Sur sa petite barque, et avec le poisson qu’il vient de remonter de son filet, César Melgarejo, pêcheur artisanal de Lima, prépare un ceviche, le plat emblématique du Pérou inscrit mercredi dernier au patrimoine immatériel de l’humanité.
Sous un soleil de plomb, le pêcheur de 55 ans, casquette sur la tête, fait mariner quelques morceaux de poisson dans du jus de citron vert, du sel, des piments et de la coriandre. «ça, c’est une tradition pour nous», dit-il fièrement en montrant sa préparation, tandis que sa petite embarcation est ballotée par les flots au large de la capitale péruvienne.
«Le ceviche est notre nourriture depuis des temps immémoriaux», souligne à ses côtés Edwin Irupailla, 52 ans, un bonnet sur la tête portant l’inscription «Ceviche péruvien». «Le ceviche c’est ce qui nous coupe la faim, c’est pour tromper l’estomac.
Ce sont des protéines qui nous nourrissent et nous aident dans notre travail quotidien», explique cet autre pêcheur artisanal. Le ceviche, au centre de la gastronomie péruvienne, est préparé sur la côte avec des espèces du Pacifique, dans les montagnes avec des truites des rivières et des lacs, et dans la forêt tropicale avec du paiche (plus gros poisson d’eau douce d’Amérique du Sud également appelé arapaïma ou pirarucu) ou du tilapia, qui prolifèrent dans les lagunes.
«Le ceviche est un plat irrésistible. Vous parlez de ceviche et votre palais vous dit vouloir en gouter», s’amuse le chef Roberto Madrid après avoir préparé dans son restaurant de la capitale un ceviche avec de la chair de bar accompagné d’oignons, patates douces et maïs.
«C’est un plat qui représente tout le Pérou, car il y a le travail des agriculteurs, depuis le semis du maïs, de la patate douce, du piment, de la coriandre, du citron, et aussi celui des pisciculteurs et des pêcheurs artisanaux», souligne le chef de 42 ans. En 2004, le plat de poisson cru a été déclaré patrimoine culturel national au Pérou, seul pays où il est reconnu de la sorte.
Chaque 28 juin, on y célèbre la journée du ceviche. Les anthropologues affirment qu’il a commencé à être consommé au Pérou il y a près de 2000 ans. A l’époque de la culture précolombienne Moche, une civilisation née dans le nord du Pérou, le poisson était mariné dans du tumbo, un agrume. Le mot ceviche vient de «siwichi», qui signifie poisson frais en quechua. Selon les chiffres officiels, plus de 40 millions de plats de ceviche sont consommés chaque mois dans le pays. Selon le chef renommé Javier Vargas, président de l’Association des restaurants de produits de la mer du Pérou, il existe dans le pays mille façons de le préparer. «Je mange du ceviche pendant deux ou trois jours parce que c’est délicieux.
C’est la chose la plus savoureuse qui soit, la plus fraîche», assure Luisa Uribe, 70 ans, en faisant la queue pour en acheter une portion sur un marché de la capitale. «Le ceviche est le plat phare du Pérou, c’est une source de fierté», dit James Placencia, 41 ans, qui assure manger tous les jours un ceviche dans un petit restaurant en plein air de Lima.