Le mois de Ramadhan aiguise l’appétit des annonceurs, qui voient en la télévision leur nouvel eldorado publicitaire. Les marques et les chaînes TV ont pris l’habitude de s’associer aux valeurs de ce mois sacré dans l’objectif de se refaire «un stock de notoriété» pour le reste de l’année, et pour les marques de déclencher l’acte d’achat dans un contexte économique sensible où l’inflation dicte sa loi.
En effet, une entreprise qui a fait un bon Ramadhan verra ses ventes augmenter le reste de l’année. Une augmentation relative, car elle intervient dans un contexte d’une tendance de fond de baisse des investissements publicitaires en Algérie.
Les investissements publicitaires TV augmentent certes par rapport aux mois précédents, mais ils restent inférieurs en valeur aux investissements des mois de Ramadhan des années pré-Covid, alors qu’au niveau mondial, il y a eu rattrapage et même une augmentation des niveaux d’investissement depuis fin 2021. La réduction des investissements publicitaires sur les médias historiques en Algérie est un phénomène constaté depuis quelques années.
C’est une baisse importante, selon les spécialistes des médias. Depuis 2019, ils estiment que les investissements ont baissé d’au moins 50%, voire plus sur la presse écrite et la publicité extérieure (affichage). Seule la publicité digitale enregistre une légère croissance, mais elle ne représentait au départ qu’une faible part du total des investissements.
Comment expliquer cette situation ? Il faut tenir compte des facteurs mondiaux, comme la Covid, la crise, le conflit en Ukraine, qui, combiné à l’inflation des matières premières, ont fortement impacté le pouvoir d’achat. Il y a aussi des facteurs locaux, liés au hirak, à la baisse du dinar et à l’arrêt de certaines importations (véhicules, électroménager, etc). L’inconvénient en Algérie réside dans la structure de l’économie, très dépendante des recettes pétrolières. L’accroissement du marché de la publicité dépend, en d’autres termes, du degré de diversification de l’économie.
A chacun sa recette
Pour atteindre la cible, chaque annonceur a sa recette : recours aux petites chansons faciles à retenir, mélange des langues utilisées (dialecte, arabe classique et français), appel à des comédiens célèbres et des personnalités médiatiques aimées et appréciées par le public.
Certaines entreprises se trouvent coincées, elles doivent vendre des produits qui coûtent plus cher à fabriquer à une population qui voit son pouvoir d’achat se réduire. Dans l’incapacité de répercuter la hausse des coûts de production sur le prix de vente, au risque de voir leurs ventes s’effondrer, elles sont contraintes de réduire leur budget marketing, surtout de communication : une grande partie des budgets marketing est donc utilisée pour maintenir les prix compétitifs en attendant des jours meilleurs.
Il y a une réelle concurrence sur certains produits de grande consommation avec de nouveaux entrants industriels, qui pénètrent leurs marchés respectifs avec des offres qui se concentrent sur l’entrée de gamme, sachant que compte tenu de l’importance des réseaux de distribution traditionnels, les grossistes et autres intermédiaires, ces nouveaux entrants doivent pour se faire une place au milieu des grandes marques établies, garantir aux intermédiaires de généreuses marges et conditions de paiement, ce qui augmente encore la pression sur le prix de vente.
Cela a entraîné parfois une baisse de la qualité des produits de grande consommation, les industriels doivent adapter leurs formules et les tailles, on peut tous le constater au quotidien. Les portions sont plus petites (yaourt, par exemple), l’emballage plus rudimentaire, les fromages deviennent des «préparations fromagères» vendus dans les supérettes et les lessives ont moins de pouvoir détergent.
Comment faire la différence entre un vrai et un faux fromage ? Le plus simple est de lire attentivement la fiche descriptive du produit. Il faut lire les notices. Si c’est écrit lait constitué, ou bien lait végétal, c’est que c’est une préparation fromagère et non pas un vrai fromage. La dernière tendance observée ces derniers temps met en évidence le fait que les consommateurs sont revenus à la recherche de la qualité et donc la marque forte redevient une garantie de qualité, il est encore trop tôt pour savoir si cela est un phénomène de fond ou conjoncturel.
