoute-t-on.

La brèche est une roche de la famille des conglomérats issus de la détérioration mécanique d’autres roches et peut avoir plusieurs origines, dont un impact météoritique mais, précisent les chercheurs, «c’est la présence de quartz choqué dans plusieurs échantillons prélevés sur le site qui témoigne de la grande intensité du choc», le quartz étant l’un des minéraux les plus durs (7/10 sur l’échelle de Mohs).

Entre - 145 et - 66 millions d’années

Concernant l’âge de ce dernier astroblème identifié en Algérie, l’équipe se base sur la datation des roches cibles remontant au Crétacé, une ère géologique comprise entre moins 145 et moins 66 millions d’années, soit celle précédant la disparition des dinosaures. «Cet impact, estime-t-on en conséquence, est probablement post Maastrichtien Inférieur, donc moins de 70 millions d’années».

C’est le même âge qui a été proposé pour les deux autres cratères complexes identifiés en Algérie et cités plus haut. Les premiers résultats de ce travail de recherche seront publiés dans le prochain numéro du «Bulletin du Service Géologique de l’Algérie». L’article à paraître dans ce périodique contient tous les détails concernant cette découverte à laquelle ont contribué des chercheurs géologues des universités de Tlemcen d’El Bayadh et de Tindouf.

En fonction de sa taille, un astéroïde qui pénètre l’atmosphère de la Terre se consume et le phénomène de la boule de feu produite est appelé météore et les débris qui atteignent la surface sont appelés météorites. Si le cratère de près de 1,5 km de diamètre de l’Arizona au Etats Unis est bien visible encore aujourd’hui c’est qu’il ne date que de 50 000 ans.

On imagine bien que ceux qui datent de plusieurs millions d’années sont difficiles à identifier directement à cause de l’érosion, des aléas climatiques, etc. On estime que l’objet qui a percuté le sol américain devait avoir à l’origine une masse de 300 000 kg et qu’il en aurait perdu la moitié en pénétrant dans l’atmosphère.

C’est sans commune mesure alors la taille du météorite qui a occasionné la formation d’un cratère de 12 km à Tabaloulat. C’est par ailleurs ce toponyme qui a été choisi pour le dénommer, mais c’est aussi en souvenir d’une première mission de terrain effectuée vers la fin des années 1980 et dans cette même région par le Pr Mahboubi. Celui-ci ne compte certes pas s’arrêter-là, mais cette découverte représente en quelque sorte le couronnement de toute une carrière dédiée à la science géologique.

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