Faute de confiance dans le système financier : Le e-paiement n’a pas la cote

17/03/2022 mis à jour: 00:14
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Les spécialistes recommandent de mettre l’accent sur la sensibilisation pour limiter le recours au chèque dans les transactions interbancaires

Dans le cadre de la réforme de la loi sur la monnaie et le crédit, il est prévu de faciliter le lancement de nouveaux prestataires de paiement (PSP). Les fournisseurs des services de paiement auront donc la possibilité d’accéder au système de paiement national en qualité de contribuable indépendant. Et ce, de manière à contribuer dans la promotion de l’économie numérique. 

C’est ce qu’a indiqué hier le vice-gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Mouatassem Boudiaf, à l’occasion de la journée d’étude sur l’inclusion financière au moyen des technologies du numérique, organisée sous le titre «Quelle finance digitale pour l’Algérie ?» Une rencontre initiée par le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE) conjointement avec l’United Nations Capital Development Fund (UNCDF). 

A cette occasion, le représentant de la Banque centrale a d’emblée affiché l’engagement de l’institution à opérer le virage de la numérisation. «La Banque est résolument pour une digitalisation massive, que ce soit à l’interne ou à l’externe», a-t-il avancé, précisant que c’est l’un des axes majeurs de la révision de la loi sur la monnaie et le crédit. Pour le vice-gouverneur de la BA, l’option de la finance digitale s’impose. 

Cependant faudrait-il accélérer l’usage des instruments de paiement, en commençant d’abord par regagner la confiance des détenteurs de Cartes interbancaires (CIB). «C’est une question de confiance. La digitalisation est un problème sociétal. Les services financiers doivent investir dans cette confiance», fera remarquer M. Boudiaf, excluant de facto l’émission de monnaie électronique dans l’immédiat. «Il faut trouver le juste milieu et se donner les éléments juridiques avant de passer à ce stade. C’est la Banque centrale qui doit décider.»
 

Le plus important pour l’heure est de se focaliser sur la digitalisation du système financier, un chantier dans lequel plusieurs étapes ont été franchies jusque-là depuis janvier 2021, notamment dans le cadre de la dématérialisation des transactions. Des transactions qui restent toutefois loin d’être bancarisées eu égard au retard enregistré en la matière. Le cap est donc à mettre sur cette question, que ce soit du côté des banques ou du groupe d’intérêt interbancaire (GIE). «Il appartient aux banques et au GIE de promouvoir les TPE et de faire naître les transactions électroniques», soulignera le vice-gouverneur de la BA. 

En effet, avec près de 11 millions de CIB et 23,6 millions de cartes de retrait postal, le taux d’utilisation reste faible. Pour les CIB, seulement 30 à 40% de ces cartes sont utilisées (à hauteur de 90%) pour le retrait cash, selon le président du GIE, Madjid Messaoudene. Ce qui fait qu’au final, le taux de paiement électronique ne dépasse pas les 6%, alors que seulement 40 000 commerçants sont dotés de TPE (terminaux de paiement électronique). Ce qui reflète justement la réticence des commerçants vis-à-vis de ce mode de paiement. C’est dire tout le travail à faire pour les inciter à intégrer le système «au lieu d’insister sur les sanctions», comme le soulignera Hind Belmiloud, avocate d’affaires. 

Ainsi, en plus des efforts en matière de bancarisation avec un taux actuel estimé à 44%, il y a lieu de travailler sur la numérisation des transactions. Faudrait-il, selon le président du GIE, consolider les résultats enregistrés dans ce cadre durant la crise sanitaire, une période marquée par une importante hausse (une croissance à trois chiffres) des opérations de paiement électronique. 

C’est donc autour de la sensibilisation qu’il y a lieu d’axer les efforts pour limiter le recours au chèque dans les transactions interbancaires, utilisé à hauteur de 85% en volume contre le reste par CIB. Mais dont la valeur ne représente que 1% du total, selon la Banque d’Algérie. Mouatassem Boudiaf donnera dans ce sillage l’exemple des retraits au niveau des bureaux de poste, estimés à 1000 milliards de dinars. «Et pourtant, on a donné des solutions et on a dématérialisé», précisera-t-il. 

Et d’annoncer en conclusion que même le paiement mobile est possible. Deux banques ont d’ailleurs déjà demandé à le faire.

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