Parmi les autres tendances, on constate que les marques algériennes sont assez présentes sur les écrans, on remarquera aussi l’absence imposée par les autorités des compléments alimentaires, qui avaient marqué les trois dernières années, décision salutaire, selon les spécialistes des questions sanitaires, qui ont signalé à plusieurs reprises les abus de certaines campagnes contenant des allégations santé invérifiables. La publicité sur les compléments alimentaires est désormais soumise à une autorisation de l’autorité de santé.
Les compléments alimentaires ne sont pas considérés comme des médicaments mais ils peuvent faire courir aux personnes des risques de surdosage ou d’interaction médicamenteuse en cas de prise inappropriée. Alors que les industriels du médicament doivent prouver l’efficacité et l’innocuité de leurs produits par des études cliniques poussées, les fabricants de compléments alimentaires sont largement déchargés de ces contraintes.
Une indigestion auprès des téléspectateurs
Certaines chaînes privées vont jusqu’à passer 40 minutes de spots publicitaires par heure. Lors des émissions culinaires, certains placements de produits occupent plus de 30% de l’écran au point de provoquer une indigestion auprès des téléspectateurs. La raison principale est que la durée des écrans publicitaires n’est toujours pas limitée et que l’autorégulation responsable n’est pas la règle au sein de la profession.
Bien entendu, ces abus limitent fortement, voire rendent nul l’efficacité publicitaire. Aujourd’hui, on parle de «l’économie de l’attention», c’est devenu un enjeu stratégique. Pour rendre une campagne mémorable, il faut construire un discours narratif qui doit répondre à nos schémas cognitifs : il faut quelques millisecondes pour que le cerveau détecte une information, puis quelques secondes de plus pour évaluer si l’information mérite un stockage à plus ou moins long terme. La recette est toujours la même, plus l’émotion générée est forte, plus la mémorisation du message est élevée. De toutes les émotions, la joie est celle qui suscite le plus d’efficacité.
Mais, pour générer de la mémorisation, la qualité de la création est rarement suffisante : la répétition du message devient alors un élément clé. Raconter quelque chose en trente secondes est extrêmement compliqué. Alors qu’en répétant le message, il est possible de «faire entrer les gens dans l’histoire». Le Ramadhan procure des environnements où les temps d’exposition sont longs et les contextes propices à la mémorisation.
Cependant, il faut signaler que la diffusion de la publicité à la télévision se caractérise par le fort encombrement publicitaire des écrans durant la tranche horaire de la rupture du jeûne et le sponsoring présent dans toutes les émissions. Nous constatons ainsi une confusion des consommateurs venant du fait que les annonceurs de produits similaires et concurrents réalisent leurs films avec la même agence, qui fait appel parfois aux mêmes acteurs, les mêmes décors avec des scénarios proches.
A force de les répéter, ils sont devenus lassants, les mêmes personnages bruyants agressent parfois les consommateurs. Le phénomène des dépassements publicitaires, constaté particulièrement pour le créneau horaire réduit de la rupture du jeûne, résulte d’une concentration publicitaire préjudiciable au confort des téléspectateurs. Malgré la popularité des médias sociaux, la télévision reste l’invitée permanente des foyers et des cafés, et le contenu qui y est diffusé ou annoncé prend le pas et la notoriété, même si ces programmes et publicités sont vus à travers d’autres supports, tels qu’internet.
peut dire que toute publicité à la télévision, quel que soit son domaine, s’articule autour de deux idées marketing principales : soit accroître la notoriété d’une marque spécifique, soit obtenir une augmentation des ventes. Par conséquent, la publicité à la télévision est une excellente méthode, qui dure depuis des décennies pour atteindre le plus grande nombre de consommateurs potentiels dans un large public.
Les publicités conçues pour être diffusées à la télévision, même si elles sont présentes ultérieurement sur les réseaux sociaux, sont professionnelles et utilisent des outils artistiques, visuels, musicaux, voire des intrigues narratives, dans le but de divertir le spectateur et d’influencer ainsi ses décisions d’achat. L’un des principaux inconvénients est de montrer la publicité parmi des dizaines d’autres de manière séquentielle, ce qui peut affecter l’attention du spectateur et lui faire oublier le produit ou le but de la publicité, et donc la nécessité de la reprogrammer plusieurs fois pour atteindre son objectif.
En somme, il semble encore trop tôt pour juger de la fin de l’ère de la télévision et de son extinction face à internet, du moins au regard des publicités à fort impact diffusées durant ce mois sacré.