Une sanction inédite pour un ancien président français confirmée en appel : Nicolas Sarkozy a été condamné hier à Paris à trois ans de prison, dont un an ferme à exécuter sous bracelet électronique, pour «corruption» et «trafic d’influence», rapporte l’AFP.
L’ancien homme fort de la droite française a écouté la décision assis sur le banc des prévenus, la mâchoire serrée. Il est ressorti de la salle d’audience sans faire de déclaration. Fustigeant une décision «stupéfiante», «inique et injuste», son avocate, Jacqueline Laffont, a immédiatement annoncé qu’elle allait «former un pourvoi en cassation, pourvoi qui est suspensif de toutes les mesures (...) prononcées aujourd’hui (NDLR, mercredi)». Nicolas Sarkozy, 68 ans, est le premier ancien président français condamné à de la prison ferme, son ancien mentor, Jacques Chirac, s’étant vu infliger en 2011 deux ans de prison avec sursis dans un dossier d’emplois fictifs à la ville de Paris.
Son avocat historique Thierry Herzog, 67 ans, et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert, 76 ans, ont été également reconnus coupables d’avoir noué un «pacte de corruption» avec Nicolas Sarkozy en 2014 et condamnés à la même peine. La cour d’appel a en outre prononcé une interdiction des droits civiques de trois ans pour N. Sarkozy, ce qui le rend inéligible, et pour G. Azibert, ainsi qu’une interdiction d’exercer de trois ans pour Me Herzog. Me Herzog et G. Azibert vont eux aussi se pourvoir en cassation, ont indiqué leurs conseils. La cour d’appel est allée au-delà des réquisitions du parquet général, qui a réclamé le 13 décembre trois ans d’emprisonnement totalement assortis de sursis à l’encontre des trois prévenus, qui ont toujours nié toute corruption, confirmant ainsi les peines prononcées le 1er mars 2021.
L’ancien locataire de l’Elysée (2007-2012) a contesté «avec la plus grande force» lors du procès en appel ces accusations, réaffirmant n’avoir «jamais corrompu qui que ce soit». Ce dernier «s’est servi de son statut d’ancien président (...) pour servir son intérêt personnel», a estimé au contraire la cour d’appel, un «dévoiement» qui «exige une réponse pénale ferme».
«Dévoiement»
Le comportement de G. Azibert a «jeté le discrédit» sur la profession de magistrat, a indiqué la présidente de la cour, Sophie Clément. Quant à Me Herzog, il «a trahi son serment d’avocat».
Cette affaire est née d’interceptions téléphoniques entre l’ex-Président et Me Herzog, son avocat et ami de longue date. Fin 2013, les juges d’instruction chargés de l’enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 décident de «brancher» les deux lignes de Nicolas Sarkozy. Ils découvrent alors l’existence d’une troisième ligne, officieuse. Achetée en janvier 2014 sous l’identité de «Paul Bismuth», une connaissance de lycée de Me Herzog, elle est uniquement dédiée aux échanges entre les deux hommes.
Pour l’accusation, ces écoutes font transparaître un pacte de corruption noué avec G. Azibert, alors avocat général à la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Dans ces écoutes, diffusées pour la première fois au procès en appel, Nicolas Sarkozy, alors dans l’attente d’une décision en cassation dans l’affaire Bettencourt, s’engage «à faire monter» le magistrat ou à faire une «démarche» en sa faveur. L’ex-Président a été en effet un temps inculpé pour «abus de faiblesse» concernant l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettencourt : il a finalement bénéficié en 2013 d’un non-lieu «en l’absence de charges suffisantes».
Pour la cour, G. Azibert, en échange d’un «coup de pouce» pour un poste honorifique à Monaco, a tenté d’influer sur le pourvoi formé par Nicolas Sarkozy. «Certes, les actes entrepris n’ont pas eu la réussite escomptée», mais «cette affaire n’en demeure pas moins d’une gravité certaine», a-t-elle estimé.
Sous forte pression judiciaire, N. Sarkozy sera rejugé en appel à l’automne dans une affaire de financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012. Il a été condamné à un an de prison ferme en septembre 2021. Il est par ailleurs sous la menace d’un troisième retentissant procès : le parquet national financier a requis jeudi son renvoi en correctionnelle dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007. La décision appartient aux juges d’instruction.