Plus de 60 ans après l’indépendance, les institutions algériennes continuent d’être «hébergées» dans des infrastructures héritées de la période coloniale. En 1962 et avec le départ des administrations françaises, le tout nouveau Exécutif national n’a trouvé évidemment pas mieux que d’investir les anciens bâtiments et y installer ses différents ministères et autres services officiels. Présidence, Parlement, Sénat, Premier ministère occupent à nos jours les anciens bureaux des administrations françaises et les différents pouvoirs qui se sont succédé à la tête du pays n’ont esquissé que quelques vagues projets de délocalisation dans de nouveaux édifices que commandent la fonctionnalité de rigueur et le modernisme en phase avec la nouvelle ère électrotechnique et numérique dans laquelle nous évoluons aujourd’hui. L’érection physique de nouvelles institutions étatiques obéissait non seulement à une nécessité de commodités et de standards conforme à la fluidité de la communication et à l’interaction efficace des pôles de l’autorité mais également à un problème moral pour se départir de tout ce qui révèle le souvenir colonial. L’Algérien gagnerait en fierté, par exemple, en constatant que les lois qui sont votées pour régir la vie de la nation le soient dans des institutions nouvelles conçues et bâties par les soins de l’effort national, donc authentiquement algériennes.
Pourtant, un grand plan d’aménagement urbain de la capitale algéroise a été concocté il y a plusieurs années et comprend des projets prestigieux, comme le siège de la nouvelle Assemblée nationale et le Sénat. Situé du côté du quartier dit «Le Ruisseau», mitoyen aux communes d’Hussein Dey et de Kouba, cet ambitieux projet est destiné à occuper des terrains désaffectés par les démolitions de certaines infrastructures, comme les abattoirs communaux et certaines entreprises, dont les bâtiments étaient vétustes ou menaçaient ruines. Ces assiettes récupérées jouxtent l’ancien ministère de l’Education, le tribunal d’Alger et les sièges du métro d’Alger et de celui du quotidien El Watan. Ce plateau est mitoyen de la ligne de tramway et de la station de métro «Les Fusillés», nom emprunté au boulevard du même nom qui descend jusqu’à la mer. Après beaucoup de faux départs suscités par certaines récessions du budget national, conséquence de crises économiques cycliques, les deux projets d’aménagement sont restés jusqu’à présent au point mort. L’incertitude qui entoure ce mégaprojet de réalisations structurées au sein de ce plateau dit du «Ruisseau», qui devait en plus accueillir des tours de bureaux et différents équipements, tels que révélée par la splendide maquette étalée dans les unes des journaux il y a de nombreuses années, intrigue par les promesses non tenues des différents gouvernements qui se sont succédé et qui n’ont avancé à ce jour, malgré notre curiosité à le savoir, aucune explication sur ces projets en sommeil. Cela rappelle une autre projection grandiose et ambitieuse qui devait nous faire changer de capitale politique en transférant à terme les attributions du pouvoir administratif et exécutif d’Alger vers la nouvelle ville de Boughezoul, dans la wilaya de Médéa. Gros bourg il n’y a pas si longtemps, cette localité est située à 170 kilomètres au sud-ouest d’Alger et à 100 km au sud de son chef-lieu Médéa. Les promoteurs de cette idée prévoient d’accueillir dans cette ville nouvelle une population de 400 000 habitants et créer 122 000 emplois à l’horizon 2030. Cette zone, située à 600 mètres d’altitude et jouissant d’un climat tempéré, sera traversée par l’autoroute transsaharienne en construction et qui a réceptionné un tronçon en deux fois trois voies jusqu’à Médéa. Reste la continuité vers cette nouvelle agglomération, dont les travaux sont en cours. Elle s’étendra sur une superficie de 1200 hectares, extensible à 20 000 hectares, comprenant un boulevard principal de 8 km de long et 200 mètres de large bordé de sous-bois, de larges voies piétonnes, un parc au cœur de la ville de 132 hectares, des canaux aquatiques d’agrément, des grandes surfaces, un technoparc, un centre administratif et… un siège pour l’Agence spatiale algérienne. Le projet date de l’époque de Houari Boumediène, qui avait esquissé l’idée de donner à l’Algérie une nouvelle capitale dans cet endroit, mais l’idée était restée lettre morte. Bouteflika ranimera ce projet entre 2002 et 2005, au plus fort de l’embellie financière née de la hausse des prix du pétrole. Mais même si ce site recevra quelques aménagements (terrassement, placement des gaines pour accueillir les réseaux techniques, réseau d’AEP, bâtiments non achevés, etc.). Pour le moment pas d’aéroport international, ni de ligne ferroviaire à grande vitesse. Les promoteurs initiaux de cette nouvelle ville veulent enlever la capitale aux faits et méfaits du littoral (risque sismique majeur, inondations) et laisser la vieille Alger à ses quartiers délabrés, à sa circulation automobile très congestionnée et à la densité de son tissu urbain largement dépassé par la surpopulation. Le président Bouteflika avait donc dans l’idée de proposer une capitale de haute valeur urbanistique et architecturale et un pôle de développement et de compétitivité par excellence. Dans l’énoncé de ce mégaprojet, il a été retenu comme autres enjeux de Boughezoul, «le freinage de la littoralisation et le rééquilibrage du territoire, l’accueil du surplus de population du littoral et la mise en place d’un réseau urbain hiérarchisé et articulé». Mais la maladie du président défunt en 2012 et encore plus en 2014 avec la baisse brusque des prix des hydrocarbures allaient freiner les travaux de la future capitale du pays.
Mais il n’est pas dit que les travaux de nouveau pôle soient arrêtés totalement. Sous l’impulsion de la nouvelle équipe gouvernementale, des évaluations régulières sont faites sur l’état d’avancement des principaux chantiers de ce mégaprojet financièrement très couteux, sans que les détails n’en soient portés à la connaissance de l’opinion publique.