Générale de la pièce Halaq ichbilia au 16e Festival national du théâtre professionnel d’Alger : Et si Beaumarchais aimait le malouf d’Annaba !

30/12/2023 mis à jour: 05:26
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Boukhari Hebbal a voulu célébrer l’amour et la jeunesse dans la pièce Halaq Ichbilia, d’après Le barbier de Séville du dramaturge français Pierre-Augustin de Beaumarchais

La générale de cette pièce, produite par le Théâtre régional Azzedine Medjoubi d’Annaba, a été donnée, dans la soirée du jeudi 28 décembre, au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi à Alger (TNA), à la faveur de la compétition du 16e Festival national du théâtre professionnel (FNTP) qui se poursuivra jusqu’au 31 décembre. 

Traduite par Saïda Fassi, le spectacle est compacté en 75 minutes, la pièce originale, présentée la première fois en 1775, compte quatre actes. Le conte Almaviva (Oussama Djerourou) se rend à Séville pour espérer rencontrer Rosine (Hadjer Guermit) la fille qu’il aime, rencontrée à Madrid, quelques mois plutôt. Mais Rosine, une orpheline, n’est pas libre. Elle est sous l’emprise de son tuteur, Bartholo (Mohamed Chérif Oudini), jaloux et qui entend l’épouser. 

Comment faire pour que le conte rencontre Rosine ? Almaviva s’allie avec Figaro (Attef Karim), son ancien valet, un musicien aussi, pour contourner la vigilance de Bartholo. Rosine jette du balcon le texte d’une chanson que Almaviva récupère. 

Le conte, qui se cache sous le nom de Lindor, un étudiant, va donc monter un stratagème pour «libérer» Rosine des mains de Bartholo, aidé par Figaro, un persifleur avisé. Bartholo, qui se rend compte de la ruse et découvre une lettre de Rosine, fait appel à Don Bazile (Nizar Sahnoun) pour arranger son mariage avec Rosine en accélérant la procédure. Figaro informe Rosine du projet de son tuteur, commence alors un plan. Figaro retourne le notaire (Nabil Rahmani) pour qu’il officialise le mariage de Rosine avec le conte. Quand Bartholo arrive, c’était trop tard. Le piège s’est refermé sur le tuteur malintentionné.
 

«Nous avons veillé plusieurs nuits...»

Le spectacle est aéré par des danses, conçues par Toufik Kara et exécutées par Chaïma Ziad, Farida Bahmed, Mohamed Hadri et Zakaria Zeroual, pour compléter le récit. Des chansons, interprétées par Kamel Benani, densifient les dialogues et expriment les états d’âme changeant des personnages. «Nous avons veillé plusieurs nuits pour préparer les chansons du spectacle en puisant dans le malouf annabi et la flamenco», a confié le metteur en scène, lors du débat qui a suivi la représentation. Kamel Benani a rappelé que le malouf vient de l’école musicale arabo-andalouse de Séville, Ichbilia. Donc, le lien est bien établi. 

Mohamed Lakhdar Mansouri, enseignant universitaire, a rappelé, lors du même débat, que Boukhari Hebbal est un des plus importants scénographes en Algérie, spécialisé notamment dans la conception des costumes. Dans Halq ichbilia, le scénographe s’est amusé en donnant des couleurs éclatantes aux costumes de ses personnages, du bleu klein pour Barthelo, du brique pour Don Bazil, du brun pour Figaro, du vert clair pour Le conte, du jaune poussin pour Rosine, du violet sombre pour le notaire... les danseurs ont été également habillés avec des couleurs vives, rouges, roses et oranges, pour intensifier encore plus le spectacle. Un spectacle inévitablement contemporain malgré un texte classique.  

L’éclairage et ses nuances de tons ont été utilisés avec soin par le metteur en scène pour meubler la scène et surmonter les contraintes connues du théâtre classique avec des décors souvent immobiles avec l’unité du lieu. Dans la pièce, il s’agit de la maison de Bartholo et d’une rue pour la première face, et de l’intérieur de la même maison, de l’autre.  
 

