Suite à ma contribution par mon premier article intitulé : «Le triomphe de la culture de pomme de terre dans l’oasis d’Ouled Aïssa wilaya de Timimoun», il est important de rappeler l’importance de l’agriculture de terroir, un milieu original par ses composantes géo-pédologiques ou par ses composantes climatiques, ou le plus souvent les deux.
Nous devons savoir que le terroir est avant tout un espace de projet collectif, de production organisé et structuré par des hommes, un enracinement dans un milieu et un scénario d’avenir.
Le territoire d’Ouled Aïssa situé dans la jeune wilaya de Timimoun, faisant partie d’autres organisations spatiales réparties entre les régions naturelles du Gourara, du Touat, du Tidikelt, dans le Grand Sud algérien, présente un fort potentiel agricole et des atouts naturels que nous pouvons mettre en valeur par des filières agricoles dynamiques et la valorisation des terroirs et des produits du terroir.
Un des atouts naturels dans cette région du Grand Sud algérien est le nombre d’heures d’ensoleillement qui peut atteindre jusqu’à 3900 heures par année. Il est utile de mentionner que la lumière est un élément essentiel avec l’eau et le gaz carbonique pour obtenir ce processus biochimique qui est la photosynthèse.
Il est également bon de rappeler que la photosynthèse est un processus utilisé par la plante pour produire de la nourriture pour sa croissance. Plus le taux de photosynthèse est élevé, plus la plante croît rapidement et nous gagnons en précocité, rendement et résistance aux maladies.
L’Algérie possède l’un des gisements solaires les plus élevés au monde.
Les premiers résultats confirment bien que la zone de production d’Ouled Aïssa a une vocation culturale, possède des potentialités et des aptitudes d’un terroir pour la diversification de la production agricole et le développement des cultures maraîchères, notamment la pomme de terre.
La pomme de terre est une excellente plante en tête de succession ou de rotation. Elle est un bon précédent cultural pour le blé, le colza, la betterave à sucre, le soja, les lentilles, l’ail, l’oignon, l’échalote, les fèves, les laitues, … Des rotations de 4 ans minimum sont recommandées pour plusieurs raisons.
Ce produit alimentaire de large consommation sur le marché algérien observe, pour cette première expérience menée à Ouled Aïssa, une récolte fructueuse avec l’essai de la variété Bartina qui se montre très performante et bien adaptée aux conditions locales dans cette région du Gourara.
Culture de la pomme de terre à Ouled Aïssa
Le courage de ces deux jeunes très fiers des résultats obtenus, fruits de l’aboutissement de cette première initiative, est d’avancer pas à pas. Il faut le dire, avec leur persévérance, ils sont plus avancés sur le plan pratique que les agents de vulgarisation et de développement. L’agriculteur est un chercheur de solutions et possède toutes les capacités pour innover à trouver les bonnes pratiques agricoles.
Il est intéressant de rappeler que les dépenses engagées pour la mise en culture menée par ces deux jeunes sur une surface agricole utile d’un hectare sont estimées à environ 700 000, 00 DA. Elles représentent les frais d’approvisionnement et fournitures, les besoins en matériel, la main-d’œuvre et autres frais.
Il ressort sur le plan rentabilité que la marge brute est intéressante ainsi que la marge nette si nous tenons compte des charges fixes. C’est dire que la pratique de la culture de pomme de terre dans les zones arides est une culture bien rémunératrice.
Schéma d’aménagement, d’adaptation et d’exploitation du parcellaire
L’eau d’irrigation provient du puits d’une profondeur de 60 m à partir de la nappe aquifère locale. Le meilleur système d’irrigation est celui du goutte à goutte connu pour être la méthode d’irrigation la plus performante et durable avec 95-100% d’efficacité d’utilisation de l’eau.
Il faut une bonne maîtrise de la gestion de l’irrigation, des besoins bruts en eau, du calendrier d’irrigation, des prélèvements en tenant compte de la demande climatique ou ETP, des coefficients culturaux, des assolements.
