Alors que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a maintenu, dans son dernier rapport publié ce 11 avril, ses prévisions de progression de la demande pour 2024 par rapport aux prévisions du mois de mars tablant pour consommer 104,5 millions de barils de pétrole par jour (mb/j) en moyenne en 2024 (puis 106,3 mb/j en 2025 après 102,2 mb/j en 2023), les prix du baril ont augmenté. Une hausse engendrée par des facteurs géopolitiques notamment.
En attendant de voir l’évolution du marché, les cours du pétrole sont montés à un sommet de plus de cinq mois ce vendredi, dopés par la perspective d’une perturbation de l’offre de l’or noir. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin s’est ainsi octroyé 0,79%, pour clôturer à 90,45 dollars. Il a grimpé en séance jusqu’à 92,18 dollars, une première depuis fin octobre. Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, avec échéance en mai, a lui glané 0,75%, à 85,66 dollars. Des cours soutenus par les craintes que le conflit entre Israël et le Hamas se propage aux pays voisins dont l’Iran. La tendance est en effet globalement à la hausse depuis quelques mois avec des épisodes d’accalmie. Les deux principaux contrats pétroliers évoluent en nette hausse depuis le début de 2024. Après une année 2023 décevante, les cours du pétrole semblent bien partis pour renouer avec les gains. Les spécialistes du marché pétrolier expliquent cette tendance par plusieurs facteurs.
«Tout d’abord, les perspectives économiques mondiales sont plus optimistes, ce qui a stimulé les attentes en matière de demande de pétrole», résume Stephen Innes, de Spi Asset management (spécialisée en gestion d’actifs), dans une note publiée hier et reprise par les agences. Ce que le Fonds monétaire international (FMI) confirme. Samedi dernier, dans son traditionnel discours de lever de rideau des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale (BM), qui débuteront ce mardi, la directrice générale du fonds, Kristalina Georgieva, s’est félicitée de voir «l’économie mondiale relativement plus solide» qu’espéré, en particulier «grâce à l’activité robuste aux Etats-Unis et dans plusieurs économies émergentes».
Cette révision à la hausse des cours de l’or noir s’explique donc par des perspectives économiques américaines meilleures que prévu. Mais aussi par les perturbations survenues en mer Rouge. A cause d’attaques de navires dans cette région, plusieurs pétroliers ont contourné la mer Rouge, ce qui a augmenté la consommation de carburant pour le transport maritime. Les tensions géopolitiques ont également soutenu les cours du pétrole. Au Moyen-Orient, ces tensions font craindre des risques sur l’offre. «Si l’Iran attaque Israël, il est certain que le pétrole connaîtra une hausse soudaine», estime Han Tan, analyste chez Exity cité par l’AFP.
Cette tendance s’inscrira-t-elle dans la durée ? En réponse à cette interrogation, les avis divergent. Bank of America s’attend à ce que le contexte actuel aboutisse à une «saison de conduite» plus tendue en matière d’offre, puisqu’elle correspond à une période où les Américains prennent davantage le volant (et consomment donc plus de carburant) avec le début des jours fériés et de vacances, soit entre la fin mai et début septembre. L’établissement américain s’attend aussi à un déficit de pétrole au deuxième trimestre et au troisième trimestre qui s’élèverait à environ 450 000 barils par jour.
En conséquence, la banque américaine a relevé sa prévision de cours moyen pour les deux contrats pétroliers. Mais elle reste toutefois à des niveaux qui n’accordent pas vraiment de potentiel solide. Bank of America s’attend à ce que le Brent s’échange en moyenne à 86 dollars le baril en 2024, chiffre qui passe à 81 dollars pour le WTI. Elle prévient cependant que des pics de prix pourraient s’observer autour de 95 dollars cet été.
«Bien que les prix du pétrole brut restent incertains, nous pensons que le WTI trouvera un juste milieu autour de 80 dollars le baril. Je pense que les perspectives sont relativement équilibrées en ce qui concerne les risques de hausse et de baisse à ce stade, en particulier si l’on considère que les niveaux actuels des prix du pétrole s’alignent probablement sur les préférences de l’Arabie Saoudite», juge Stephen Innes de Spi Asset Management.
Pour ce dernier, les tensions géopolitiques constituent le principal facteur de hausse potentielle tandis qu’à la baisse il faut surveiller la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis qui a gagné en efficacité. «C’est un marché qui repose sur des bases fondamentales solides, cela ne fait aucun doute», juge de son côté Bob McNally, fondateur du groupe de consultants Rapidan Energy Group et ancien conseiller de la Maison-Blanche, cité par Bloomberg. «Je pense qu’un pétrole à 100 dollars est tout à fait réaliste, il faut simplement évaluer un peu plus le risque géopolitique réel», a-t-il ajouté.