Les conservateurs britanniques subissent des pertes importantes, selon les premiers résultats d’élections locales en Angleterre, un mauvais présage pour le Premier ministre, Rishi Sunak, et sa majorité au Parlement avant les prochaines législatives.
Au lendemain du vote, qui s’est tenu jeudi pour renouveler des conseils municipaux, dont les résultats tombent progressivement, les Tories, qui gouvernent le pays depuis 13 ans, essuient déjà des défaites lourdes de sens dans de traditionnels bastions de la droite britannique. «C’est toujours décevant pour ces conseillers conservateurs qui travaillent dur», a réagi Rishi Sunak sur Sky News, répétant ses promesses au niveau national concernant l’économie, la santé ou la lutte contre l’immigration illégale. Il avait dit mercredi s’attendre à des élections «difficiles».
Après dépouillement des bulletins dans 72 des 230 conseils locaux en jeu cette année, les conservateurs perdent 258 élus. Le Labour en remporte 143. Les libéraux-démocrates (centristes) enregistrent un gain net de 63 élus, les écologistes du Green Party en remportent 37. Le Parti travailliste, qui espère réussir à faire entrer son chef, Keir Starmer, à Downing Street, à l’issue des prochaines élections législatives prévues d’ici à la fin de l’année prochaine, a par exemple remporté les conseils locaux de Plymouth (sud) et Stoke-on-Trent (nord), «capitale» du Brexit qui avait voté à 69% pour la sortie de l’Union européenne en 2016.
«Nous avons des résultats fantastiques à travers tout le pays», s’est félicité Keir Starmer devant des partisans à Medway (sud-est) où les travaillistes ont repris aux Tories le conseil local. «Nous avons gagné la confiance des électeurs et maintenant nous pouvons avancer pour changer le pays», a-t-il affirmé. Les conservateurs perdent également le conseil local d’Hertsmere, au nord-ouest de Londres, dont le vice-Premier ministre, Oliver Dowden, est député.
A la veille du couronnement du roi Charles III, les conservateurs perdent également le contrôle du Royal Borough de Windsor et Maidenhead, au profit des libéraux-démocrates. «Nous dépassons toutes les attentes», s’est réjoui le chef des libéraux-démocrates, Ed Davey, se félicitant du coup porté au «blue wall» (mur bleu) conservateur.
Pièce d’identité pour voter
Les conservateurs se sont effondrés dans les sondages au fil des scandales politiques qui ont émaillé l’ère Boris Johnson (2019-2022), puis sous l’effet des remous financiers causés par les 49 jours de Liz Truss à Downing Street l’an dernier. La crise sociale provoquée par l’inflation a aggravé leur situation.
L’arrivée au pouvoir de l’ex-banquier et ministre des Finances Rishi Sunak, en octobre dernier, a ramené un semblant de stabilité, avec des succès politiques comme un accord avec Bruxelles sur le statut post-Brexit de l’Irlande du Nord. Mais la défiance persiste dans l’opinion, confirmée par ces scrutins locaux.
Les travaillistes anticipent une avance d’au moins 8% sur les conservateurs, un écart qui, avancent-ils, se traduirait par une victoire s’il se répétait lors des législatives, pour lesquelles les sondages donnent depuis des mois une très nette avance aux travaillistes. Le spécialiste des sondages John Curtice, politologue à l’université écossaise de Strathclyde, avait récemment souligné qu’une avance de plus de 10 points pour les travaillistes laisserait augurer une victoire aux élections générales.
Avant d’arriver au pouvoir respectivement en 1997 et en 2010, le travailliste Tony Blair et le conservateur David Cameron avaient tous deux remporté des succès avec une avance à deux chiffres aux élections locales ayant précédé les législatives, avait-il souligné sur la BBC.
Ces élections ont été marquées par une exigence inédite pour les électeurs : celle de présenter une pièce d’identité pour pouvoir voter. Ce changement crée des remous et a été qualifié par ses détracteurs de manœuvre pour exclure certains électeurs, en particulier les jeunes et les catégories populaires, la carte d’identité nationale à la française n’existant pas.
Là où l’association Electoral Reform Society, opposée à cette nouvelle obligation, a affirmé jeudi avoir constaté «des exemples innombrables» d’électeurs empêchés de voter, l’Association of Electoral Administrators, qui rassemble les administrateurs locaux des scrutins, a assuré que le vote se déroulait «aussi bien que d’habitude».