Le conflit soudanais se dirige fatalement vers un huis clos. Alors que les caméras désertent les unes après les autres les rues de Khartoum et la campagne du Darfour, la population se retrouve seule entre les feux de la guerre des généraux que se livrent depuis avril l’armée dirigée par Abdel Fattah al Burhan et les insurgés des FSR menés par Mohamed Hamdan Dogolo.
Attirant d’abord tous les projecteurs de l’actualité, la guerre au Soudan est aujourd’hui supplantée par le conflit au Niger et les «unes» de l’information dominées par le choc entre l’Occident et le reste du monde qui se joue notamment à travers la guerre en Ukraine, et le dynamisme des Brics.
La guerre au Soudan, n’étant pas déterminante sur l’échiquier géopolitique mondial, se fait oublier, on dirait, malgré le drame humanitaire. Un drame que vient de nous rappeler le rapport rendu public vendredi par les instances de l’ONU sur la situation humanitaire dans ce pays de 45 millions d’habitants. La publication s’apparente à un SOS lancé justement pour rappeler au monde que le Soudan brûle toujours.
Quatre millions de personnes ont dû fuir leur foyer, alors que plus de 20 millions d’habitants font désormais face à une situation de crise alimentaire, dont 6,3 millions sont en situation de faim, selon les chiffres révélés par la direction du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM). Les promoteurs du dossier comptent sans doute sur les chiffres éloquents de la catastrophe pour attirer de nouveau l’attention sur le Soudan et mobiliser davantage d’efforts pour y faire revenir la paix. Il s’agit bien de la moitié de la population soudanaise que les seigneurs de guerre méprisent et utilisent comme bouclier et comptent comme victimes collatérales. Une population qui tombe dans l’oubli, un dossier relégué dans les tiroirs du monde et déclassé par d’autres priorités.
Triste sort qui devrait donner à réfléchir alors que notre monde s’engage dans un tournant capital de son histoire. Au moment où de nombreuses nations du continent africain se réveillent pour profiter des bouleversements politiques en cours et s’attribuer de meilleures places dans le concert des nations, des peuples demeurent otages de conflits interminables où la cupidité et la stupidité des dirigeants piétinent l’intérêt général et insultent l’avenir des générations.
Le bon sens et le patriotisme commandent pourtant de neutraliser l’égoïsme avide et destructeur, de faire taire les kalachnikovs et de tâcher de regarder ensemble dans la même direction. Et s’il y a une leçon à retenir de l’indifférence dans laquelle tombe le conflit soudanais, c’est celle de savoir qu’on ne peut compter que sur soi-même pour se remettre debout. Le Soudan, la Somalie et d’autres pays en proie à l’instabilité ont trop souffert du sous-développement et ses corollaires tragiques, famine et exploitations néocoloniales en tête. Rater un nouveau rendez-vous avec l’histoire serait un pas fatal vers le suicide.