Frappe iranienne au Pakistan : Téhéran affirme avoir visé un «groupe terroriste»

18/01/2024 mis à jour: 02:02
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Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian - Photo : D. R.

Le Pakistan a accusé l’Iran d’une frappe aérienne ayant tué deux enfants sur son territoire, après des raids similaires conduits en Irak et en Syrie par Téhéran contre ce que l’Iran a qualifié de «groupes terroristes anti-iraniens».

Le ministre iranien des Affaires étrangères a affirmé hier que son pays a effectué une frappe aérienne au Pakistan pour viser «un groupe terroriste iranien» et non des civils pakistanais.

«Nous avons uniquement visé des terroristes iraniens sur le sol du Pakistan», a déclaré Hossein Amir-Abdollahian au Forum de Davos (Suisse), au  lendemain de la frappe menée par l’Iran qui a été condamnée par Islamabad. «Aucun civil du pays ami et frère du Pakistan n’a été visé par les missiles et drones iraniens.

Le soi-disant groupe Jaish Al-Adl (Armée de la justice, ndlr), qui est un groupe terroriste iranien, était visé», a indiqué le ministre iranien. «Ce groupe a trouvé refuge dans certains lieux de la province du Baloutchistan», dans l’ouest du Pakistan, frontalière de l’Iran, a-t-il ajouté.

Il «a mené de nombreuses opérations en Iran, en particulier celle dans le commissariat de Rask», dans laquelle onze agents de police iraniens ont été tués en décembre. Le chef de la diplomatie iranienne a indiqué que ce dossier a été discuté «à de multiples reprises avec les responsables pakistanais».

«Nous respectons la souveraineté et l’intégrité territoriale du Pakistan», mais «nous n’acceptons pas que notre sécurité nationale soit menacée et nous n’avons aucune réserve ni hésitation lorsqu’il s’agit de nos intérêts nationaux», a-t-il poursuivi.

Plus tôt, le Pakistan a accusé l’Iran d’une frappe aérienne ayant tué deux enfants sur son territoire, après des raids similaires conduits en Irak et en Syrie par Téhéran contre ce que l’Iran a qualifié de «groupes terroristes anti-iraniens». Islamabad a jugé «totalement inacceptable» la frappe, survenue mardi soir près de la frontière que partagent les deux pays.

L’agence iranienne Mehr a précisé que cette «riposte par missile et par drone» a visé le quartier général au Pakistan du groupe jihadiste Jaish Al Adl (Armée de la justice en arabe), en réponse à une «agression contre la sécurité» de l’Iran. Formé en 2012, Jaish Al Adl est considéré comme un groupe terroriste par Téhéran et a mené plusieurs attaques sur le sol iranien ces dernières années.

Le vice-président iranien aux Affaires parlementaires, Mohammad Hosseini, a jugé hier «naturel» que son pays ait réagi après avoir demandé sans succès au Pakistan d’«empêcher l’entrée en Iran de gens qui tuent un grand nombre de personnes».

«Nous ne posons pas de limites à la défense de nos intérêts nationaux et à celle de notre peuple», a pour sa part déclaré le ministre de la Défense iranien, Mohammad Reza Ashtiani.

Selon des médias pakistanais, la frappe est survenue près de Panjgur, dans le sud-ouest de la province du Baloutchistan (Ouest), où les deux pays partagent une frontière d’un millier de kilomètres. La Chine, qui entretient des liens privilégiés avec les deux pays, les a appelés à la «retenue» et à «éviter des actions qui pourraient exacerber les tensions».

L’Iran et le Pakistan sont membres de l’Organisation de coopération de Shanghai, une structure régionale dont la Chine et la Russie figurent parmi les membres fondateurs. Islamabad occupe une place importante dans le projet des «Nouvelles routes de la soie» de Pékin du fait des grands projets d’infrastructures reliant la Chine jusqu’au port de Gwadar (sud du Pakistan).

Quelques heures avant la frappe, le Premier ministre intérimaire Anwar-Ul-Haq Kakar a rencontré le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, en marge du Forum de Davos (Suisse). «Cette violation de la souveraineté du Pakistan est totalement inacceptable et peut avoir de sérieuses conséquences», a averti le ministère pakistanais des Affaires étrangères dans un communiqué.

«Violation injustifiée»

La frappe en territoire pakistanais mardi soir a «provoqué la mort de deux enfants innocents et blessé trois fillettes», selon la même source.

Côté diplomatique, le Pakistan a dit avoir convoqué le représentant de l’Iran à Islamabad pour protester contre «une violation injustifiée de son espace aérien», et avoir rappelé son ambassadeur en poste à Téhéran.

Mardi soir, l’agence de presse iranienne Nour News a écrit sur X (ex-Twitter) : «Il y a quelques minutes, deux importants quartiers généraux du groupe terroriste dénommé Jaish-Al-Adl ont été ciblés au Pakistan.» «Ces quartiers généraux ont été détruits par des roquettes et des drones», a ajouté la même source.

Les Etats-Unis, qui classent Jaish Al-Adl comme une organisation terroriste, soutiennent que ce groupe «cible en premier lieu des membres des forces de sécurité iraniennes» mais également des responsables gouvernementaux et des civils par des assassinats, enlèvements et attentats-suicides.

Téhéran et Islamabad s’accusent fréquemment de permettre à des groupes rebelles d’opérer à partir du territoire de l’autre pour lancer des attaques, mais il est rare que les forces officielles de l’un ou l’autre pays s’engagent. «Ce qui est d’autant plus préoccupant, c’est que cet acte illégal a eu lieu malgré l’existence de plusieurs canaux de communication entre le Pakistan et l’Iran», a déclaré la diplomatie pakistanaise.

«Le Pakistan a toujours affirmé que le terrorisme était une menace commune à tous les pays de la région et qu’il nécessitait une action coordonnée»,  ajoute son communiqué. «De tels actes unilatéraux ne sont pas conformes aux relations de bon voisinage et peuvent sérieusement ébranler la confiance bilatérale.»

Mardi, l’Irak a rappelé son ambassadeur à Téhéran et dénoncé «un acte clair d’agression» sur la région du Kurdistan autonome, où quatre personnes ont  été tuées et six autres blessées dans un raid, selon les autorités locales.

Baghdad a contesté les propos de Téhéran, selon qui les frappes ont ciblé les services de renseignement israéliens en représailles aux assassinats par Israël de commandants iraniens et alliés. L’Irak a déclaré qu’il porterait plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU à propos de cette «attaque contre sa souveraineté».

La diplomatie iranienne a défendu une «opération précise et ciblée» concernant le raid en Irak, assurant avoir «identifié» et «visé» les quartiers généraux de «criminels (...) en utilisant des armes de précision». Cette attaque intervient en représailles aux récentes, attribuées à Israël selon l’agence de presse iranienne Irna.

Le 2 janvier, dans la banlieue sud de Beyrouth, une frappe a tué le numéro deux du Hamas, Saleh Al Arouri, et six autres responsables et cadres du mouvement. Quelques jours plus tard, Wissam Tawil, un haut responsable militaire du Hezbollah libanais, était tué au Liban par une frappe.

Fin décembre, Téhéran a aussi accusé Israël d’avoir éliminé en Syrie le général de brigade Razi Moussavi, un important commandant de la Force Qods, la branche des opérations étrangères et l’unité d’élite des Gardiens.
 

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