La Russie a mis en garde l’Ukraine hier contre ses velléités de poursuivre les exportations de céréales par la mer Noire, prévenant qu’il n’y a plus de «garanties de sécurité» après l’expiration d’un accord qui permettait de les transporter malgré la guerre, selon l’AFP citant le Kremlin.
«En l’absence de garanties de sécurité appropriées, certains risques se sont fait jour», a averti le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, ajoutant que «si quelque chose doit être élaboré sans la Russie, ces risques doivent être pris en compte». Il répondait à une question sur la volonté exprimée par l’Ukraine de continuer à exporter ses céréales par la mer Noire, avec ou sans l’accord de Moscou sur la sécurité des navires.
En écho, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré à son homologue turc, Hakan Fidan, que la fin de l’accord signifiait «le retrait des garanties de sécurité de la navigation» faisant du nord-ouest de la mer Noire, par où les cargos circulent, une «zone provisoirement dangereuse». «Les ministres ont envisagé d’autres options pour fournir des céréales aux pays les plus nécessiteux», a souligné la diplomatie russe dans un communiqué. La Russie a signifié lundi son refus de maintenir l’accord céréalier signé en juillet 2022 sous l’égide des Nations unies et de la Turquie, et prolongé depuis à plusieurs reprises, dénonçant les entraves au commerce des engrais et des autres produits russes.
Mardi, Dmitri Peskov a également accusé l’Ukraine d’utiliser le couloir maritime ouvert dans le cadre de l’accord «à des fins militaires», alors que Kiev a frappé la veille le pont stratégique reliant le territoire russe à la péninsule ukrainienne annexée de Crimée. En représailles, le ministère russe de la Défense a affirmé hier avoir détruit par une vague de missiles «les installations où des actes terroristes contre la Russie étaient préparés», ainsi que le lieu où sont fabriqués des drones navals.
Avant l’aube, six missiles Kalibr et 21 drones explosifs de fabrication iranienne Shahed-136 envoyés par la Russie sur Odessa (sud) ont été «détruits» par la défense antiaérienne ukrainienne, a de son côté indiqué le gouverneur de la région, Oleg Kiper, sur Telegram. Odessa et sa région abritent les trois ports par lesquels l’Ukraine pouvait, dans le cadre de l’Initiative céréalière de la mer Noire, exporter ses produits agricoles malgré la guerre et le blocus imposé par les Russes. En un an, l’accord a permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, essentiellement du maïs et du blé, contribuant à stabiliser les prix alimentaires mondiaux et à écarter les risques de pénurie. «Même sans la Russie, tout doit être fait pour que nous puissions utiliser ce couloir (pour les exportations) en mer Noire. Nous n’avons pas peur», a affirmé lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Le refus de Moscou de prolonger cet accord a été dénoncé par plusieurs chefs d’Etat occidentaux et par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, selon lequel «des centaines de millions de personnes font face à la faim» et vont en «payer le prix». Pour l’heure, la Russie oppose une fin de non-recevoir aux appels à la reconduction de l’accord et Sergueï Lavrov a averti Hakan Fidan du démantèlement du centre de coordination ouvert à Istanbul dans ce cadre.
Achoppement
Par ailleurs, les discussions sur une déclaration conjointe au sommet entre les dirigeants des pays de l’Union européenne (UE) et d’Amérique latine ont connu hier des frictions sur la responsabilité de la Russie dans la guerre en Ukraine, que certains pays refusent de pointer. Selon plusieurs sources diplomatiques, le pays le plus opposé au texte final, qui a déjà été modifié pour tenter d’arracher un compromis, est le Nicaragua. «Il serait dommage que nous ne soyons pas en mesure de dire qu’il y a une agression russe en Ukraine. C’est un fait», a déclaré le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, lors de la seconde journée de ce sommet réunissant à Bruxelles une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE et de la Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes (Celac).
Le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a indiqué que lors des discussions lundi soir, «presque tous les pays de l’UE, d’Amérique latine et des Caraïbes» sont prêts à signer «un texte soutenant clairement l’Ukraine dans sa lutte pour l’indépendance et la liberté», à part «un ou deux récalcitrants». Il a estimé qu’il vaut mieux «n’avoir aucune conclusion (finale) plutôt qu’une formulation qui ne veut rien dire».
Le ministre chilien des Affaires étrangères, Alberto van Klaveren, s’est montré pessimiste sur un possible compromis. «Cela semble très difficile», a-t-il déclaré. «Nous sommes très surpris qu’il y ait des membres de notre groupe qui s’opposent à une résolution sur la guerre en Ukraine.
C’est une guerre d’agression», a-t-il dit. «Ici, en Europe, c’est difficile à imaginer mais en Amérique latine la Russie est présentée comme un pays pacifique qui a été agressé par l’Otan», a indiqué le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. «Je dirais que, de par sa politique agressive, la Russie, qui poursuit une politique colonialiste, est un empire colonial», a-t-il ajouté.