Des chercheurs et experts algériens et étrangers ont souligné dimanche à Alger l’importance de l’éducation aux médias en Afrique dans le but de permettre aux gens de penser de manière critique et de reconnaître les fake news, dans un contexte géopolitique complexe où les menaces et discours de haine se multiplient.
A l’occasion de la Semaine internationale de l’éducation aux médias de l’Unesco, l’Institut national d’études de stratégie globale (INESG) a organisé une conférence sous le thème «Les enjeux de l’éducation aux médias en Afrique», en présence de représentants de plusieurs institutions et organes étatiques.
Dans sa présentation, l’enseignante et chercheure à l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information (ENSJSI), Rima Rouibi, a affirmé que l’éducation aux médias et à l’information (EMI) est aujourd’hui «plus que nécessaire», dans un contexte de guerre médiatique et de fake news. Selon la chercheuse, celle-ci «repose principalement sur les compétences par rapport à la maîtrise journalistique».
«Cela exige de savoir s’interroger sur le contenu médiatique, notamment qui l’a partagé et qui l’a publié», a insisté Mme Rouibi, car, poursuit-elle, la technologie n’a pas été accompagnée de réflexes pour contrecarrer les fake news, notamment en Afrique. «Aujourd’hui, l’éducation aux médias se positionne comme un garant pour les populations africaines afin de s’auto-préserver des propagandes et désinformations, elle est la solution pour éveiller la fonction critique du citoyen et la prise de décision», a assuré Mme Rouibi.
Pour sa part, le journaliste et professeur à l’université de Tours, en France, Laurent Bigot, a présenté – par visioconférence – les outils pédagogiques à l’éducation aux médias et à l’information sur lesquels se base le site Factoscope, dont il est le fondateur, et qui, dit-il, est «un pont entre le fact-checking et l’EMI».
Il a élucidé la façon avec laquelle se fait le travail de vérification et d’investigation sur un factuel et présenté les enjeux de l’éducation aux médias en Afrique à travers un projet appelé Factoscope, une plateforme qui regroupe plusieurs pays africains, pour apprendre aux populations les bonnes pratiques du fact-checking et les règles à respecter. M. Bigot a souligné l’importance de «la transparence des sources, des fonds et des organisations ainsi que la transparence des méthodologies».
Du côté africain, plusieurs interventions ont été données, notamment celle de l’enseignant à l’université de Manouba, en Tunisie, Malek Khaldi, qui a insisté sur la maîtrise de la terminologie afin de mieux traiter les faits. «La désinformation commence par la mauvaise utilisation de la terminologie», a-t-il dit.
Du Cameroun, l’enseignant en psychologie sociale et directeur de l’association Eduk Media, Andzongo Blaise Pascal, a fait un exposé de ce qui se fait dans son pays et en Afrique en matière d’EMI, à travers les activités et formations proposées à la société civile, regrettant que l’intégration de l’EMI dans le programme scolaire sur le continent ne soit pas une priorité des gouvernements.
Enfin, le professeur Hakim Akrab, du Groupe de recherche sur les enjeux de la communication – Grenoble Universités (France) –, a abordé le rôle de la communication publique pour contrecarrer l’infox et comment celle-ci devrait être au service de l’intérêt commun, en entretenant un lien entre l’institution et le citoyen et ne pas le rompre, mais au contraire établir une confiance entre les deux.
Ghaza, un cas de figure de désinformation
Pour enrichir davantage la conférence, l’agression sioniste contre Ghaza a été donnée comme l’un des exemples d’actualité pertinents de fake news et d’infox. Le fondateur de l’Observatoire palestinien pour l’audit de l’information Tahaqaq, Bakr Abdelhak, a fait la lumière sur les outils de désinformation utilisés par les médias israéliens. Bakr Abdelhak, qui est intervenu depuis Ramallah, a expliqué comment l’occupant israélien manipulait les informations pour faire une propagande médiatique et politique, citant les rumeurs sur le meurtre et l’enlèvement de femmes et d’enfants, et comment en revanche il nie les vérités, comme celle du bombardement de l’hôpital El Maamadani à Ghaza, qui a fait plus de 500 martyrs.
Parmi également les outils utilisés, le trucage de photos sur le Net pour tromper l’opinion publique, mais aussi bloquer toute publication sur les réseaux sociaux contenant des mots clés anti-sionistes, déplorant, par ailleurs, les difficultés à joindre les sources depuis Ghaza avec la coupure de l’internet et de l’électricité. Enfin, le professeur à l’université de Beyrouth, Assaad Al Sahmarani, a rappelé la doctrine sur laquelle se base la politique sioniste, à savoir «les médias et l’argent, qui est elle-même fondée sur des textes religieux mensongers».