Soixante-deux ans après l’indépendance, de nombreux faits survenus durant la Guerre de libération de l’Algérie restent encore étrangement méconnus ou complètement oubliés. Il suffit de demander au simple citoyen ou à un jeune abordé dans la rue ce qu’il sait sur des événements célébrés chaque année, pour s’apercevoir de la réalité, malheureusement occultée.
En fait, l’Algérien connaît-il vraiment l’histoire de son pays ? Une question qui se pose à une époque où l’indifférence face à tout ce qui concerne l’histoire de l’Algérie inquiète sérieusement. Il est étonnant de voir que des jeunes récitent par cœur la vie et la carrière des footballeurs les plus célèbres de la planète, sans être capables de citer les noms de dix martyrs de leur pays. Il faut dire que la commémoration récente du 62e anniversaire de l’incendie de la Bibliothèque universitaire d’Alger, commis le 7 juin 1962 par l’Organisation armée secrète (OAS) a révélé que peu d’étudiants savaient quelque chose sur ce crime culturel le plus odieux du colonialisme français. La célébration de la «Journée nationale du livre et de bibliothèque» décrétée en 2021 vient rappeler la nécessité d’instituer une véritable culture de la mémoire à l’Université algérienne.
On citera également parmi ces crimes, peu connus par les jeunes, celui de l’assassinat de Ali Maâchi (1927-1958), artiste militant et fidaï au sein du FLN. Un fait longtemps ignoré jusqu’à l’institution de la Journée de l’artiste le 8 juin 1997. Mais, ce qu’on ne savait pas beaucoup, c’est qu’Ali Maâchi avait été tué par les soldats français le 8 juin 1958, avec ses deux compagnons, Djillali Bensotra et Mohamed Djahlène.
Leurs corps avaient été traînés, puis pendus à un platane sur l’ex-place Carnot, devenue la place des Martyrs, au centre-ville de Tiaret. Faut-il rappeler qu’un autre fait demeure inconnu, bien qu’il soit célébré depuis des années le 18 février, institué en 1992 comme «Journée nationale du chahid». On évoque rarement que cette date marque la création le 18 février 1947 de l’Organisation spéciale (OS), organe paramilitaire du PPA-MTLD, qui avait pour principaux dirigeants Mohamed Belouizdad, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella et Mohamed Boudiaf. Une méconnaissance qui marque encore la célébration de la Journée nationale de l’avocat, décrétée le 23 mars.
Une date qui rappelle l’assassinat de Ali Boumendjel (1919-1957), avocat du FLN, arrêté pendant la «bataille d’Alger», torturé et exécuté par les parachutistes français le 23 mars 1957 sur ordre du commandant Paul Aussaresses. Pour l’histoire, le président de la République française, Emmanuel Macron, avait reconnu, le 2 mars 2021, la responsabilité de la France dans l’assassinat de cet avocat nationaliste. Il est toutefois regrettable de constater de nos jours que même dans les manuels scolaires, on n’affiche pas suffisamment d’intérêt pour l’histoire de la Guerre de libération, en dehors des généralités revenant lors des célébrations. Malheureusement, nos jeunes connaissent peu de choses sur les hommes et les femmes, qui se sont sacrifiés pour arracher la liberté de ce pays.
Les exemples ne manquent pas, surtout que la Révolution algérienne compte de nombreux martyrs, encore frappés par l’amnésie, notamment parmi les intellectuels, à l’instar de Mouloud Feraoun, Larbi Tébessi, Ahmed Redha Houhou... Que dire alors des militants d’origine européenne, se considérant comme Algériens, ayant combattu, d’une manière ou d’une autre, pour l’indépendance du pays, à l’image de Fernand Iveton, Raymonde Peshard, Henri Maillot, Maurice Audin et d’autres, tombés eux aussi en martyrs ?