Il est important de concevoir et de proposer des programmes de promotion et de développement des utilisations des énergies renouvelables.
Champs de pomme de terre après déterrage ou arrachage
D’autres variétés de pomme de terre de saison ou arrière-saison peuvent faire l’objet d’un essai à cultiver comme la variété Spunta, Condor, Désirée, Diamant, Escort… qui, d’après les recherches, présentent une bonne résistance à la chaleur, à la sécheresse, aux maladies et sont plus précoces et productives.
Les fruits de la terre nourricière
Considérée comme une culture stratégique pour le développement économique, elle est cultivée partout en Algérie et le long de l’année (primeur, arrière-saison et saison).
Rappelons que les régions connues pour leurs aptitudes à cultiver la pomme de terre en Algérie sont Aïn Defla, Mostaganem, Mascara, Tlemcen, Tiaret, Tipasa, Bouira, Skikda et la wilaya d’El Oued, dans le Sud-Ouest algérien.
Une expérimentation réussie que j’avais faite au niveau du périmètre de mise en valeur de Hassi Réda, à 15 km du chef-lieu de la commune de Hassi Messaoud, en 2010, chez un bénéficiaire de l’APFA, dans le cadre du transfert de la technologie du biochar et la promotion des supers potagers.
Les rendements sont encore faibles et les raisons sont à chercher dans la conduite technique de la culture, l’irrigation, la fertilisation et la protection phytosanitaire.
Malgré les potentialités de ces régions, on enregistre un léger déficit de ce produit sur le marché national.
Une cartographie actualisée des potentialités agricoles naturelles et des vocations du Sahara septentrional s’impose pour appréhender le réel et construire notre futur.
C’est un outil d’aide pour une meilleure orientation des décisions et de dynamisation de l’agriculture saharienne et oasienne, mais également pour préserver les ressources en eau et sols ou encore pour développer certaines formes d’agriculture.
La recherche variétale pour une amélioration des qualités gustatives de la pomme de terre et les qualités nutritionnelles mais aussi sa conservation et sa transformation crucial est d’une importance fondamentale.
Il faut créer des variétés performantes mais il faut les multiplier par un savoir-faire, des compétences et une expertise. C’est là qu’interviennent les agriculteurs-multiplicateurs pour la production de semences de multiplication. Pour mettre à la disposition des agriculteurs des plants certifiés de qualité, une augmentation des surfaces en production de plants est nécessaire.
La technologie de la production de vitro-plants est maîtrisée aujourd’hui en Algérie.
Dans le plan national de développement des cultures stratégiques, il est bon d’encourager et d’accompagner des projets d’installation et/ou de diversification de créateurs de valeur ajoutée.
Il faut appuyer et favoriser la valorisation des variétés résilientes et des productions locales et sensibiliser les consommateurs pour une consommation locale.
D’augmenter encore plus la production de la pomme de terre en optimisant les rendements, en produisant plus et mieux avec moins et en protégeant l’environnement. Il faut bien entendu réguler le marché, lutter contre la spéculation, mais aussi garantir aux agriculteurs leur gain et valoriser leur travail.
L’appui technique rapproché par la profession aux producteurs est à prodiguer. L’exemple du passage de la culture de pomme de terre «culture vivrière» à l’agriculture commerciale ou d’entreprise est une réalité. Nous avons un modèle agroécologique et économique modulaire avec des innovations simples, basé sur une économie d’eau avec une amélioration de la productivité des sols et des cultures et permettant d’anticiper les changements climatiques
Le succès est la somme de tous les petits efforts déployés jour après jour.
Par Dr M. Bouchentouf , docteur en environnement et développement durable
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« Adaptations de l’agriculture aux changements
climatiques»
Ancien cadre au ministère de l’Agriculture et du Développement rural
Spécialiste de l’agroécologie des régions arides et semi-arides
Consultant en management et développement de projets à l’international
Chercheur en innovation et prospectives agricoles
Président de l’Association Europe Afrique résilience agroécologique et climatique Paris
Directeur de la Micro-Ferme écologique et innovante
«La Clé des Oasis» Timimoun Algérie