Il reste encore plus de quatre mois avant le début de la campagne officielle de la présidentielle d’octobre au Brésil, mais le président d’extrême droite Jair Bolsonaro et l’ex-chef d’Etat de gauche Lula sont déjà en mode campagne.
Aucun des deux favoris du scrutin qui s’annonce très polarisé ne s’est encore déclaré officiellement candidat. Et tous les deux tentent, tant bien que mal, de ne pas faire le pas au-delà de la ligne rouge qui les mettrait en infraction avec la législation électorale.
Car la loi interdit expressément aux futurs candidats d’appeler à voter pour eux ou contre leur adversaire et pose des limites strictes à la nature des rassemblements qui peuvent être organisés avant l’ouverture de la campagne elle-même.
«Officiellement, la campagne commence le 16 août», rappelle à l’AFP André César, politologue chez les consultants Hold. Mais d’ici là, Jair Bolsonaro et Lula «vont accélérer le rythme et nous allons voir une campagne (...) qui ne portera pas le nom de campagne».
La probabilité d’un second tour Lula-Bolsonaro est de 95%, pour M. César. Selon le dernier sondage de l’institut Datafolha, Luiz Inacio Lula da Silva reste nettement en tête au premier tour du 2 octobre, avec 43% des intentions de vote, devant le président Bolsonaro (26%).
Aucun autre candidat ne dépasse le seuil des 10%. Mais déjà, dans cette «non-campagne», les deux ennemis jurés ont assisté à moult meetings, inaugurations d’infrastructures ou rencontres avec des artistes, et ont accordé de nombreux entretiens aux médias. Tout en s’attaquant mutuellement et en affirmant l’un et l’autre être le meilleur choix pour «sauver» le Brésil.
«LUTTE ENTRE LE BIEN ET LE MAL»
Jair Bolsonaro, 67 ans, a multiplié ces derniers mois les inaugurations de ponts, routes, aéroports ou résidences dans différents Etats du pays – avec une prédilection pour ceux du Nord-Est, fief historique de Lula – et a lancé de nombreux projets d’aides sociales.
Afin, disent ses détracteurs, de retirer un bénéfice politique de l’attribution des fonds publics. Le week-end dernier, lors d’un rassemblement de son nouveau parti, le Parti libéral (PL, droite), il a déclaré que l’élection d’octobre était «une lutte entre le bien et le mal» que «nous allons remporter».
Lula, 76 ans, qui n’a toujours pas officialisé sa candidature pour le Parti des travailleurs (PT), a participé de son côté mercredi à une rencontre avec des personnalités de la gauche ibéro-américaine sur le thème «Démocratie et égalité».
Ce meeting, devant une salle chauffée à blanc pleine d’étudiants de l’Université d’Etat de Rio de Janeiro (UERJ), s’est conclu par une ovation pour le retour au pouvoir de l’icône de la gauche brésilienne, l’ex-président aux deux mandats (2003-2010).
C’est l’homme que «les démocrates, les progressistes du monde entier» espèrent voir de nouveau au palais du Planalto, à Brasilia, a lancé l’ancien chef du gouvernement espagnol José Luis Rodríguez Zapatero, qui était présent. «SUR LE FIL DU RASOIR»
Pour Michael Freitas Mohallem, professeur de droit, «la principale restriction de la loi (électorale) c’est qu’ils ne peuvent pas se déclarer candidat ni appeler à voter pour eux. C’est une restriction formelle très facile à dépasser». Mais «Lula et Bolsonaro sont sur le fil du rasoir en permanence, car la justice électorale est vigilante (...) dans ce climat de campagne anticipée», tempère M. César.
Dimanche dernier, M. Bolsonaro devait annoncer sa candidature à Brasilia et, partant, lancer sa campagne mais le PL a dû, par crainte de sanction, reformuler l’énoncé de son rassemblement en en faisant un meeting d’adhésions de nouveaux membres.
Et le président a dû renoncer à sa déclaration de candidature. Un député a aussi tenté, mais sans succès, de faire interdire le rassemblement ibéro-américain de Lula. Le parti de Jair Bolsonaro a obtenu du Tribunal supérieur électoral (TSE) qu’il annule des manifestations politiques lors d’un festival le week-end dernier à Sao Paulo.
La chanteuse queer Pabllo Vittar y avait brandi une banderole avec le visage de Lula et d’autres artistes avaient critiqué Jair Bolsonaro. Devant l’avalanche de protestations contre «la censure», le PL avait retiré sa demande et le TSE s’était rétracté.