Les manifestations de l’informel ne résultent pas forcément d’une croissance insuffisante, elles dépendent des institutions, des normes, de la culture et du niveau de développement économique d’une société.
Toutes les institutions internationales sont unanimes à ce propos. Les perspectives du marché du travail sont marquées par de multiples risques d’aggravation en 2023. Selon les prévisions de l’Organisation internationale du travail (OIT), dans certains pays, «les inégalités et la baisse des revenus réels face à la hausse des prix pourraient étouffer la demande de biens et de services produits localement, réduisant encore la croissance de l’emploi, en particulier dans le secteur formel». Ce qui augure du renforcement des rangs des travailleurs informels, plongeant des millions de familles dans la précarité.
Le phénomène n’est pas l’apanage des pays pauvres. Il est aussi présent dans les pays industrialisés. Selon le rapport que vient de publier l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2 milliards de travailleurs dans le monde, soit près de 60% de la population active, avaient un emploi informel avant la pandémie de la Covid-19.
Les répercussions de cette dernière en raison des mesures de confinement, des restrictions de mobilité et des perturbations du commerce international ont entraîné une destruction massive d’emplois. Au plus fort de la crise, est-il indiqué, ce nombre a chuté de 20%, pour revenir au premier niveau au moment où le monde se remet de la crise sanitaire. Depuis, une nouvelle catégorie a rejoint ce secteur, celle des actifs occasionnels ou ceux installés à leur propre compte.
Ainsi, certains emplois formels ont basculé dans l’informel. Comment donc y remédier, sachant que l’informalité est très hétérogène, ses déterminants et manifestations sont divers et complexes ? Selon le même document, «les manifestations de l’informel ne résultent pas forcément d’une croissance insuffisante, elles dépendent des institutions, des normes, de la culture et du niveau de développement économique d’une société».
Un secteur hétérogène
Dans de nombreuses régions du monde, la crise de la Covid-19 a considérablement érodé les contrats sociaux. Dans cette catégorie de pays à revenu faible ou intermédiaire, selon la classification de la Banque mondiale, bon nombre se situe en Afrique. La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) n’en est pas épargnée. Les données de l’OIT pour 2020 relèvent que 85% des jeunes et 61% des adultes y occupent un emploi informel.
Pour sa part, le Fonds monétaire international (FMI), dans son dernier rapport, abonde dans le même sens. A travers quelques statistiques, il met en évidence une réalité qui va en s’accentuant. En Egypte, le taux des activités informelles est de 55%, 62% en Liban et de 66% à Ghaza. D’autres pays sont mieux lotis, à l’exemple de l’Algérie, où il est estimé à 30%, au Maroc à 34,1% et aux Emirats arabes unis à 26,54%.
Par ailleurs, ce dernier peut atteindre 90% dans des Etats sujets à une certaine instabilité, dont la Syrie et le Yémen, est-il indiqué. Les travailleurs de ce secteur ne paient pas de cotisations sociales, ce qui aboutit à une double pénalité : une perte pour les régimes de retraite et une remise en question d’une pension adéquate pour les futurs retraités.
Dans une publication du Centre de recherche en économie appliquée et développement (Cread), datant de mars 2023, il est confirmé l’hétérogénéité du marché informel dans cinq pays de la région, à savoir l’Algérie, l’Egypte, le Liban, le Maroc et la Tunisie. L’article met en lumière les profils des travailleurs qui choisissent volontairement l’informalité, tout en proposant des recommandations politiques afin d’étendre la sécurité sociale, soit le contrat social, à tous les travailleurs informels.
L’OCDE définit l’informalité «comme le reflet du contrat social, qui est un accord entre les citoyens, l’Etat, les travailleurs et les entreprises sur la manière de répartir le pouvoir et les ressources». Au-delà de la sémantique, la mondialisation est pointée du doigt dans la hausse de l’informel. Selon toujours la même source, une analyse complète des tendances récentes montre que la libéralisation des échanges a un impact asymétrique sur l’emploi informel. Idem pour les nouvelles technologies qui offrent des opportunités, mais restent largement associées à des parts élevées d’informalité.