De jeunes comédiens se distinguent sur scène

Boukhari Hebbal a fait appel dans sa distribution  à de jeunes comédiens. Par exemple, Oussama Djerourou, 27 ans, est monté pour la première fois de sa vie sur scène. «Au casting, j’ai remarqué qu’il avait une belle voix. Dans le spectacle, le conte devait chanter. Oussama m’a chanté du malouf, un peu de flamenco. Je l’ai pris pour le spectacle surtout qu’il a de l’allure en étant sur scène», a expliqué le metteur en scène. Mohamed Chérif Oudini ou Black, qui s’est fait connaître sur les réseaux sociaux par «Kémia Laouzi», s’est éclaté sur scène, aidé par une voix imposante d’un chanteur rock.
 

Il a même interprété une petite chanson d’amour en usant d’un ton bluesy. 

Sahnoun Nizar s’est, lui, bien adapté aux manières et à la gestuelle gracile de Don Bazil, un homme raffiné et roublard, en usant d’un français chatié et, en perdant à un moment donné la boussole, se met à fredonner Salah ya Salah, la célèbre chanson de Theldja, un manière d’algérianiser le spectacle. L’amour fait des miracles. Almaviva, qui est d’une classe supérieure, s’est déguisé pour rencontrer Rosine. Le théâtre algérien a besoin de ce genre de spectacles. «Aujourd’hui, on philosophe trop sur scène. J’ai proposé une simple comédie. 

Une histoire d’amour légère. Un peu de musique, de la danse. Le théâtre, c’est un catharsis. On a besoin de respirer. J’ai toujours voulu mettre en scène Le barbier de Séville depuis que j’étais à l’institut  (ex-INADC, Institut national des arts dramatiques et chorégraphiques)», a confié Boukhari Hebbal. 

Il a précisé avoir maintenu la structure de la pièce de Beaumarchais dans l’adaptation d’après un canevas. «Cela fait dix ans que j’ai proposé ce texte. Il a fait le tour des théâtres régionaux, Mostaganem, Annaba, Tizi Ouzou. Cette fois-ci, Mehdi Rizi, directeur du Théâtre régional d’Annaba, a accepté de le produire. J’ai beaucoup travaillé à Annaba, avec les Djamel Hamouda, Ali Braoui, Djamel Marir et Sonia. Je connais bien la ville. Ce spectacle était aussi une formation pour les jeunes comédiens. Le théâtre d’Annaba a besoin de sang neuf. Je ne dis pas que je suis un grand metteur en scène. Le peu que j’ai appris, j’ai essayé de l’exploiter dans ce spectacle», a confié Boukhari Hebbal.

Il a plaidé pour un retour, de temps à autre, au théâtre classique en Algérie pour que les étudiants en arts dramatiques aient aussi des références. «A ses débuts, le théâtre algérien, avec Mustapha Kateb notamment, a touché au théâtre classique, avec Molière. Dans son théâtre, Beaumarchais a donné une profondeur psychologique à ses personnages», a-t-il noté.

Plaidoyer pour un retour au théâtre classique

Le public, venu nombreux, a fortement applaudi le spectacle à la fin. Boukhari Hebbal a fait le choix de faire monter Kamel Benani sur scène pour chanter au milieu des comédiens. Une nouvelle expérience pour le chanteur, le digne héritier du maître Hamdi Benani, salué par les participants au débat sur la pièce. 

Le Barbier de Séville, pour rappel, a été adapté à l’opéra par le compositeur italien Gioachino Rossini, vers 1816. Cette composition est plus célèbre que celle de l’autre Italien, Giovanni Paisiello, écrite en 1782, sous le titre Il barbiere di Siviglia, ovvero La precauzione inutile. Jeudi 28 décembre, Safar de Haroun Kilani, une autre pièce en compétition, a été présentée dans l’après-midi. C’était également une générale pour ce spectacle, première production du Théâtre régional de Laghouat.  
Hicham Farès

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