L’annonce faite dernièrement par le procureur de la Cour pénale internationale de demander aux juges de préparer des mandats contre les dirigeants israéliens, le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, et les responsables palestiniens du mouvement Hamas, Ismail Hannyeh, Yahia Sinouar et Mohamed Deif, a été accueillie comme une bonne chose, mais elle laisse néanmoins un goût amer.
D’abord parce qu’elle se limite à ce qui s’est passé le 7 octobre et l’agression sioniste qui a suivi contre Ghaza et sa population. Alors que des plaintes, déposées auprès de la CPI en 2021 contre Israël pour des attaques de masse et crimes de guerre contre les populations et les territoires palestiniens en 2014 et 2017, sont restées sans suite.
Par ailleurs, la décision de Karim Khan, s’appuyant sur un soi-disant principe de symétrie dans la condamnation entre responsables palestiniens et israéliens (symétrie toute relative de deux mandats d’arrêt contre trois), écarte d’emblée celle des responsables de la hiérarchie militaire sionistes, véritables maîtres d’œuvre du génocide déclenché au lendemain du 7 octobre 2023, à l’instar du chef d’état-major Herzi Halevi ou encore d’autres chefs de brigade et de corps d’armée, déployés dans le cadre de l’agression sur Ghaza et sa population depuis 231 jours.
L’annonce de Karim Khan de lancer de tels mandats d’arrêt fait suite aux deux décisions de la Cour internationale de justice (CIJ), qui s’est prononcée sur l’existence d’un plausible génocide contre les Ghazaouis. La première ordonnant à Israël de prendre des dispositions pour empêcher la commission d’un tel génocide à Ghaza, alors que le nombre de victimes de l’agression inhumaine s’élevait déjà à des dizaines milliers et que 70% des infrastructures (hôpitaux, écoles, habitations) avaient été détruites.
Tandis que la seconde, suite à la demande de l’Afrique du Sud, a demandé à l’agresseur sioniste de lever le blocus de l’aide alimentaire visant à affamer la population ghazaouie. C’est dire que la CIJ était déjà bien avancée dans la condamnation d’un génocide et, par voie de conséquence, de ses ordonnateurs, à savoir Netanyanhu et les suprémacistes racistes de son gouvernement. Et enfin, le 24 mai, la CIJ a ordonné à Israël, toujours à la demande de l’Afrique du Sud, d’arrêter immédiatement son offensive militaire sur Rafah.
Généraux sionistes jusqu’au-boutistes
La Cour pénale internationale, sur le plan formel, n’a fait qu’emboîter le pas à la CIJ, même si son mérite, il faut le reconnaître, est d’avoir mis fin à une certaine impunité dont se prévalaient les ordonnateurs du nettoyage ethnique, invoquant le droit d’Israël à se défendre, mais qui n’est en réalité qu’une volonté barbare de vengeance contre les Palestiniens, au mépris du droit international humanitaire et des Conventions de Genève.
Au plan formel toujours, certains ne manqueront pas de remarquer un déséquilibre dans le nombre de mandats d’arrêt à délivrer. On constate ainsi que le chef d’état-major israélien, Herzi Halevi, véritable maître d’œuvre du massacre de la population et de la destruction de la bande de Ghaza, aux côtés d’autres hauts gradés de la hiérarchie militaire sioniste, a réussi à passer entre les gouttes et n’est présentement pas inquiété par la CPI !
Alors qu’il continue d’affirmer, comme au lendemain du 7 octobre, que l’agression sioniste «vise à éliminer les dirigeants des factions palestiniennes, tous les militants et à détruire toutes les infrastructures à Ghaza». Un jusqu’au-boutiste, parmi les extrémistes, qui jouit encore, pour l’instant, d’une certaine impunité, comme d’autres généraux justiciables pour des crimes de guerre et nullement inquiétés jusqu’à présent.
Est-il besoin de rappeler ici que l’on a vu par le passé, notamment dans le cadre du Tribunal spécial pour l’ex-Yougoslavie, comment des officiers supérieurs compromis dans le massacre de populations civiles ont été poursuivis et condamnés par la Cour de La Haye, aux côtés de responsables et de dirigeants politiques impliqués dans le conflit.
Du côté palestinien, trois responsables politiques sont visés par des mandats d’arrêt émis par la CPI. Les charges retenues contre eux, comme la volonté d’exterminer des Israéliens ou encore celle de violences et de sévices sexuels, ne sont pas suffisamment documentées et étayées. Il en est ainsi de la question de viols de masse qui auraient été commis par des combattants palestiniens.
En effet, aucun témoignage, ni déclaration de victimes n’ont été recueillis, que ce soit par les autorités ou les médias israéliens. Tout simplement parce qu’il s’est avéré qu’il n’existe aucune victime de tels sévices. Cette accusation n’a été fondée que sur la base de ouï-dire, relayée le lendemain du 7 octobre par la propagande sioniste.
Tout comme la question des bébés soi-disant égorgés par les combattants palestiniens au cours de leur opération en territoire israélien, et qui a affolé les réseaux sociaux à partir d’Israël, quelques heures à peine après l’attaque. Jusqu’à ce que l’on se rende à l’évidence que l’on n’a pas retrouvé de corps de bébés mutilés. Une «information» que l’armée sioniste elle-même a dû, à contrecœur, démentir pour couper court à cette folle rumeur, après que des internautes ont dénoncé cette fake news.
Aujourd’hui, l’émission de mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahu et Yoav Gallant par la Cour pénale internationale, sur instruction de son procureur Karim Khan – interpellé ici même, dans ces mêmes colonnes, il y a plus d’un mois à propos du martyre de 16 000 enfants palestiniens victimes du génocide –, est sans aucun doute un premier pas sur le long chemin de la justice.
Mais M. Khan ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin, tant que des généraux et officiers supérieurs, membres du commandement militaire sioniste, susceptibles d’être condamnés pour crimes de guerre et crime contre l’humanité, ne sont pas inquiétés par la justice internationale. D’autant que la CIJ vient d’ordonner à Israël de cesser immédiatement toute offensive sur Rafah.
Rafah, ville frontalière avec l’Egypte et où près d’un million de Palestiniens ont été contraints, ces derniers jours, à un déplacement forcé pour fuir les bombardements et les pilonnages quotidiens de l’armée sioniste. Beaucoup, parmi ces réfugiés, en sont au énième déplacement forcé, dans cet exil intérieur pour fuir la mort. Un exil intérieur qui a débuté le lendemain du 7 octobre 2023. En dépit de l’ordre intimé par la CIJ, Israël poursuit, au mépris du droit international et des institutions de l’ONU, le génocide contre les Palestiniens de la bande Ghaza et de Rafah en particulier.