L’œuvre picturale de Patrick Altes semble être, mais c’est une façon de parler, beaucoup plus dans les mots que dans le graphisme. Il fait partie de ces artistes qui ne tarissent pas d’explications au sujet de leurs œuvres, donnant leurs propres grilles de lecture et leurs interprétations mais surtout leurs intentions qu’elles soient admises ou pas par le public.
Cependant, modère-t-il en substance, «une fois rendue publique, l’œuvre picturale cesse d’appartenir exclusivement à son créateur et devient de fait soumise à autant d’interprétations que d’amateurs, chacun étant libre de voir ce qu’il a envie de voir». Il s’est exprimé lors d’une conférence donnée à l’Institut français.
Natif de la ville d’Oran juste avant l’Indépendance de l’Algérie qu’il a quittée avec ses parents, ce Franco-Espagnol a ensuite beaucoup voyagé notamment en Afrique du Sud où il a enseigné le français alors que le pays était sous le joug de l’apartheid mais aussi en Amérique latine, en Equateur précisément, occupant d’autres fonctions avant d’aller s’installer en Angleterre où il tente de vivre de son art.
De ces continents visités, il adopte des façons de faire, s’imprègne des couleurs et des symboles mais aussi des manières de voir le monde, des philosophies qui allaient consciemment ou pas influencer son travail artistique. Son rapport à l’Algérie est assez particulier dans la mesure où, parti trop tôt, il n’en a pas gardé de souvenirs si ce n’est de manière symbolique mais il est revenu en 2012 en tant qu’adulte accompli.
Une occasion pour lui de mettre des images sur le très peu de récits hérités de ses «parents qui ne parlaient pas beaucoup de cette période». Néanmoins, ces travaux exposés à la Galerie Civ-œil sous l’intitulé Arcadia s’y réfèrent même indirectement. Pour ce cas précis, des tags à la gloire de la Révolution et du FLN aux images de cathédrales s’ajoutent des images de symboles divers liés à la colonisation comme ces soldats en filigrane ajoutés par le truchement du numérique sur la photo d’une de ses œuvres.
Pour le reste, un mysticisme certain habite ses toiles. Les originales sont difficiles à transporter, et à la place, le public a droit à des tirages photographiques (ou des imprimés) mais dont la qualité permet quand même d’entrevoir les détails de son travail ainsi que la texture des matériaux utilisés en dehors de ses œuvres travaillés numériquement sur Photoshop ou autres.
Il est parfois question de passage initiatique et les représentations récurrentes du ciel mais aussi des tréfonds de la terre participent de cette vision transcendantale avec la terre comme matrice et origine du monde et le ciel comme élévation de l’âme.
Des embryons de vie sont, dans la majorité des cas, représentés au même niveau que des cadavres comme pour accentuer l’idée de la mort comme nécessité à toute renaissance et le fait qu’on construit souvent sur les décombres de quelque chose. «Ce sont toutes ses strates qu’elles soient physiques ou simplement culturelles qui font le monde d’aujourd’hui», estime-t-il.
A contrario, les questions d’actualité comme le sort des migrants engloutis par la mer ou la cause environnementale sont également prises en compte dans son exposition. Ni tout à fait figuratif, ni non plus exagérément abstrait, son travail oscille également entre dessin et peinture avec, ça et là, des tentatives de collage d’images.
Dans son intervention sont évoqués des poètes comme Rimbaud ou Verlaine, des peintres espagnols contemporains de Picasso ou de Miro dont il reprend les traits de composition ou alors des chansonniers comme le célèbre compositeur-poète et interprète argentin Atahualpa Ypanqui, des personnalités du monde la culture issus d’horizons divers mais qui ont tous contribué à sa formation en tant qu’artiste.
«J’ai cité ceux-là mais j’aurai très bien pu évoquer également Camus ou Yves Saint-Laurent (qui eux par contre avaient un lien passé avec la ville d’Oran,ndlr) dont un de mes tableau représente justement une création de celui-ci», a-t-il indiqué en marge de la rencontre avec le public ayant, par ailleurs, généré un débat sur des sujets divers, notamment philosophiques.
Mercredi dernier, une rencontre avec les élèves de l’Ecole des beaux-arts de Mostaganem a été organisée avec l’artiste à qui on a ultérieurement fait visiter la ville, son vieux quartier, son musée et son école des Beaux-arts entre autres.