La banque de développement des pays BRICS a besoin d’augmenter ses collectes de fonds et prêts en monnaie locale, a déclaré à Reuters le ministre des Finances sud-africain Enoch Godogwana.
Le capital de la NDB est essentiellement constitué en billets verts, ce qui entrave fortement les visées de dédollarisation. «La promotion de l’utilisation de la monnaie locale parmi les membres de la NDB serait à l’ordre du jour, dans le but de réduire l’impact des fluctuations des taux de change plutôt que la dédollarisation», a souligné le même responsable.
La valeur du dollar s’est fortement appréciée par rapport aux devises des marchés émergents, grâce à la guerre en Ukraine et au relèvement des taux directeurs par la réserve fédérale américaine. «La plupart des pays membres de la NDB encouragent à accorder des prêts en monnaie locale», estime Godongwana en notant que l’augmentation des fonds en monnaie locale ainsi que l’obtention de capitaux auprès de nouveaux membres pourraient aider la NDB dans les moments difficiles.
Cette démarche permettrait de réduire la dépendance de cette nouvelle banque vis-à-vis des marchés de capitaux américains où les sanctions contre la Russie, un de ses principaux membres fondateurs, ont fait grimper ses coûts d’emprunt, notent des analystes interrogés par Reuters.
La NDB envisage d’augmenter les fonds en monnaie locale d’environ 22% à 30% d’ici 2026. «La monnaie de fonctionnement de la banque est le dollar pour une raison très spécifique : c’est en dollar américain que se trouvent les plus grands gisements de liquidités» précise le directeur financier de la NDB, Leslie Maasdrop. Sur plus de 30 milliards de dollars de prêts approuvés par la NDB, les deux tiers ont été libellés en dollars.
La NDB veut s’affranchir de cette dépendance au dollar, surtout depuis l’application de sanctions contre son actionnaire la Russie. Même si la NDB a cessé de prêter à la Russie, elle a été gratifiée d’une baisse de la notation Fitch en juillet 2022 et ses coûts d’emprunt en dollar ont augmenté plus que d’autres. «Une obligation de 1,5 milliard de dollars à cinq ans émise par la NDB était assortie d’un coupon de 1,125% en avril 2021.
Deux années plus tard, une obligation de 1,25 milliard de dollars émise par la même banque a été assortie d’un coupon de 5,125%. C’est plus cher que d’autres emprunts multilatéraux.» La NDB a dû limiter ses nouveaux prêts en raison de cette prime de risque.
«En raison des défis posés par le marché des capitaux en 2022, et afin de préserver les ratios financiers de base de la banque, il y a eu un ralentissement… On ne peut pas sortir de l’univers du dollar et opérer dans un univers parallèle. Alors que la NDB a approuvé des prêts d’une valeur de 32,8 milliards de dollars pour des projets allant des lignes de métro à Mumbai à l’éclairage solaire de Brasilia, les prêts inscrits à son bilan représentaient moins de la moitié de ce montant à la fin du mois de mars», a indiqué M. Maasdorp.
Pour l’heure, la Chine est en tête des marchés en monnaie locale le plus performant de la NDB en émettant 13 milliards de yuans. La banque espère pouvoir lever jusqu’à 1,5 milliard de rands (81 millions de dollars) sous forme d’obligations initiales en Afrique du Sud le 15 août, ainsi que l’émission de sa première obligation en roupie en Inde d’ici la fin de l’année 2023.
«L’apport de capitaux de la part de nouveaux membres est très très important et aiderait la NDB à réaliser son aspiration à devenir une institution de premier plan pour les marchés émergents, le sommet des BRICS étant une plateforme clé pour les discussions avec de nouveaux membres potentiels», explique M. Maasdorp. Pour rappel, la banque de BRICS s’est élargie en passant de cinq membres à neuf. L’Algérie, le Honduras, le Zimbabwe et l’Arabie Saoudite ont affiché leur volonté de rejoindre les rangs des actionnaires de la NDB.
Selon les statuts de cette dernière, les membres fondateurs conservent les postes de direction et la majorité des droits de vote. M. Maadorp a expliqué, pour rassurer les nouveaux membres éventuels, que l’objectif de la banque est de parvenir à un large consensus possible sur les décisions à prendre et que la majorité l’emporterait.